Lois de finances : L’essentiel
Du côté des particuliers, peu de réformes substantielles, sauf en ce qui concerne la réforme des règles gouvernant la réduction d’ISF en faveur de l’investissement dans les PME. La mise en conformité avec les nouvelles règles européennes se traduit par de nombreuses modifications techniques du régime prévu par l’article 885-0 V bis du CGI que les conseils comme les investisseurs devront apprendre à maîtriser.
Du côté des entreprises, les réformes sont nettement plus importantes. Le régime d’exonération des dividendes perçus par les sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du CGI fait l’objet de divers aménagements dont on retiendra trois points :
- l’extension du régime aux titres détenus en nue-propriété : la règle ne s’appliquera toutefois que marginalement, compte tenu de la rareté des cas dans lesquels la distribution d’un dividende a lieu entre les mains d’un nu-propriétaire ;
- l’introduction d’une règle anti-abus issue de la directive mères-filiales telle que modifiée début 2015 : l’interprétation de cette règle suscite d’ores et déjà d’importants remous qui tiennent autant à sa formulation très floue qu’à l’étonnant amalgame fait lors des travaux parlementaires par le rapporteur général de la Commission des finances du Sénat qui, citant des sources gouvernementales, n’a pas hésité à affirmer que «la clause vise (...) à écarter les montages artificiels. Tel est le cas des montages impliquant une société holding n’ayant comme seule et unique activité que de détenir des actions ». Gageons que l’administration saura lire le texte à la lumière de son esprit, qui n’est pas de sanctionner toutes les sociétés holdings ;
- la modification du taux de la quote-part de frais et charges, qui passe à 1 % dans les groupes intégrés et dans les groupes comparables ayant des filiales établies dans l’Union européenne.
L’introduction d’une déclaration « pays par pays » portant notamment sur les impôts acquittés par les groupes multinationaux dans des pays étrangers n’est pas non plus la moindre des réformes de la fin 2015 : elle s’inscrit dans le contexte des travaux de l’OCDE sur l’érosion de l’assiette fiscale et le transfert des bénéfices (BEPS en anglais) et ne constitue qu’une première illustration d’un mouvement appelé à se poursuivre.
Mais on sait qu’aujourd’hui, la loi n’est plus écrite par le Parlement seulement. Elle l’est aussi par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, comme en témoignent les récentes décisions très constructives (selon l’euphémisme consacré) par lesquelles ces deux juridictions ont redéfini depuis par voie « interprétative » les modalités d’application de l’abattement pour durée de détention en matière de plus-values mobilières lorsqu’une cession dégage une moins-value ou qu’un complément de prix est perçu à raison d’une cession antérieure à 2013.
Les lois de finances ne sont finalement que le début de l’histoire de la norme fiscale : le sens véritable de celle-ci est entre les mains des juges suprêmes.
Daniel Gutmann,
Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris I)
SommaireLes nouveautés en matière de fiscalité patrimoniale
Par Sylvie Lerond et Grégory Dumont
Fiscalité des entreprises : des réformes a minima
Par Nicolas Jacquot
Impôt sur le revenu : barème, plafonds, seuils, exonérations
Par Sabine Dubost
Paru in Dr. & Patr. 2016, n° 255, p. 39 (février 2016), Dossier Lois de finances : l'essentiel