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JUILLET 2014-JUILLET 2015 : SOLUTIONS PONCTUELLES POUR LE DROIT D’AUTEUR DANS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Par DROIT&PATRIMOINE

Face aux mutations prégnantes de l’économie numérique et en attendant les lois « numérique » et « liberté de création, architecture et patrimoine » programmées pour 2016, l’actualité de la période couverte par cette chronique est marquée par des solutions ponctuelles concernant principalement le droit d’auteur et ses droits satellites. Prenant appui sur les négociations professionnelles dans le secteur du livre, l’ordonnance no 2014-1348 du 12 novembre 2014adapte le droit des contrats à l’édition numérisée des œuvres. La loi no 2015-195 du 20 février 2015 met le Code de la propriété intellectuelle en conformité avec le droit européen en permettant à divers organismes de numériser sans délai les œuvres dites « orphelines » dont les auteurs ne peuvent être identifiés et en allongeant la durée d’exploitation des phonogrammes. La jurisprudence européenne est toujours foisonnante. Deux décisions méritent particulièrement l’attention en droit des brevets. La Cour de justice assouplit sa position sur la brevetabilité des inventions issues de cellules embryonnaires et admet sous certaines conditions la neutralisation partielle de l’action en contrefaçon d’un brevet essentiel à une norme.
I –

DROIT D’AUTEUR ET DROITS VOISINS


A –

ACTUALITÉ LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE


1o/

Ordonnance no 2014-1348 du 12 novembre 2014 réformant le contrat d’édition

Les évolutions induites dans le secteur du livre par l’économie numérique exigeaient une réforme des contrats d’exploitation. Des travaux menés par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique ont ouvert la voie. Puis de longues négociations interprofessionnelles ont débouché sur la signature, le 21 mars 2013, par le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains d’un accord-cadre sur le contrat d’édition littéraire. L’ordonnance no 2014-1348 du 12 novembre 2014(JO 13 nov.)(1), entrée en vigueur le 1er décembre suivant, reprend les solutions adoptées par cet accord en insérant dans le Code de la propriété intellectuelle de nouvelles règles applicables au contrat d’édition d’un livre imprimé ou numérique. Bien que s’appuyant sur un accord négocié par les professionnels du livre, les rédacteurs de l’ordonnance n’ont pas ignoré que le contrat d’édition est un vecteur de diffusion dans d’autres secteurs également confrontés aux technologies numériques. Aussi ont-ils reformulé certaines règles relatives à tous les contrats d’édition. Ce faisant, l’ordonnance réorganise la structure des dispositions du Code de la propriété intellectuelle, désormais réparties entre un droit commun applicable à l’édition de toutes les œuvres et un droit spécial propre au secteur du livre. Le cœur de cette réforme est néanmoins le secteur du livre numérique, désormais régi par des règles nouvelles dont certaines sont communes aux livres numériques et imprimés et d’autres dédiées aux livres numériques.


a)

Dispositions générales applicables au contrat d’édition

La définition du contrat d’édition est complétée par l’indication qu’il porte éventuellement sur le droit de réaliser l’œuvre ou de la faire réaliser sous une forme numérique. Il en est de même pour les définitions du contrat à compte d’auteur et du contrat de compte à demi(2). L’obligation pour l’auteur de remettre l’objet de l’édition est également précisée pour permettre à l’éditeur de réaliser, le cas échéant, l’œuvre sous forme numérique. Les obligations de l’éditeur sont amplifiées pour assurer soit la fabrication des exemplaires, soit la réalisation de l’œuvre sous forme numérique(3). Pour respecter le droit moral, il est expressément prévu de « faire figurer (…) sur l’œuvre réalisée sous forme numérique le nom, le pseudonyme ou la marque de l’auteur »(4). Enfin, les cas de résiliation du contrat d’édition inscrits à l’article L.132-17 valent pour l’ensemble des œuvres et ce, sans préjudice des hypothèses spécifiques à l’exploitation des œuvres littéraires(5).



b)

Dispositions communes aux livres numériques et imprimés

Les nouveaux articles L. 132-17-1 à L. 132-7-4 comportent des dispositions communes à tous les contrats d’édition du secteur du livre. Certaines s’appliquent aux contrats antérieurs à la réforme suivant des dispositions transitoires qui seront évoquées avec chaque mesure. Il est, par ailleurs, renvoyé pour certaines modalités d’application à un nouveau code des usages, issu d’un accord du 1er décembre 2014. Code qui, à l’inverse de ses prédécesseurs, est devenu obligatoire pour tous les auteurs et éditeurs du secteur du livre à compter du 28 décembre 2014(6). Ces nouveaux textes renforcent le formalisme, précisent les obligations des éditeurs et créent un droit de résiliation unilatérale.

Renforcement du formalisme. – Le nouvel article L. 137-7 impose, pour les contrats conclus à partir du 1er décembre 2014, à peine de nullité de la cession, d’insérer dans le contrat une partie distincte pour la cession des droits numériques. Il ne suffit plus de citer l’édition numérique au même titre que l’exploitation du livre imprimé. Le code des usages précise les mentions spécifiques devant figurer dans cette partie du contrat : formes d’exploitation numérique cédées, modalités et mode de calcul de la rémunération de l’auteur, réexamen de cette rémunération, modalités du bon à diffuser numérique, durée du droit d’exploitation numérique et conditions de son éventuelle reprise(7). Les contrats antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance doivent être mis en conformité avec les règles nouvelles, lorsqu’ils font l’objet d’un avenant, quel qu’il soit(8).

Obligation de publication. – Les modalités de publication d’un livre numérique sont prévues par des règles nouvelles. La publication au format numérique doit intervenir dans un délai de quinze mois décomptés à partir de la remise du manuscrit définitif ou, à défaut de preuve de la date de cette remise, dans un délai de trois ans à compter de la signature du contrat d’édition.

Ce dispositif n’impose pas de publier au format numérique avant le format papier. À défaut de respect de ces délais, l’auteur peut résilier de plein droit la cession des droits numériques après mise en demeure de publier dans un délai de trois mois. Cette mise en demeure n’est pas nécessaire – une notification suffit – si l’éditeur n’a pas publié dans un délai de deux ans et trois mois à compter de la remise du manuscrit ou de quatre ans à compter de la signature du contrat d’édition(9). À partir du 1er décembre 2016, les cessions de droits numériques conclues avant le 1er décembre 2014 pourront être résiliées de plein droit après mise en demeure de publier adressée à l’éditeur par lettre recommandée avec accusé de réception non suivie d’effet dans un délai de trois mois(10). Dans ces hypothèses de résiliation des droits numériques, l’éditeur reste titulaire des droits nécessaires à l’édition papier. Par ailleurs, l’accord interprofessionnel prévoit que le bon à tirer des épreuves papier peut valoir bon à diffuser du livre numérique homothétique. C’est-à-dire d’un livre commercialisé sous forme numérique et papier ou d’un livre numérique qui, par son contenu et sa composition, est susceptible d’être imprimé. Un bon à diffuser spécifique au format numérique est nécessaire pour les livres imprimés comportant des illustrations, ou en cas d’enrichissements propres à l’édition numérique(11).

