Trois questions Xavier Delsol, associé du cabinet DELSOL Avocats
Le rapport parlementaire sur « La philanthropie à la française », rédigé par les députées Sarah El Haïry et Naïma Moutchou vient d’être rendu public. Il formule 35 propositions pour favoriser la philanthropie en France. L’avis de Xavier Delsol, spécialiste en la matière.
Quelle est votre appréciation globale sur ce rapport ?
Ce rapport est globalement de qualité. C’est un bon exercice de synthèse et les rédactrices ont entendu de nombreux interlocuteurs. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’échanger plusieurs fois avec elles et je les ai trouvées très à l’écoute. La problématique a été bien appréhendée et le rapport contient quelques propositions intéressantes notamment quant au deuxième axe du rapport, en ce qui concerne l’articulation de la philanthropie avec les droits de succession. Ce rapport va plus loin que les propositions déjà faites sur la réserve héréditaire (rapport publié en janvier, ndlr) et qui était, à mon sens un peu frileuses ou du moins hésitantes. Certaines dispositions du rapport sont cependant assez politiques et n’apportent pas grand-chose au régime de la philanthropie, ce que l’on peut regretter. En ce qui concerne le premier axe des mesures, notamment, le rapport plaide plutôt pour un encadrement et un renforcement des contrôles sur les structures philanthropiques, alors qu’il en existe déjà à mon sens déjà suffisamment (Cour des comptes, IGAS, ministère de l’intérieur, contrôles fiscaux, commissaires aux comptes, etc.).
Quelle serait selon vous la mesure la plus importante à adopter ?
Outre quelques petites mesures, très simples à mettre en œuvre, qui ont été reprises parmi les 35 propositions (et dont certaines ont déjà fait l’objet de propositions d’amendements parlementaires dès la parution du rapport, ce qui est à signaler positivement), les plus importantes concernent la réforme de la réserve héréditaire dont le régime est complètement désuet et qu’il est impératif d’aménager et de moderniser. En termes d’image et même au regard du rayonnement international de notre pays, il est important de montrer que ceux qui veulent donner peuvent le faire facilement. Même si la loi Léotard et la loi Aillagon ont constitué en France un réel déclic juridique comme psychologique pour inciter à donner, le dispositif doit être simplifié et complété en ce qui concerne la réserve héréditaire. Il n’est pas normal qu’un chef d’entreprise (ou un actionnaire de référence) qui souhaite donner ses actions à une fondation et/ou à ses employés, avec l’accord de ses héritiers, soit encore bloqué juridiquement dans son geste et que pèse sur lui une suspicion de fraude.
Sur quels points êtes-vous plus circonspect ?
Sans doute sur la proposition de créer un organisme interministériel chargé de définir la notion d’intérêt public. Cette tâche est pour le moment dévolue au Conseil d’État et ce n’est pas une mauvaise idée, en effet, de la confier à une autre structure, mais en même temps, on peut aussi craindre que cet organisme ne devienne un « comité Théodule » ou un « machin » pour reprendre l’expression du Général De Gaulle, surtout si sa composition n’est pas tellement représentative. Mais le plus regrettable est sans doute d’avoir adopté trop souvent un prisme de lutte contre la fraude, qui confère à ce rapport un esprit particulier, alors qu’on pouvait en espérer un plus grand souffle de liberté et d’ambition. Ainsi, par exemple, malgré les opportunes propositions pour simplifier le millefeuille administratif créé au fil du temps en matière de fondations, un réel assouplissement de leur statut eût été, à mon sens, opportun.