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Trois questions à Nathalie Roret, vice-bâtonnier de Paris

Par Anne Portmann

Le barreau de Paris multiplie les actions pour accompagner les avocats en cette période de crise sanitaire et s’inquiète, en premier lieu, de l’absence de mesures de protection sanitaire pour les avocats qui assurent la défense pénale d’urgence.

Quelle est la situation des avocats parisiens qui assurent les audiences subsistantes ?

En cette période de confinement, beaucoup de tribunaux sont fermés. Les juridictions doivent toutefois assurer la continuité du service public de la justice. À Paris, nous avons été contraints d’introduire un référé-liberté, qui a été audiencé le 14 avril devant le Conseil d’État, pour exiger de l’État qu’il reconnaisse la justice comme un service public essentiel et prioritaire et enjoigne l’administration de fournir des masques et du gel hydro-alcoolique en quantité suffisante pour assurer l’effectivité du droit de tout prévenu d’être assisté d’un avocat. J’ajoute que si les magistrats et les greffiers peuvent, en général, se tenir à distance des justiciables, ce n’est pas le cas des avocats qui doivent être aux côtés des clients et toucher leurs documents papier. Il s’agit de surcroît de populations vulnérables, qui n’ont pas accès à des protections. Les avocats, comme les justiciables, sont donc dans une situation de haut risque sanitaire. Le barreau de Marseille a initié une action similaire.

La question de la sortie de l’état d’urgence inquiète également les avocats ?

En effet, un autre référé a été introduit par le Conseil national des barreaux, auquel le barreau de Paris est intervenu volontairement, quant aux mesures de simplification de la procédure pénale et civile. Il conviendra de veiller à ce que les mesures exceptionnelles qui ont été mises en place pour les besoins de la continuation du service public de la justice en temps de crise sanitaire demeurent exceptionnelles et ne puissent pas rester en place, une fois le confinement passé. La préoccupation des avocats est qu’il faut que tout ce qui met de la distance entre le juge et le justiciable (dépôt des dossiers, visioconférence) soit évacué une fois que nous serons sortis de la crise. Même si, pour l’heure, le principe de réalité nous contraint à éviter les audiences et à reporter les délais, ces règles ne devront pas perdurer et il sera indispensable de revenir au présentiel une fois le confinement passé.

Quelles mesures sociales a pris le barreau de Paris pour aider les avocats pendant la crise sanitaire ?

Nous avons suspendu les prélèvements automatiques pour les cotisations de l’Ordre et avons débloqué un fonds de solidarité pour que des aides d’urgence puissent être octroyées, en fonction de la situation des avocats, pour le paiement des loyers des locaux professionnels, par exemple. Une adresse e-mail dédiée aux questions sur le covid-19 (comitecovid19@avocatparis.org) a été mise en place pour répondre aux préoccupations des avocats et le service économique et social du barreau est en mesure de prendre connaissance de la situation des avocats qui le saisissent. Une ligne bleue est également disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour les avocats en détresse psychologique.

Nous avons également proposé au conseil de l’Ordre, qui se réunit désormais de manière dématérialisée deux fois par semaine, de donner la possibilité aux avocats en difficulté d’être rappelés par d’anciens membres du conseil de l’Ordre, afin de bénéficier de conseils personnalisés sur leur situation dans un cadre informel et bienveillant. Les équipes de l’Ordre sont très mobilisées pour tenir les avocats informés de la situation. Nous avons d’ailleurs diffusé près de 50 communiqués depuis le début du confinement ainsi qu’un vademecum régulièrement mis à jour.

Nous avons, par ailleurs, dû interpeller les pouvoirs publics pour que les avocats bénéficient du prêt de l’État de 1 500 €, pour que nos banques partenaires leur consentent les prêts garantis par la BPI, pour que les avocats puissent bénéficier des indemnités journalières pour garde d’enfants, et que les salariés de nos cabinets puissent prétendre au chômage partiel. Cela confirme ce que nous avions compris lors de la grève des retraites : les pouvoirs publics n’ont pas conscience de la façon dont travaillent les avocats, de leurs difficultés et ne comprennent pas le statut de la collaboration libérale. Nous avons dû faire preuve de pédagogie et de conviction à cet égard.

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