Obligation d’exploitation et de reddition des comptes. – Des dispositions nouvelles précisent les conditions dans lesquelles un éditeur doit respecter son obligation d’exploitation permanente et suivie afin d’assurer une diffusion active du livre et lui donner toutes ses chances de succès. Lorsque l’éditeur procède seulement à des impressions à la demande d’un livre, il doit présenter l’ouvrage sur ses catalogues numérique et papier, indiquer qu’il est disponible dans les bases de données, diffuser l’ouvrage dans une qualité conforme aux règles de l’art et livrer les libraires dans des délais raisonnables. La cession des droits d’exploitation sous forme imprimée est résiliée de plein droit en cas de non-respect de ces obligations dans un délai de six mois à compter de la mise en demeure de l’auteur. Cette résiliation n’a pas d’effet sur la cession des droits d’exploitation numérique, ni sur les contrats d’adaptation audiovisuelle(12). Ces dispositions sont applicables à tous les contrats d’édition à compter du 28 mars 2015(13). Sous la même sanction de résiliation de plein droit, des obligations particulières sont imposées à l’éditeur au titre de la diffusion active d’un livre numérique. Pour pallier l’impossibilité de procéder au constat d’épuisement des stocks d’un livre numérique, il est imposé à l’éditeur qui exploite un livre numérique de le présenter dans son catalogue numérique, de le rendre accessible dans un des formats usuels du marché et au moins dans un format non propriétaire, et de le proposer à la vente dans un format numérique non propriétaire, sur un ou plusieurs sites en ligne, selon le modèle commercial en vigueur dans le secteur éditorial considéré(14). Le contenu de l’obligation de reddition de comptes est également précisé. L’éditeur doit rendre compte pour chaque livre imprimé de l’ensemble des ventes réalisées, quel que soit le circuit de diffusion, en détaillant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et en fin d’exercice, le nombre des exemplaires vendus, le nombre des exemplaires hors droit et détruits au cours de l’exercice et le nombre d’exemplaires constituant le premier tirage. Pour le livre numérique, il doit préciser dans une partie spécifique de l’état des comptes les revenus issus de la vente à l’unité et des autres modes d’exploitation du livre numérique en précisant pour chacun l’assiette et le taux de rémunération. La reddition des comptes doit intervenir une fois par an à la date prévue par le contrat ou, à défaut, dans un délai de six mois après l’arrêté des comptes. Lorsque l’éditeur ne respecte pas les modalités et les délais prévus, l’auteur dispose d’un délai de six mois pour le mettre en demeure d’y procéder. L’ensemble du contrat est résilié de plein droit lorsque cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans un délai de trois mois. L’ensemble du contrat est également résilié de plein droit dans les six mois qui suivent la seconde mise en demeure, lorsque l’éditeur n’a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l’auteur(15). Ces dispositions sont applicables à tous les contrats, y compris ceux signés avant le 1er décembre 2014. Néanmoins, les nouvelles mentions obligatoires pour la reddition de comptes de l’exploitation numérique et les sanctions ne s’appliqueront qu’aux redditions de comptes du premier exercice ouvert après le 28 décembre 2014(16).

Droit de résiliation unilatérale. – Ce nouveau droit ne concerne que les contrats d’édition conclus à partir du 1er décembre 2014(17). Pour ces contrats, l’auteur ou l’éditeur peut mettre fin au contrat « si, pendant deux années consécutives au-delà d’un délai de quatre ans après la publication de l’œuvre, les états de comptes ne font apparaître de droits versés, ou crédités en compensation d’un à-valoir, au titre d’aucune des opérations suivantes : vente à l’unité du livre dans son intégralité sous une forme imprimée à l’exception de la vente issue de systèmes de distribution réservés à des abonnés ou à des adhérents ; vente ou accès payant à l’unité du livre dans son intégralité sous une forme numérique ; consultation numérique payante du livre disponible dans son intégralité pour les secteurs éditoriaux reposant essentiellement sur ce modèle de mise à disposition ; traductions intégrales du livre sous une forme imprimée ou sous une forme numérique ». La résiliation est néanmoins écartée lorsque, avec l’accord de l’auteur, l’œuvre est incluse en intégralité dans un recueil d’œuvres du même auteur ou d’auteurs différents et en présence de droits versés ou crédités au titre de la vente de ce recueil pendant la période concernée. Une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception doit être adressée dans un délai de douze mois suivant la date limite d’envoi de la reddition des comptes. L’ensemble du contrat est résilié de plein droit trois mois après l’envoi de cette notification.



c)

Dispositions spécifiques aux livres numériques

Modalités de rémunération. – L’ordonnance affirme qu’une rémunération « juste et équitable » sur l’ensemble des recettes provenant de la diffusion d’un livre numérique doit être garantie à l’auteur. Le principe de calcul est celui de la rémunération proportionnelle, le recours au forfait reste l’exception. Lorsque le livre numérique est vendu à l’unité, la rémunération proportionnelle a pour assiette le prix public hors taxes, le taux de rémunération demeurant contractuel. En cas d’exploitation en bouquets ou par abonnements, à défaut de prix de vente à l’unité, le calcul s’effectue sur la base du prix payé par le public au prorata des consultations et des téléchargements de l’œuvre. En cas d’impossibilité de reconstituer le prix public de vente, la rémunération de l’auteur est opérée à partir des recettes encaissées par l’éditeur au prorata des consultations et des téléchargements. En cas de recettes publicitaires ou de recettes liées indirectement au livre, une rémunération doit être versée sans que le contrat puisse exclure une source de revenu. Le recours à une rémunération forfaitaire doit être justifié par une opération déterminée et s’accompagne pour toute nouvelle opération d’une renégociation. Il est par ailleurs précisé que « (…) dans les cas prévus de recours à un forfait, ce dernier ne saurait être versé à l’auteur en contrepartie de la cession de l’ensemble de ses droits d’exploitation sous une forme numérique et pour tous les modes d’exploitation numérique du livre ». Ces nouvelles règles sont applicables aux contrats conclus avant le 1er décembre 2014 à compter du 1er mars 2015 et en l’absence de prix de vente à l’unité figurant dans les contrats, à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension(18).

