Trois questions à Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB)
Dans un communiqué du 30 décembre 2019, le bureau du CNB avec la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris, a annoncé un mouvement de grève « dure » des avocats pour une semaine, éventuellement reconductible, à partir du lundi 6 janvier 2020. Explications.
Quels sont les raisons du durcissement du mouvement de grève des avocats, initié au début du mois de décembre ?
Ce durcissement intervient dans le cadre de la protestation contre la réforme de notre régime de retraite. Le CNB a reçu le mandat de négocier mais uniquement dans le cadre du régime autonome. Or, il y a un blocage des négociations, car la ministre n’accepte de négocier que si les avocats acceptent le principe du régime universel, ce qui est exclu. Nous avons constaté qu’au sein du collectif SOS retraites - qui rassemble 16 professions qui ont toutes en commun d’avoir des régimes autonomes - les seuls qui ont obtenu de conserver leur régime autonome sont les pilotes de lignes, qui ont déposé un préavis de grève pour le 3 et le 4 janvier 2020, ce qui bloquait les retours de vacances. Il est évident que les grèves symboliques des avocats n’émeuvent personne et que la seule façon d’obtenir quelque chose est de durcir le ton en bloquant la machine judiciaire. La colère des avocats est grande, car la réforme des retraites intervient de surcroît, dans un contexte de publication de décrets que la profession n’a pas le temps de digérer et qui risque d’entraîner une sinistralité importante.
Comment va se dérouler cette grève ?
Le bureau du CNB a décidé du durcissement dans l’unité, avec la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris. Conformément au principe d’autonomie des Ordres, ce sont ces derniers, qui détermineront, avec leurs bâtonniers, les modalités spécifiques dans chaque barreau. Les suggestions formulées dans notre communiqué (demande systématique de renvois, cessation d’activité judiciaire) ne sont pas exhaustives.
Le CNB va équiper les avocats de kits, contenant notamment des affichettes. Aucune manifestation n’est prévue au niveau national, mais les barreaux peuvent prévoir des rassemblements au niveau local.
Comment les avocats qui ont une activité juridique peuvent participer à la grève ?
Le kit qui est diffusé concerne principalement l’activité judiciaire, qu’il s’agit de bloquer. Les initiatives sont entre les mains des bâtonniers, dont dépendent particulièrement les avocats pour le judiciaire. Mais l’appel à la grève est général et les avocats peuvent également choisir de suspendre leur activité juridique pendant cette semaine. Cette grève est liée à la réforme des retraites, mais le découragement des avocats est général, le stress, l’urgence et l’impréparation des réformes de procédure ajoutent encore à leur angoisse pour l’avenir. Le référé-suspension du décret réformant la procédure civile a été rejeté pour défaut d’urgence, mais le raisonnement reste valide sur le fond. Quant aux autres décrets parus au Journal Officiel du 31 décembre 2019, les membres du Conseil national des barreaux sont sur le pont et procèdent à leur analyse pour déterminer les actions qu’il y a éventuellement lieu de mener.