Trois questions à Jérôme Barré, associé du cabinet Barré & Associés
Dans six arrêts publiés mercredi 3 mars dernier, la Cour de cassation a donné gain de cause à l’administration concernant le redressement fiscal de près de 1400 redevables de l’impôt sur la fortune (ISF), pour un montant de 25 M€. Jérôme Barré décrypte cette affaire. Trois questions à Jérôme Barré, associé du cabinet Barré & Associés.
Finaréa, considérée comme l’un des plus gros contentieux en la matière. Dans quel contexte ont été rendus ces arrêts ?
L’affaire Finaréa, considérée parfois à tort comme le plus important redressement fiscal au titre de l’ISF, dure depuis plus de dix ans. À l’origine du litige, le refus de l’administration fiscale d’octroyer une réduction d’ISF – d’un montant équivalent à 75 % des investissements réalisés, dans la limite de 50 000 € –, aux contribuables ayant investi dans des PME, au travers de 17 holdings constituées par la société Finaréa, lancée en 2008 par l’homme d’affaires et expert-comptable Christian Fleuret. Un bon nombre de juridictions ayant déjà jugé l’affaire (tribunaux et cours d’appel) avaient donné raison à ces contribuables. Jusqu’à ce que la Cour de cassation se prononce le 3 mars, en défaveur de près de 1 400 d’entre eux, leur infligeant un redressement fiscal d’environ 25 M€.
Quels sont les fondements juridiques sur lesquels s’est appuyée la Cour ?
Pour bénéficier de cette réduction d’impôt, les contribuables étaient tenus d’une obligation déclarative. La Cour de cassation a donné raison à l’administration fiscale en établissant, dans un premier temps, que si la remise de ce document par Finaréa constituait une formalité nécessaire à l’obtention de l’avantage fiscal, elle ne suffisait pas à démontrer que les conditions étaient réunies et ne conférait aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d’impôt à laquelle il prétendait. La Cour de cassation a, dans un second temps, estimé que les 17 holdings constituées par la société Finaréa n’avaient pas le statut de « holding animatrice » ouvrant droit au bénéfice de la réduction ISF-PME, durant la première année de son existence. Elle retient notamment que, tant que la holding n’a pas pris de participation dans une PME, le souscripteur au capital de cette holding ne peut profiter d’une réduction d’ISF. L’argumentation de la Cour de cassation, considérant que Finaréa a émis un peu trop tôt son attestation, alors que toutes les conditions de la holding animatrice auraient dû être remplies au moment de la souscription des contribuables, est sévère. Pour cela, il aurait notamment fallu que Finaréa souscrive au capital des sociétés alors qu’elle n’en avait pas forcément les moyens financiers. À partir de là, lorsque le certificat était émis, les contribuables auraient dû être certains que Finaréa était déjà une société animatrice.
Est-ce que cela n’était pas quelque chose d’impossible ?
La Cour de cassation retient enfin que, si Finaréa avait les moyens de s’impliquer dans la gestion des PME, les contribuables ne démontrent pas leur mise en œuvre. Cela laisse supposer que Finaréa avait peut-être des « holdings de souscription », c’est-àdire des holdings qu’elle n’animait pas effectivement. La qualité de holding animatrice des sociétés était-elle fondée sur des prises de participations au capital des PME, mais sans les animer? Ou bien les holdings ont-elles mis en œuvre des moyens permettant de démontrer qu’elle se sont impliquées dans la gestion de la politique des PME? Qui sont les grands perdants dans cette affaire? N’ayant pu se retrancher derrière son erreur auprès de l’administration fiscale, les contribuables se retourneront probablement contre Finaréa une fois que toutes les voies de recours fiscales seront épuisées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Rappelons que cinq arrêts rendus par la Cour de cassation sur six sont renvoyés devant la cour d’appel. Le suspense est à son comble et espérons que Finaréa est couverte par une bonne assurance…