Clause de réexamen. – De façon tout à fait innovante, l’ordonnance ouvre aux contractants la possibilité de suivre l’évolution des modèles économiques d’exploitation numérique. Une clause de réexamen de plein droit doit figurer dans le contrat. Pendant les quinze premières années, l’accord interprofessionnel ouvre trois possibilités de faire évoluer la rémunération de l’auteur en fonction des évolutions du secteur. L’auteur et l’éditeur peuvent chacun demander un réexamen au terme d’un délai de quatre ans à compter de la signature du contrat et pour une durée de deux ans. Ensuite, pour une durée de neuf ans, chaque partie peut introduire deux demandes de réexamen. Au-delà de cette période de quinze ans, le réexamen ne peut intervenir qu’en cas de modification substantielle de l’économie du secteur entraînant un déséquilibre du contrat depuis sa signature ou sa dernière modification. En cas de désaccord, les parties peuvent saisir une commission paritaire de conciliation dont l’avis ne lie pas les parties. La saisine de cette commission n’est pas un préalable obligatoire à une action en justice. Cette période de réexamen est ouverte pour les cessions des droits numériques conclues avant le 1er décembre 2014, trois mois après l’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension(19).




2o/

Loi no 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel –Décret no 2015-506 du 6 mai 2015(20)

Ces textes transposent dans le Code de la propriété intellectuelle les directives no 2012/28/UE du 25 octobre 2012 (JOUE 27 oct., no L 299) relative à l’utilisation des œuvres orphelines et no 2011/77/UE du 27 septembre 2011 (JOUE 11 oct., no L 265) sur la durée des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes.


a)

Utilisation des œuvres orphelines

Deux nouveaux chapitres comportant des « Dispositions relatives à l’exploitation de certaines’œuvres orphelines » sont introduits dans les parties législative et réglementaire du Livre Ier du Code de la propriété intellectuelle(21). Ces nouvelles dispositions précisent, pour le droit d’auteur et les droits voisins, les circonstances permettant de déclarer une œuvre orpheline et encadrent les modalités de son exploitation(22). Sont soumises à ce nouveau régime, les œuvres publiées qui font partie des collections ou archives des bibliothèques accessibles au public, des musées, des services d’archives, des institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore ou des établissements d’enseignement, à l’exception toutefois des photographies, des images fixes qui existent en tant qu’œuvres indépendantes et des œuvres produites par des organismes de radiodiffusion de service public avant le 1er janvier 2003. Ces différents organismes peuvent utiliser les œuvres déclarées orphelines « dans le cadre de leurs missions culturelles, éducatives et de recherche et à condition de ne poursuivre aucun but lucratif et de ne percevoir, le cas échéant et pour une durée ne pouvant excéder sept ans, que les recettes couvrant les frais découlant directement de la numérisation et de la mise à la disposition du public ». Cette utilisation a lieu par mise à disposition du public « de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative » ou par la reproduction « à des fins de numérisation, de mise à disposition, d’indexation, de catalogage, de préservation ou de restauration ». Avant cette exploitation, l’œuvre doit être déclarée orpheline auprès du ministère de la Culture et enregistrée comme telle dans une base de données créée par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI). Toute œuvre considérée comme orpheline dans un État membre en application de la directive no 2012/28/UE l’est dans tous les autres États. Ce qui suppose que soient menées auparavant des recherches diligentes, avérées et sérieuses des titulaires de droits, dans l’État membre de l’Union européenne où a eu lieu la première publication, la première radiodiffusion, ou dans l’État d’établissement de l’organisme qui a rendu l’œuvre accessible au public. Pour les œuvres audiovisuelles, les recherches sont effectuées dans l’État membre où le producteur a son siège ou sa résidence habituelle. Pour chaque catégorie d’œuvres, les sources d’informations appropriées énumérées par l’article R. 135-1 doivent être consultées. Lorsqu’une œuvre orpheline est déjà inscrite dans la base de données tenue par l’OHMI, aucune recherche n’est nécessaire. En présence de plusieurs titulaires de droits, dont seuls certains sont identifiés, l’utilisation de l’œuvre est subordonnée à l’autorisation de ceux qui ont été identifiés et retrouvés. Leur nom doit être indiqué et leur droit moral respecté. Lorsqu’un titulaire de droit se manifeste, l’œuvre cesse d’être orpheline, son utilisation ne peut être poursuivie qu’avec l’accord de l’intéressé qui reçoit une compensation équitable du préjudice subi. Ces nouvelles règles remplacent pour les livres « orphelins » indisponibles le régime d’exploitation issu de la loi no 2012-287 du 1er mars 2012 (JO 2 mars).



b)

Droits des interprètes et producteurs sur les phonogrammes

La durée des droits des artistes-interprètes et des producteurs est allongée de cinquante à soixante-dix ans, mais seulement en cas de fixation de l’interprétation sur un phonogramme. Pour les interprètes, le point de départ du délai de protection est en principe le 1er janvier de l’année civile suivant la fixation de l’interprétation, et si pendant la période de cinquante années décomptée à partir de cette date, une fixation de l’interprétation dans un phonogramme fait l’objet d’une mise à la disposition du public d’exemplaires matériels ou d’une communication au public, les droits patrimoniaux de l’artiste-interprète ou du producteur de phonogrammes expirent soixante-dix ans après le 1er janvier de l’année civile qui suit le premier de ces faits(23). Cet allongement s’accompagne d’un droit pour l’interprète « au-delà des cinquante premières années du délai de soixante-dix ans » de notifier son intention de résilier l’autorisation d’exploiter si le producteur « n’offre pas à la vente des exemplaires du phonogramme en quantité suffisante ou ne le met pas à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative ». L’interprète peut exercer son droit de résiliation si, au cours des douze mois suivant cette notification, le producteur de phonogrammes n’exécute pas ses obligations. Il ne peut renoncer à ce droit(24). Lorsqu’un phonogramme contient des prestations de plusieurs artistes-interprètes, ils exercent le droit de résiliation d’un commun accord(25). Par ailleurs, si la cession des droits de l’interprète a eu pour contrepartie une rémunération forfaitaire, une rémunération annuelle supplémentaire est due pour chaque année complète au-delà des cinquante premières années. Ce supplément de rémunération est fixé à 20 % de l’ensemble des recettes perçues par le producteur au cours de l’année précédente au titre de la reproduction, la mise à la disposition du public par la vente ou l’échange, ou la mise à disposition du phonogramme de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative, hors licence légale et copie privée. Toutefois, le producteur qui occupe moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros n’est pas tenu au versement de ce supplément dans les cas où les frais de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec le montant à verser(26). Lorsque la cession des droits de l’interprète a eu pour contrepartie une rémunération proportionnelle, le producteur ne peut retrancher les avances ou les déductions dues à l’artiste-interprète en contrepartie de l’exploitation du phonogramme au-delà des cinquante premières années d’exploitation(27). Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er novembre 2013. Elles ne font pas renaître des droits sur des fixations ou des phonogrammes dont la durée de protection a expiré avant le 1er novembre 2013(28).



