Trois questions à Bruno Jarry, directeur de l’Académie Nationale du Viager et responsable du pôle juridique de Senior Consulting Group.
Si le viager intéresse de plus en plus de professionnels de l’immobilier, notamment depuis la crise sanitaire, nombre d’entre eux rédigeraient des mandats et des compromis de vente déséquilibrés, au détriment des vendeurs. L’Académie Nationale du Viager, engagée depuis 4 ans, réclame un encadrement de la profession dans ses pratiques et techniques, afin de faire évoluer le marché vers une éthique commune du viager et garantir les connaissances indispensables pour répondre aux enjeux et aux projets des retraités. Explications. Trois questions à Bruno Jarry, directeur de l’Académie Nationale du Viager et responsable du pôle juridique de Senior Consulting Group.
Le viager connaît-il un regain d’intérêt depuis le début de la crise sanitaire ?
La crise sanitaire actuelle a confirmé l’attrait des ventes immobilières en viager occupé. Les retraités redoutent en effet de se retrouver en Ehpad, ce qui pourrait les exposer à un plus grand risque de contamination et les isoler de leurs proches en cas de nouveau confinement. Mais une très grande majorité de retraités privilégient l’envie de rester chez eux depuis toujours. Et quand ils ont le choix, c’est totalement compréhensible. En effet, ils gardent leur qualité de vie, leurs repères et leurs habitudes. C’est un confort auquel ils ne veulent se résigner lorsqu’ils ont la liberté de choisir. Il est vrai que le viager occupé permet ce choix et cette liberté de vie.
Quelles dérives sont apparues ?
Avec la crise sanitaire, le marché immobilier s’est restreint, donc de plus en plus de professionnels sont intéressés par le dispositif du viager. Certains nouveaux « experts » utilisent l’actualité pour « faire des affaires », sans aucune connaissance de la législation, du marché et des techniques spécifiques de calculs. Nous sommes d’ailleurs régulièrement sollicités par des vendeurs, pour vérifier le contenu de leur mandat, et heureusement. Par exemple, dans bon nombre de mandats, ne figure pas la rente complémentaire à la libération anticipée du bien, ce qui est une perte financière considérable pour les vendeurs. Force est de constater qu’une très grande partie révèle des incohérences, trop souvent par manque de connaissances juridiques de la part des soi-disant professionnels. Ces connaissances impondérables à notre secteur d’activité assurent la sérénité des vendeurs. Le jour de la signature de l’acte authentique devant notaire, ils ne doivent avoir aucune surprise. Comme une jeune retraitée, qui ne savait pas qu’elle pouvait avoir recours à l’action résolutoire en cas de non-paiement de la rente par l’acquéreur. Les risques se situent en amont de la signature de l’acte authentique chez le notaire, lors de la rédaction du mandat de vente et du compromis.
Comment protéger les vendeurs ?
La législation du viager a été peu modifiée depuis son inscription au Code civil. C’est la jurisprudence qui fait évoluer les contrats. D’où l’intérêt, pour les viagéristes et les professionnels de l’immobilier, de se former pour maîtriser l’analyse matrimoniale et les nombreux aspects juridiques, et ce par une veille très régulière. Nos formations (dorénavant en ligne) leur permettront d’offrir aux vendeurs des études viagères approfondies, cohérentes avec le marché et surtout viables. Ensuite, pour protéger les seniors - et leurs familles -, l’Académie Nationale du Viager fait trois recommandations. La première est de mettre en place une déontologie du métier. L’Académie va s’atteler à la rédaction d’une charte de bonnes pratiques professionnelles. Par exemple, la première étude viagère doit être gratuite et sans engagement. Le viager répondant à un projet de vie de retraités, il est donc impératif d’écouter leurs motivations, de connaître les conditions matrimoniales, afin de répondre avec précisions à leur choix de vie. Ensuite, un temps de réflexion est nécessaire, permettant de faire un choix éclairé, pragmatique et réfléchi.
La deuxième recommandation est l’encadrement réglementaire. Nous ne pouvons envisager des professionnels sans de réelles connaissances juridiques, patrimoniales, fiscales ou encore matrimoniales.
La troisième est de mettre en exergue le rôle prépondérant de conseils et de suivi. Le contrat viager ayant une durée de vie plus longue qu’un simple acte de vente immobilière classique, tout professionnel se doit d’accompagner ses clients. Par exemple, chaque année, les deux parties doivent recevoir l’indexation de la rente viagère et au moment de la libération du bien, le professionnel se doit d’être présent pour accompagner chacun dans son nouveau projet de vie.