Stéphane Fantuz, président de la Chambre nationale des conseils experts financiers (CNCEF) Patrimoine
La CNCEF Patrimoine a répondu à la consultation de l’ESMA, l’autorité européenne des marchés financiers, sur la révision de la directive MIF 2. Trois questions à Stéphane Fantuz, président de la Chambre nationale des conseils experts financiers (CNCEF) Patrimoine
Pourquoi la directive MIF 2 n’a-t-elle pas atteint ses objectifs ?
La déclinaison de MIF 2 est différente selon les pays de l’Union où elle est appliquée, notamment en raison de la complexité du texte. La directive pèche par volonté de normaliser des situations qui sont très diverses et tous les pays n’ont pas abouti au même texte national. Il n’y a qu’à voir les difficultés de transposition et d’interprétation du texte. La directive mériterait d’être simplifiée et clarifiée sur de nombreux points, notamment sur la définition des marchés négatifs parce que les conseillers en patrimoine proposent souvent à leurs clients des allocations d’actifs globales qui prennent en compte des risques correspondant au profil de leur client. Il faudrait pouvoir apprécier le risque par rapport à la globalité des produits proposés et non pas exclure un produit par principe parce qu’il est considéré comme trop risqué.
L’un des points sensibles de la révision est l’interdiction envisagée des commissions, au profit du système des honoraires
Sur ce point-là, l’Europe a deux faces. Nous estimons, au sein de la CNCEF, que le modèle des rétrocommissions, contrairement à celui des honoraires, rend le conseil accessible au plus grand nombre. Il a l’avantage de la simplicité, il n’y a pas de TVA sur honoraires… Le changement de notre modèle économique est un serpent de mer depuis des années. Nous avons beaucoup œuvré en faveur de la transparence des commissions et engagé des investissements pour que les frais soient très détaillés. Force est de constater que cela ne suffit pas au régulateur, qui remet sans cesse le sujet sur la table. Il s’agit en réalité de deux modèles économiques, presque culturels, différents. J’ai coutume de dire que c’est comme les gens qui préfèrent manger une pomme bio imparfaite, mais savoureuse, et ceux qui préfèrent une pomme sulfatée, parfaitement normée, mais sans saveur.
L’autre point saillant de la révision de la directive est celui de la définition de l’investisseur professionnel…
En effet, l’ESMA envisage de compléter la directive par une définition de l’investisseur semi-professionnel qui pourrait avoir accès à des produits complexes, normalement réservés aux professionnels. Nous n’y sommes pas favorables et nous préférerions, en réalité, que l’extension de la définition du professionnel soit étendue aux personnes averties qui sont accompagnées par un CGP. Le texte de la directive envisageait déjà l’accompagnement des investisseurs, mais il faut lui faire prendre sa pleine mesure et autoriser l’accès aux produits complexes à des investisseurs accompagnés, comme par exemple des chefs d’entreprises ayant l’habitude de faire des affaires complexes et qui, dès lors qu’ils sont accompagnés, peuvent comprendre le monde de la finance.