B –

JURISPRUDENCE


1o/

Contenu des droits

Droit de communication – hyperlien – transclusion. – Une nouvelle décision de la Cour de justice de l’Union européenne(29) rendue par voie d’ordonnance confirme la solution de l’arrêt « Svensson »(30). Selon cette décision, le fait de fournir des liens cliquables vers des œuvres présentes sur un site Internet ne constitue pas un acte de communication au sens de l’article 3 de la directive no 2001/29/CE du 22 mai 2001 (JOCE 22 juin, no L 167), dès lors qu’en l’absence de restrictions, les personnes ayant accès aux œuvres grâce à ces liens doivent être considérées « comme faisant partie du public pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsque ces derniers ont autorisé la communication initiale ». La Cour réitère cette solution en ajoutant qu’elle n’est pas remise en cause dans l’hypothèse de « transclusion », c’est-à-dire lorsque le lien figurant sur un site permet de faire apparaître sur ce site une œuvre provenant d’un autre site « en donnant l’impression qu’elle est montrée depuis le site sur lequel se trouve ce lien (…) » (pt 17). En adoptant comme seule condition de licéité du lien, la libre disponibilité de l’œuvre sur le site cible, l’ordonnance « BestWater » confirme que la Cour n’entend pas distinguer selon la nature des hyperliens. Cette approche, très favorable aux fournisseurs de liens, n’exclut pas cependant que le titulaire des droits puisse agir en contrefaçon lorsque le lien pointe vers une œuvre qui n’est pas licitement diffusée sur Internet.

Droit de mise à disposition – hyperlien – transmission en direct d’une rencontre sportive sur Internet. – Toujours à propos de la technique des hyperliens, la Cour de justice a pris une position différente dans un arrêt rendu quelques semaines plus tard(31). Dans cette affaire, elle a été interrogée par la Cour suprême suédoise sur le point de savoir si les droits nationaux pouvaient reconnaître aux organismes de radiodiffusion un droit exclusif plus étendu que le droit de mise à disposition défini par l’article 3, paragraphe 2, de la directive no 2001/29/CE du 22 mai 2001. Ce texte prévoit que ce droit est celui « d’autoriser ou d’interdire la mise à disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ». Cette question a été posée dans un litige opposant une chaîne de télévision payante à un particulier, poseur de liens qui permettaient d’accéder à des matchs de hockey diffusés sur le site Internet de la chaîne et de contourner ainsi son système de paiement. En réponse, l’arrêt précise que le droit de mise à disposition défini par l’article 3, paragraphe 2, de la directive no 2001/29/CE ne concerne que les transmissions interactives à la demande et non la diffusion d’émissions en direct sur un site Internet concernée par le litige (pts 26 et 27). Pour les titulaires de droits voisins, l’harmonisation du droit de communication par la directive no 2001/29/CE est donc limitée à cette prérogative. Néanmoins, l’arrêt rappelle que la directive no 2001/29/CE ne remet pas en cause les règles résultant d’autres directives, et notamment, en l’espèce, de la directive no 92/100/CEE du 19 novembre 1992 (JOCE 27 nov., no L 346), remplacée par la directive no 2006/115/CE du 12 décembre 2006 (JOUE 27 déc., no L 376) sur les droits de location et de prêt et certains droits voisins. Directive qui accorde aux organismes de radiodiffusion un droit d’autoriser ou d’interdire la rediffusion de leurs émissions et leur communication dans des lieux accessibles au public moyennant un droit d’entrée. Là encore, l’harmonisation est limitée à ces deux prérogatives. La Cour rappelle également que la directive no 92/100/CEE permet aux États de prévoir des dispositions plus protectrices, sous réserve de ne pas affecter le droit d’auteur. Par conséquent, une loi nationale peut conférer à un organisme de radiodiffusion le droit d’autoriser ou d’interdire la communication au public d’émissions auxquelles chacun peut avoir accès de l’endroit qu’il choisit, même si le moment de la diffusion n’est pas choisi par le public (pts 32 à 35). Cette lecture littérale de la directive no 2001/29/CE marque une pause dans l’harmonisation volontariste de la Cour. Est-ce parce qu’il s’agit des droits voisins(32) ? L’arrêt ne permet pas non plus de savoir si la solution « Svensson » adoptée pour le droit de communication de l’auteur vaut pour les prérogatives harmonisées des titulaires de droits voisins. La Cour suprême suédoise semble l’admettre puisqu’elle a retiré, après avoir reçu l’arrêt « Svensson », les questions portant sur le régime du lien. Reste qu’en présence d’un service de diffusion payante, on ne peut considérer, à l’instar de l’arrêt « Svensson », que le titulaire des droits a pris en compte, lors de la communication initiale, le public de tous les internautes.

Droit de distribution. – Deux nouveaux arrêts précisent, dans un sens favorable aux titulaires du droit, la portée du droit de distribution. Droit qui, selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive no 2001/29/CE du 22 mai 2001, permet d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original ou les copies des œuvres protégées par le droit d’auteur. Le litige ayant donné lieu au premier arrêt(33) opposait la société Knoll invoquant le droit des auteurs sur des meubles de créateurs à l’encontre d’une autre société proposant, via Internet, des copies des meubles distribués par elle. Alors que l’arrêt « Peek & Cloppenburg »(34) avait interprété la notion de distribution comme impliquant un transfert de propriété, la Cour affirme que cette prérogative permet à l’auteur de s’opposer à une offre de vente ou à une publicité ciblée concernant l’original ou une copie d’une œuvre protégée, « quand bien même il ne serait pas établi que cette publicité a donné lieu à l’acquisition de l’objet protégé par un acheteur de l’Union, pour autant que ladite publicité incite les consommateurs de l’État membre dans lequel ladite œuvre est protégée par le droit d’auteur à en faire l’acquisition ». Elle confirme ainsi une évolution déjà amorcée par des arrêts admettant que la notion de distribution couvre des opérations effectuées dans l’objectif de réaliser la vente(35). Cette évolution permet au titulaire du droit d’interdire à une entreprise d’effectuer des publicités par Internet ou publipostage visant des consommateurs établis dans un État membre où l’œuvre est protégée (pts 31 et 32  001). Cette interprétation donne ainsi plein effet au contrôle de la commercialisation des copies des œuvres qu’assure le droit de distribution.




EXTRAITS


« 31 En effet, il peut y avoir atteinte au droit exclusif de distribution, prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lorsqu’un commerçant, non titulaire du droit d’auteur, met en vente des œuvres protégées ou des copies de celles-ci et adresse une publicité, par son site Internet, par publipostage ou dans la presse, aux consommateurs situés sur le territoire de l’État membre dans lequel ces œuvres sont protégées afin d’inciter ceux-ci à en faire l’acquisition.

