Trois questions à Pascal Saint-Amans, directeur du centre politique et d’administration fiscale de l’OCDE
À l’occasion de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies, les Inspecteurs des Impôts Sans Frontières ont rendu leur rapport annuel. Pascal Saint-Amans, directeur du centre politique et d’administration fiscale de l’OCDE, à l’initiative du projet, le résume.
Comment est né le projet Inspecteurs des Impôts Sans Frontières (IISF) ?
L’idée est née au moment du printemps arabe, lors d’un échange avec un secrétaire d’État aux affaires étrangères américain qui m’a fait prendre conscience de la vulnérabilité des pays en voie de développement lors des négociations avec de grands groupes internationaux concernant l’exploitation de ressources naturelles. L’idée est de mettre à disposition des pays en voie de développement ne disposant pas des compétences suffisantes dans leurs pays, des inspecteurs des impôts qui apportent leur expertise lors des audits dans les pays concernés. Il est en effet très compliqué parfois, pour un service étatique, de se retrouver face à une équipe d’une dizaine d’avocats issus des Big Four. L’idée lancée en 2012, a été très appréciée par les pays en voie de développement. Après une période de test en 2012-2015, l’ONU est entrée dans le projet avec la PNUD (programme des Nations Unies pour le développement) et un secrétariat commun à l’ONU et à l’OCDE a été créé.
Quel bilan dresse le rapport présenté à l’ONU ?
Depuis la création du programme, ont été effectués près de 100 déploiements d’inspecteurs des impôts dans les pays qui en avaient besoin. En ce qui concerne les impôts recouvrés, ils s’élèvent à 537 M$. Le montant des sommes notifiées s’élève quant à lui à 1,84 Md$. Il y a certes, beaucoup d’argent en jeu, mais au-delà de ces sommes, ce programme a permis de transférer des compétences, car les inspecteurs des impôts ainsi déployés sont intégrés à une équipe locale et lui apportent leurs compétences, notamment en matière de prix de transfert. Ces échanges ont un impact, à long terme, sur le développement de ces pays. Concernant le rapport annuel 2020, on pourra constater que, malgré le Covid-19 qui a empêché les inspecteurs de se rendre dans les pays demandeurs, un système sécurisé d’échanges a été mis en place et ceux-ci ne sont pas restés inactifs. L’autre source de satisfaction est que cette année, des pays en voie de développement ont pu adresser des inspecteurs pour assister d’autres pays. Il y a ainsi eu cinq à six assistances Sud/Sud. Par exemple, des inspecteurs kényans ont assisté le Botswana dans un dossier.
Quelles perspectives pour IISF ?
Nous allons continuer le déploiement et nous voudrions le développer, afin qu’il n’intervienne plus seulement au cas par cas, comme actuellement, mais qu’il soit plus systématique et que nous puissions augmenter le nombre d’assistances mises en place. Nous sommes aussi en train d’examiner la possibilité d’étendre cette initiative au-delà des problématiques fines comme celles des prix de transfert, aux cas de fraudes fiscales plus massives et aux crimes fiscaux. Nous réfléchissons également à l’opportunité d’étendre notre rayon d’action à l’assistance à la négociation de conventions fiscales qui est un domaine dans lequel nous avons beaucoup de demandes. Il existe, à n’en pas douter, du potentiel de développement.
Note : Le rapport annuel de IISF est consultable, en anglais, sur le site www.tiwb.org