Lois de finances : L’essentiel
2015 n’est pas un grand cru pour les lois de finances : pas de réforme structurelle et de nombreuses mesurettes. L’observation distanciée dudit cru n’en livre pas moins quelques enseignements intéressants pour qui apprécie la théorie des sources du droit.
Par Daniel Gutmann, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris I)
2015 n’est pas un grand cru pour les lois de finances : pas de réforme structurelle et de nombreuses mesurettes.
L’observation distanciée dudit cru n’en livre pas moins quelques enseignements intéressants pour qui apprécie la théorie des sources du droit.
En vrac, un bel entrelacs de relations entre :
- la loi et la doctrine administrative, la première reprenant en matière de plus-values sur les terrains à bâtir ce que la seconde avait anticipé dès le début 2014, pour faire suite à la décision du Conseil constitutionnel de l’an dernier ;
- le droit français et le droit de l’Union européenne : révision de dispositifs faisant référence aux règles encadrant les aides d’État, introduction d’une forme d’intégration fiscale « horizontale », suppression sous condition de la représentation fiscale et quasi-uniformisation du taux d’imposition des plus-values immobilières pour les non-résidents, adaptation des règles sur les dons et legs au profit d’organismes d’intérêt général européens, etc. ;
- la loi et la Constitution : révision du régime des rachats de titres en vue de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014.
Il y a peut-être, plus généralement, un autre enseignement à retirer de la moisson 2015 : celui que la politique de lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales trouve ses limites, faute pour le législateur de parvenir à identifier correctement ce qu’il entend réprimer. Il n’est ainsi pas anodin de relever qu’outre l’amende frappant les conseils dont les clients ont commis un abus de droit, la réforme du régime des sociétés mères a été censurée au motif qu’en écartant du bénéfice du régime toutes les distributions prélevées sur des résultats non imposés, le législateur a manqué à son devoir de clarté. Le Conseil constitutionnel vient d’ailleurs, dans un registre proche, de décider que l’éviction du régime des sociétés mères lorsque la société distributrice est établie dans un État ou territoire non coopératif est disproportionnée en l’absence de clause de sauvegarde (Cons. const. QPC, 20 janv. 2015, n° 2014-437). Et le législateur est même aller jusqu’à faire amende honorable, si l’on ose dire, en rétablissant dans sa version pré-2012 le vénérable article 726 du Code général des impôts relatif à l’assiette des droits de mutation sur les cessions de titres de société à prépondérance immobilière, reconnaissant ouvertement que la règle anti-abus qui y figurait était tout bonnement inapplicable. À méditer...
Par Daniel Gutmann, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris I)
Paru in Dr. & Patr. 2015, n° 244, p. 33 (févr. 2015), Dossier Lois de finances
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