32 Il résulte de cette conclusion qu’il est sans incidence, pour qu’une atteinte au droit de distribution soit constatée, que cette publicité ne soit pas suivie du transfert de propriété de l’œuvre protégée ou de sa copie à l’acquéreur »


Le second arrêt(36) va dans le même sens. Il concerne une application inédite de la règle d’épuisement du droit édictée par l’article 4, paragraphe 2, de la directive no 2001/29/CE. Épuisement qui se produit normalement lorsque le titulaire du droit a autorisé la mise sur le marché des objets incorporant le droit intellectuel, c’est-à-dire lors de la première vente ou de la première opération de transfert de propriété autre qu’une vente (don, échange). Le contexte ayant donné lieu à cette décision opposait un organisme de gestion collective, Stichting Pictoright, à la société Art & Allposters International BV (Allposters) qui vendait des affiches sur toile après avoir reproduit sur la toile l’image d’œuvres figurant initialement sur des affiches papier au moyen d’un transfert chimique, image qui après transfert n’apparaissait plus sur l’affiche papier. Allposters soutenait que ce transfert n’était pas soumis à autorisation des titulaires de droits dès lors que leur droit de distribution était épuisé après que ces derniers eurent autorisé la première commercialisation des affiches en cause sur le territoire d’un État membre. La Cour rejette cette position, en considérant que le consentement des titulaires de droits ne porte pas sur la distribution des affiches qui ont subi une modification après la première commercialisation et que, par conséquent, le droit de distribution n’est pas épuisé pour les affiches sur toile, car le consentement ne concerne que les affiches « papier ». L’arrêt indique que « l’épuisement du droit de distribution s’applique à l’objet tangible dans lequel l’œuvre protégée ou sa copie est incorporé » et souligne que le procédé en cause conduit à « la création d’un nouvel objet incorporant l’image de l’œuvre protégée tandis que l’affiche, en tant que telle, cesse d’exister » (pts 41 et 43). La Cour appuie son raisonnement sur le fait que le transfert en cause constitue une nouvelle reproduction de l’œuvre nécessitant l’autorisation de l’auteur, le droit de reproduction ne s’épuisant pas. Ce faisant, elle aboutit par un raisonnement différent à une solution connue en droit des marques depuis l’arrêt « Sebago » : le droit de distribution ne s’épuise que pour les exemplaires expressément visés par le consentement du titulaire de droits(37). Ici, si le droit de distribution est épuisé par l’autorisation donnée pour la vente des affiches papier, il ne l’est pas pour la vente des toiles parce que l’auteur n’a pas consenti à la commercialisation de ce nouvel objet.

Compensation équitable de l’exception de copie privée – application aux cartes mémoires des téléphones portables. – Un nouvel arrêt du 5 mars 2015(38) vient compléter une jurisprudence déjà fournie sur la compensation de l’exception de copie privée par le versement d’une rémunération(39). Il a été rendu à l’occasion d’un litige opposant Nokia Danmark à Copydan Bandkopi sur des redevances dues au titre de la copie privée pour la vente et l’importation au Danemark de cartes mémoires de téléphones portables. Les questions de la juridiction danoise portaient sur la conformité au droit de l’Union de la législation nationale qui impose le paiement d’une redevance sur les cartes mémoire pour téléphones portables et non sur les mémoires internes indissociables des appareils tels que les « iPod ». En réponse, la Cour rappelle que la perception d’une redevance destinée à compenser le préjudice subi par les titulaires de droit, en raison de l’exception de copie privée, est applicable dès lors que le support en cause est potentiellement susceptible de réaliser des reproductions d’œuvres protégées, le fait que la fonction de reproduction d’un type de support soit secondaire par rapport à d’autres fonctions ne conduisant pas à exclure ce type de support de l’assujettissement à la redevance. Il est également rappelé que la capacité relative du support à réaliser, dans les faits, des reproductions d’œuvres à usage privé doit être prise en compte pour déterminer le montant de la redevance. La Cour donne ici une précision nouvelle : lorsqu’un tel support n’est quasiment pas utilisé pour copier des œuvres protégées, bien que la reproduction soit possible, il peut être dispensé de redevance, dans la mesure où le préjudice causé aux titulaires de droits peut être considéré comme minime (pt 62  002). Quant à la différence de traitement entre les différents supports, l’arrêt renvoie aux autorités nationales pour examiner concrètement si elle est justifiée soit par des conditions d’utilisation différentes, soit par le fait que les mémoires internes sont déjà soumises à la redevance de façon indirecte.


EXTRAITS


« 62 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, lu à la lumière du considérant 35 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il permet aux États membres de prévoir, dans certains cas qui entrent dans le champ d’application de l’exception pour copie privée, une exemption de paiement de la compensation équitable, à condition que le préjudice causé aux titulaires de droits, dans ces cas, soit minime. Il relève de la compétence de ces États de fixer le seuil d’un tel préjudice, étant entendu que ce seuil doit notamment être appliqué en conformité avec le principe d’égalité de traitement »


Exception de parodie. – La distribution d’un calendrier par un militant d’un parti politique flamand parodiant l’illustration de couverture d’un album de bande dessinée a conduit la Cour de justice à statuer pour la première fois sur l’exception de parodie prévue par l’article 5, paragraphe 3, k, de ladirective no 2001/29/CE. Devant le juge belge, les ayants droit du graphiste ont contesté l’existence des conditions de l’exception de parodie. Ils ont par ailleurs dénoncé le caractère discriminatoire du message délivré par l’image du calendrier où les personnages de la bande dessinée ramassant des pièces de monnaie lancées par un bienfaiteur volant avaient été remplacés par des personnes de couleur voilées. L’arrêt, rendu en grande chambre(40), s’inscrit dans le mouvement d’harmonisation des exceptions prévues par la directive no 2001/29/CE qui, de facto, limite la liberté des États de fixer des conditions plus restrictives, alors que même l’exception concernée est facultative. La Cour a ici l’occasion de rappeler que le caractère facultatif de la plupart des exceptions n’exclut pas l’objectif d’harmonisation poursuivie par la directive (pt 16). Par conséquent, suivant sa méthode habituelle, en l’absence dans la directive de définition et de renvoi aux droits nationaux, la Cour fait entrer la parodie dans le cercle des notions autonomes du droit de l’Union et adopte ainsi une définition qui s’impose désormais aux États qui ont introduit l’exception. La parodie est, selon la Cour, caractérisée par une manifestation d’humour ou de raillerie qui évoque une œuvre préexistante tout en s’en distinguant suffisamment par des différences perceptibles. On n’est pas très éloigné de la finalité humoristique et de l’absence de risque de confusion exigées par les tribunaux français. L’arrêt exclut l’exigence d’autres conditions évoquées par les questions préjudicielles. Ainsi, la parodie ne présente pas nécessairement un caractère original propre et ne doit pas être attribuée à un auteur autre que celui de l’œuvre parodiée. Cette dernière ne doit pas être citée. S’agissant de la question délicate de savoir si l’auteur peut paralyser le jeu de l’exception lorsque la parodie porte atteinte à ses intérêts, la Cour constate que l’auteur a, en principe, un intérêt légitime à ce que l’œuvre protégée ne soit pas associée à un message qui heurte le principe, reconnu par le droit de l’Union de non-discrimination en raison de la race, de la couleur et des origines ethniques (pt 31). Mais elle invite le juge national à apprécier si le principe d’équilibre imposé par la directive entre les intérêts des auteurs et ceux des bénéficiaires des exceptions est en l’espèce respecté.



