Trois questions à Julie Couturier, Batonnier de Paris
Lundi 30 janvier 2023, les représentants des professions d’avocat et de magistrat ont signé, à la Cour de cassation, une charte de présentation des écritures, présenté comme un guide de bonnes pratiques, non contraignant à l’usage des avocats. Les explications de Julie Couturier, qui fait partie des signataires.
Dans quelles circonstances a été signée cette charte ?
Dans le cadre des travaux visant à améliorer les relations entre magistrats et avocats, des récriminations s’étaient fait jour, relativement à la quantité et à la qualité des écritures des avocats. Outre le fait qu’il s’agit d’un sujet de formation pour les avocats, à l’été 2021, une note de la Chancellerie avait voulu imposer aux avocats des contraintes très fortes sur leurs conclusions, comme la limitation du nombre de mots ou la synthèse des moyens. Elle a provoqué une levée de boucliers de la part de nos confrères. La première présidente de la Cour de cassation, Chantal Arens, avait alors mis sur pied un groupe de travail sur la présentation des écritures, qui était d’ailleurs le pendant du groupe de travail sur la structuration des décisions de Justice. C’était l’opportunité pour la profession de demander à la Chancellerie de nous laisser faire du conventionnel plutôt que du réglementaire, afin de remporter l’adhésion des avocats.
Quels sont les engagements principaux contenus dans cette charte ?
Cette charte est en réalité le plus petit dénominateur commun. Il s’agit de préconisations très générales et minimales que la majorité des avocats pratiquent déjà. C’est en réalité de la reprise des textes et du bon sens et des bonnes pratiques, une base minimale qui permet de tenir à distance les velléités de réforme par voie réglementaire. Et c’est sans préjudice de conventions légales ou par matières, qui se pratiquent du reste depuis de nombreuses années, par exemple devant les chambres de la construction, ou de la famille, et convenues entre les magistrats de chaque pôle et les avocats qui y travaillent souvent. Il ne s’agit pas, comme j’ai pu l’entendre chez certains confrères, d’une aliénation de la liberté des avocats, très sensibles lorsque l’on touche à leur liberté rédactionnelle. J’ajoute que ces conseils de présentation n’ont pas de visée technique à moyen ou long terme, et qu’il ne s’agit pas de « formater » nos écritures pour leur faire subir un quelconque traitement algorithmique. Ce n’est absolument pas la visée de départ.
Certaines critiques pointent l’engagement unilatéral des avocats et l’absence de contrepartie de la part des magistrats. Que leur répondez-vous ?
Avec cette charte, qui était attendue par la Chancellerie, nous sommes parvenus à dissuader le garde des Sceaux de réglementer sur ce point, ce qui est déjà une réussite. Les avocats doivent, dans l’intérêt de tous, s’approprier ces bonnes pratiques. Ensuite, il avait été dit que les efforts sur les écritures conditionneraient l’assouplissement du décret Magendie. C’est cela la contrepartie.