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Ordonnance relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées

Par Gilles Pillet

Ordonnance nº 2023-77 du 8 février 2023.
Les dispositions communes aux sociétés d’exercice

Introduction

L’ordonnance nº 2023-77 du 8 février 2023 (), entrée en vigueur le 1er septembre 2024, se présente comme une simple clarification et mise en ordre, à droit quasi constant, des règles applicables à l’exercice en société des professions libérales réglementées (PLR). Fidèle à la loi d’habilitation (), elle entend ainsi favoriser le développement de cette modalité d’exercice. C’est dans ce but qu’elle s’engage sur le chemin de crête tracé par le droit français entre les exigences d’une logique de marché et la persistance d’une logique professionnelle. Conformément à l’objet de ce dossier, notre attention se portera essentiellement sur les professions juridiques et judiciaires.

Depuis plus de 40 ans, les professions réglementées du droit sont entrées comme les autres dans un mouvement législatif plus large qui ambitionne de stimuler l’économie, le plus souvent en libérant l’initiative par la suppression de blocages réglementaires et en intensifiant la concurrence (). Le rapport que l’Inspection générale des finances leur a consacré () est parfaitement représentatif de cette démarche. Dans notre domaine, cette évolution n’a pas conduit à une disparition de la logique professionnelle (), mais elle impose de démontrer la nécessité, la proportionnalité et les vertus économiques de ses traductions réglementaires, exigeant à défaut la suppression des restrictions qui en découlent.

Ce test s’applique naturellement à la gamme des structures d’exercice ouvertes aux professions du droit. Dans quelle mesure leur indépendance et leur déontologie justifient-elles qu’on limite leur accès à certaines sociétés ou qu’on en adapte le régime ? Et si un assouplissement s’impose, jusqu’où doit-il aller ?

En Angleterre et au Pays de Galles, le Legal Services Act de 2007, qui donne à la réglementation des services juridiques une orientation concurrentielle dans l’intérêt des consommateurs de droit, a autorisé la création d’alternative business structures, sociétés dont le capital et la direction peuvent être confiés à des non-professionnels (). Le droit français s’est toujours montré plus circonspect. Il offre depuis longtemps aux PLR une large gamme de structures d’exercice, allant des sociétés civiles professionnelles (SCP), groupements d’intérêt économique (GIE) et associations classiques, aux sociétés de capitaux () et aux sociétés à responsabilité limitée (SARL). Mais, avant () comme après la loi du 31 décembre 1990 (), l’utilisation des sociétés commerciales est toujours restée subordonnée à une fermeture de leur capital et de leur direction aux tiers à la profession.

Toutefois, dans les limites ainsi tracées, les règles avaient évolué jusqu’à produire un corpus complexe, peu lisible et manquant de cohérence. Ces défauts fragilisaient la légitimité des PLR (), alors que les réformes françaises et leurs régimes avaient été jugées insuffisantes à l’échelle européenne (). Surtout, ils sont accusés de freiner la marche des professionnels du droit vers une structuration compétitive de leur activité (). Raison pour laquelle l’ordonnance, accompagnée d’un guide à destination des professionnels (), s’emploie à leur donner une image simple et claire des règles gouvernant l’exercice en société de leur activité, tout en poursuivant à la marge leur modernisation.

À cette fin, la réforme rassemble au sein d’un texte unique (I) les règles applicables aux différentes structures. L’ordonnance s’appuie par ailleurs sur des définitions communes (II) pour préciser son champ d’application, faciliter son appréhension et mettre de l’ordre dans ces règles. La démarche doit trouver son achèvement dans les décrets d’application qui, pour les PLR du droit, ont été en partie publiés au JO du 17 août 2024 ().

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