Exception en faveur des bibliothèques publiques. – Un autre arrêt (CJUE, 11 sept. 2014, aff. C-117/13)(41)interprète, pour la première fois à notre connaissance, l’article 5, paragraphe 3, n), de la directive no 2001/29/CE, lequel accorde aux bibliothèques publiques, universités, musées ou services d’archives, une exception limitée de mise à disposition d’œuvres numérisées. Cette exception est encadrée par des conditions strictes. Ces établissements ne bénéficient de l’exception que s’ils communiquent à des particuliers ou mettent à leur disposition, dans leurs locaux à des fins de recherches ou d’études privées et au moyen de terminaux spécialisés, des œuvres protégées faisant partie de leur collection et qui ne sont pas soumises à des conditions en matière d’achat ou de licence. Le litige ayant donné lieu à cette décision opposait un éditeur qui, après avoir proposé en vain à la bibliothèque de l’université de Darmstadt d’acquérir la version électronique d’un manuel, a estimé que cet établissement ne pouvait invoquer le jeu de l’exception prévue par la loi allemande sur le droit d’auteur alors qu’il avait, sans son autorisation, numérisé un ouvrage et permis aux lecteurs, soit d’imprimer le manuel et d’emporter cette version papier, soit de stocker tout ou partie de l’œuvre sur une clé USB. En réponse aux questions préjudicielles posées par la Cour de justice fédérale, l’arrêt précise trois points importants qui élargissent la portée de l’exception. Tout d’abord, seules des clauses contractuelles effectivement convenues avec le titulaire de droits peuvent écarter le jeu de l’exception. Admettre comme le prétendait l’éditeur que l’exception est exclue par la seule offre d’un contrat de licence ou d’utilisation conduirait, selon la Cour, à réduire le domaine de l’exception aux seules œuvres pour lesquelles une version électronique n’est pas offerte sur le marché par les ayants droit (pt 32). S’agissant des actes couverts par l’article 5, paragraphe 3, n), la Cour rompt à nouveau avec le principe d’interprétation stricte des exceptions pour privilégier le principe d’effet utile. Elle considère, bien que la directive ne cite que des actes de communication (ou de mise à disposition), que les établissements bénéficiant de l’exception disposent d’un « droit de numérisation accessoire » qui leur permet de reproduire les œuvres concernées en vue de leur consultation sur écran. À l’appui de cette interprétation extensive, la Cour convoque la condition de spécificité figurant à l’article 5, paragraphe 2, c), qui reconnaît au profit des organismes concernés une exception au droit de reproduction à des fins spécifiques, en remarquant que cette condition est remplie pour la numérisation nécessitée par la consultation. Ce raisonnement n’est guère cohérent dès lors qu’il s’agit de deux exceptions différentes répondant à des logiques possiblement divergentes : préserver sans consultation pour l’une, consulter sur place des œuvres numérisées pour l’autre.

D’autant que ces exceptions n’ont pas à être transposées ensemble dans les droits nationaux. La solution est néanmoins praticable en France où le législateur a fait le choix de les regrouper à l’article L. 122-5, 8o, tout en ajoutant une exigence de préservation des conditions de la consultation. Enfin, la Cour en appelle à l’objectif d’effet utile en soulignant que le paragraphe 3 de l’article 5 concerne des exceptions communes aux droits de reproduction et de communication ; or, dans l’environnement numérique, communiquer une œuvre suppose qu’elle soit numérisée, par conséquent permettre la communication mais pas la numérisation serait priver l’exception d’effet utile (pt 43). L’argument ne convainc pas davantage, dans la mesure où la communication peut être effectuée à partir de supports numérisés par les titulaires des droits. La Cour restreint néanmoins la portée de cette exception de numérisation accessoire par application du « triple test ». Elle estime, au cas d’espèce, que la loi allemande répond aux conditions posées par l’article 5, paragraphe 5, de ladirective no 2001/29/CE en limitant le nombre d’exemplaires de chacune des œuvres mises à disposition du public sur écran à celui que la bibliothèque a acquis au format analogique et en prévoyant pour cette mise à disposition une rémunération. Ce que ne fait pas le droit français. Enfin, l’arrêt exclut que l’exception en cause puisse couvrir des actes de reproduction non nécessaires à la consultation des œuvres sur les postes de lecture, tels que la sortie papier sur imprimante ou la reproduction sur clé USB, actes que le public peut par ailleurs accomplir en respectant les conditions de l’exception de copie privée ( 003). Le litige s’est clos en Allemagne par un arrêt duBundesgerichtshof(42) reconnaissant à la bibliothèque, conformément à la décision de la Cour, la possibilité de numériser les œuvres de sa collection. La cour allemande a également jugé que la bibliothèque universitaire ne pouvait être poursuivie pour les actes d’impression ou de copie sur une clé USB accomplis par le public, dont l’illicéité n’était pas établie par le juge du fond, ces actes de reproduction pouvant être couverts par l’exception au droit de reproduction à des fins privées admise par la loi allemande. Un juge français n’aurait sans doute pas adopté la même solution en raison de la jurisprudence « Ranou-Graphie(43) », qui qualifie de copiste celui qui a la maîtrise de l’appareil de reproduction et non l’usager de la copie.





EXTRAITS

 003 CJUE, 11 sept.2014, aff. C-117/13

« (…) Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  • La notion de “conditions en matière d’achat ou de licence”, figurant à l’article 5, paragraphe 3, sous n), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être comprise en ce sens qu’elle implique que le titulaire de droits et un établissement, tel qu’une bibliothèque accessible au public, visé à cette disposition doivent avoir conclu un contrat de licence ou d’utilisation de l’œuvre concernée spécifiant les conditions dans lesquelles cet établissement peut utiliser celle-ci.

  • L’article 5, paragraphe 3, sous n), de la directive 2001/29, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, sous c), de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre accorde aux bibliothèques accessibles au public, visées à ces dispositions, le droit de numériser les œuvres faisant partie de leurs collections, si cet acte de reproduction est nécessaire, aux fins de la mise à la disposition des usagers de ces œuvres, au moyen de terminaux spécialisés, dans les locaux de ces établissements.

  • L’article 5, paragraphe 3, sous n), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il ne couvre pas des actes tels que l’impression d’œuvres sur papier ou leur stockage sur une clé USB, effectués par des usagers à partir de terminaux spécialisés installés dans des bibliothèques accessibles au public, visées à cette disposition. En revanche, de tels actes peuvent, le cas échéant, être autorisés au titre de la législation nationale transposant les exceptions ou les limitations prévues à l’article 5, paragraphe 2, sous a) ou b), de cette directive, dès lors que, dans chaque cas d’espèce, les conditions posées par ces dispositions sont réunies »




Exception à des fins d’information immédiate. – Pour en terminer avec l’actualité des exceptions au droit d’auteur, signalons un arrêt de la Cour de cassation(44) considérant sans surprise qu’un site exploitant une base de données comportant des informations générales sur les cotations du marché de l’art ne peut invoquer l’exception prévue par l’article L. 122-5, 9o, du Code de la propriété intellectuelle pour justifier des reproductions et des représentations d’œuvres d’art graphiques sans autorisation des ayants droit. En effet, une des conditions de ce texte, la poursuite « d’un but exclusif d’information immédiate », n’est pas remplie par le site concerné qui offre de façon permanente les reproductions ou représentations litigieuses.

Droit de suite. – La question de savoir si les dispositions de l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle qui mettent le droit de suite « à la charge du vendeur » sont d’ordre public a divisé les juridictions françaises(45). La Cour de cassation(46), à l’occasion d’un litige opposant le Syndicat national des antiquaires à Christie’s France sur la licéité d’une clause de ses conditions générales de vente imputant à l’acheteur le montant du droit de suite, a interrogé la Cour de justice sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive no 2001/84/CE du 27 septembre 2001(JOCE 13 oct., no L 272) dont est issu l’article L. 122-8. Ce texte prévoit que le droit de suite est à la charge du vendeur, toutefois les États membres peuvent prévoir qu’un professionnel du marché de l’art intervenant dans la vente puisse soit être responsable du paiement, soit partager avec le vendeur la responsabilité du paiement. Pour la Cour européenne(47), la directive ne se prononce pas clairement « sur l’identité de la personne qui doit supporter définitivement le coût de la redevance due à l’auteur au titre du droit de suite ». Elle considère, par conséquent que l’article 1er doit être interprété au regard des objectifs poursuivis par la directive, au rang desquels figure notamment l’objectif de mettre fin aux distorsions de concurrence tout en limitant l’harmonisation aux dispositions nationales qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché. Selon elle, cet objectif exige de définir le mode de calcul du droit de suite et de préciser la personne responsable du paiement, mais pas de déterminer qui en supportera définitivement le coût (pts 29 et 30). La Cour en conclut que la directive ne s’oppose pas à ce que la personne désignée par le droit d’un État membre comme redevable du droit de suite, qu’il s’agisse du vendeur ou d’un professionnel du marché de l’art, puisse obtenir d’une autre personne l’engagement de supporter définitivement le coût de ce droit. Néanmoins, cet aménagement contractuel ne doit pas affecter les obligations et la responsabilité de la personne redevable du droit de suite envers l’auteur (pt 32). La Cour de cassation(48) a pris acte de cette interprétation en censurant, pour violation de l’article L. 122-8, la cour d’appel de Paris qui avait déclaré nulle la clause des conditions générales de vente de la société Christie’s France, au motif que ce texte n’autorisait aucune dérogation.



2o/

Aspects procéduraux et sanctions

Qualité pour d’agir. – La question de savoir si un auteur ayant adhéré à une société de gestion collective conserve la possibilité d’agir en contrefaçon parallèlement à l’action de la société fait l’objet d’un revirement de jurisprudence. En 1998, la Cour de cassation(49) avait décidé que « les auteurs et éditeurs ayant adhéré à la SACEM n’en conservaient pas moins l’exercice de leurs droits sur l’œuvre, dont ils pouvaient demander la protection, notamment, par l’action en contrefaçon ». Un arrêt publié au Bulletin(50) revient clairement sur cette position par un attendu lapidaire ( 004). L’arrêt écarte le pourvoi de deux auteurs faisant grief à la Cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable leur action contre un contrefacteur au motif qu’ils avaient adhéré à la SACEM. La Cour considère désormais que, sauf carence de la société de gestion collective, les adhérents ne peuvent défendre personnellement les droits patrimoniaux qui ont fait l’objet d’une cession. C’est une solution satisfaisante, justifiée par le caractère fiduciaire de la cession faite à la SACEM, qui évite les désordres que peuvent créer des actions parallèles intempestives, tout en assurant aux adhérents une possibilité d’action en cas de carence de la société gestionnaire.







EXTRAITS


« (…) Attendu qu’en application de l’article 1er des statuts de la SACEM, l’auteur ayant, par son adhésion, fait apport de l’exercice de ses droits patrimoniaux, est dès lors irrecevable, sauf carence de cette société, à agir personnellement en défense de ceux-ci (…) le moyen n’est pas fondé (…) »


Compétence exclusive du juge judiciaire spécialisé – marché public. – La répartition du contentieux entre le juge administratif et le juge spécialisé dans le contentieux de la propriété intellectuelle sollicite à nouveau le Tribunal des conflits dans deux litiges opposant un photographe, au sujet de ses droits d’auteur, à des personnes publiques. Dans le premier litige, l’auteur invoquait un manquement contractuel, dans le second une contrefaçon. Sur renvoi du Conseil d’État, le Tribunal des conflits(51) reconnaît la compétence du juge spécialisé dans les deux affaires. S’agissant de l’action en contrefaçon, la solution était attendue, elle est conforme aux décisions antérieures relatives à des droits de propriété industrielle qui ont appliqué une règle désormais étendue au droit d’auteur par les lois nos 2007-1544 du 29 octobre 2007 (JO 30 oct.) et 2011-525 du 17 mai 2011 (JO 18 mai)(52). En revanche, le doute était permis pour l’exécution d’un contrat. Le Tribunal des conflits lève ce doute en jugeant que le contentieux mettant en cause la responsabilité délictuelle ou contractuelle d’une personne publique en matière de droit d’auteur relève du juge judiciaire spécialisé.

Contrefaçon en ligne – compétence internationale. – Un second arrêt de la Cour de justice(53)détermine à nouveau la compétence judiciaire en matière de contrefaçon de droit d’auteur par le critère de l’accessibilité du site, critère retenu en octobre 2013 par la Cour de justice dans l’arrêt « Pinckney » et adopté depuis par la Cour de cassation(54). Cette confirmation est d’autant plus importante que les circonstances de la contrefaçon étaient différentes. L’arrêt « Pinckney » concernait la vente en ligne d’un CD comportant des reproductions de chansons non autorisées. Dans ce nouveau litige, la contrefaçon est totalement dématérialisée. La question de compétence concerne une action intentée devant une juridiction autrichienne par une photographe domiciliée à Vienne qui reprochait à une société ayant son siège en Allemagne d’avoir mis en ligne, sans autorisation, certaines de ses photographies. La Cour ne répond pas à la critique de l’insécurité juridique de la solution qu’elle adopte, soulevée par l’avocat général pour rejeter l’extension au cas d’espèce de la jurisprudence « Pinckney » en raison de la difficulté, voire de l’impossibilité de déterminer le dommage subi localement (concl., pt 39). Elle maintient le principe de compétence d’une juridiction d’un État membre, au titre du lieu de matérialisation du dommage, pour connaître d’une action en contrefaçon d’un droit d’auteur ou de droits voisins protégés dans cet État dès lors que des œuvres ou objets protégés sont accessibles dans son ressort via un site Internet en précisant, comme elle l’avait fait dans l’arrêt précédent, que la juridiction du lieu de matérialisation du dommage « n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève » (pt 36). On notera que le choix en droit d’auteur du critère de l’accessibilité ne devrait pas être remis en cause par l’entrée en vigueur depuis le 10 janvier 2015 du règlement no 1215/2012/UE du 12 décembre 2012 (JOUE 20 déc., no L 351) dont l’article 7, paragraphe 2, comporte la même option de compétence que l’article 5, paragraphe 3, du règlement précédent.





II –

PROPRIÉTÉS INDUSTRIELLES


A –

BREVETS

Exclusion de brevetabilité – notion d’embryon humain. – L’interdiction d’utiliser des embryons humains à des fins industrielles et commerciales édictée par l’article 6, paragraphe 2, c), de la directive no 98/44/CE du 6 juillet 1998 (JOCE 30 juill., no L 213) relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques suscite, avec l’évolution des techniques, de nouvelles questions sur la notion d’embryon humain. En 2011, l’arrêt « Brüstle »(55) avait adopté une définition large selon laquelle « constituent un embryon humain (…), tout ovule humain dès le stade de la fécondation, tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté et tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer ». Dans un nouveau litige concernant, au Royaume-Uni, des cellules souches embryonnaires obtenues par activation d’ovocytes non fécondés, le Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks avait refusé d’enregistrer des demandes de brevets. Dans son recours contre cette décision, le demandeur, International Stem Cell Corporation (ISCO), faisait valoir que l’arrêt « Brüstle » n’avait exclu de la brevetabilité que « des organismes susceptibles de déclencher le processus de développement qui aboutit à un être humain », ce qui n’était pas le cas des « parthénotes mamaliens » concernés par les demandes en cause. En effet, ces derniers ne contenant pas d’ADN paternel, ils ne pouvaient pas se développer au-delà du stade du blastocyste. En outre, ISCO avait modifié ces demandes afin d’exclure l’éventualité d’interventions additionnelles de génie génétique. Une nouvelle question préjudicielle a donc été posée par la Hight Court of Justice sur le point de savoir si un ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer jusqu’à un certain stade constitue un « embryon humain » au sens de la directive. En réponse, la Cour modifie, dans un arrêt du 18 décembre 2014(56), sa précédente définition en indiquant « qu’un ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer ne constitue pas un “embryon humain”, au sens de (la directive), si, à la lumière des connaissances actuelles de la science, il ne dispose pas, en tant que tel, de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier » (pt 38). En se retranchant derrière l’évolution de « connaissances suffisamment éprouvées et validées par la science médicale internationale », la Cour met en avant une condition évoquée mais non retenue dans l’affaire précédente : la « capacité intrinsèque de se développer en être humain ». L’arrêt « ISCO » indique clairement que l’absence de cette condition exclut la qualification d’« embryon humain », le seul fait de commencer un processus de développement n’est pas suffisant pour qu’un ovule non fécondé soit considéré comme un « embryon humain », au sens et pour l’application de la directive no 98/44/CEE (pts 28 et 29) ( 005). Cette évolution est significative. Le droit de l’Union n’interdit plus désormais qu’un ovule humain non fécondé incapable en tant que tel de se développer en être humain, fasse l’objet d’un brevet.





EXTRAITS

 005 CJUE, gde ch., 18 déc. 2014, aff. C-364/13 (extraits)

« L’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, doit être interprété en ce sens qu’un ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer ne constitue pas un “embryon humain”, au sens de cette disposition, si, à la lumière des connaissances actuelles de la science, il ne dispose pas, en tant que tel, de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier »


Refus du dépôt de la traduction intégrale d’un brevet européen. – La France ayant, depuis l’entrée en vigueur, le 1er mai 2008, de l’accord de Londres, renoncé aux exigences prévues en matière de traduction par la Convention de Munich, il ne peut être exigé du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) de recevoir un dépôt volontaire de l’entière traduction d’un brevet européen déposé dans une autre langue officielle que le français, la traduction en français des revendications remplissant la mission assignée à l’INPI de diffusion des informations techniques contenues dans le brevet(57).

Neutralisation partielle de l’action en contrefaçon d’un brevet essentiel à une norme. – En réponse à des questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), un arrêt attendu de la Cour de justice (CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-170/13,)(58)précise les conditions dans lesquelles le propriétaire d’un brevet essentiel à une norme qui s’est engagé irrévocablement envers l’organisme de normalisation à octroyer aux tiers une licence FRAND(59) peut agir en contrefaçon à l’encontre de tiers non signataires de cette licence. Cette décision a été rendue dans le contexte particulier des affrontements qui opposent les entreprises du secteur des télécommunications. Secteur où l’innovation technologique est le plus souvent encadrée sous l’égide d’un organisme de normalisation, par des standards techniques comportant de nombreux brevets appartenant à des entreprises concurrentes moyennant la conclusion de licences. En l’espèce, la société Huawei Technologies, titulaire d’un brevet européen déclaré essentiel à une norme LTE, avait agi en contrefaçon, après des négociations infructueuses sur la conclusion d’une licence FRAND, contre les sociétés du groupe ZTE qui commercialisent des stations de base équipées d’un logiciel lié à cette norme. La bataille juridique était placée ici sur le terrain du droit de la concurrence appelé à la rescousse par le défendeur qui prétendait que l’action en cessation des ventes prétendument contrefaisantes constituait un abus de position dominante(60). L’existence d’une position dominante n’ayant pas été contestée par les parties, la Cour analyse uniquement les circonstances permettant de qualifier d’abus l’exercice du droit d’agir en contrefaçon. Après avoir rappelé la jurisprudence selon laquelle l’exercice d’un droit exclusif attaché à une propriété intellectuelle n’est pas en soi un abus de position dominante mais que des circonstances exceptionnelles peuvent donner lieu à un comportement abusif au sens de l’article 102 du TFUE (pts 46 à 47), la Cour s’écarte de l’exigence de circonstances exceptionnelles qui permettent habituellement de constater l’abus par détournement de l’objet légal du brevet pour conduire dans le contexte spécifique de l’affaire un autre raisonnement (pts 49 et 50). La Cour considère que le refus d’octroyer une licence dans les conditions FRAND est en principe un abus (pt 53) ( 006). Ce retour au droit commun nous semble justifié en présence d’un usage stratégique du brevet sans rapport avec son objet légal. Ce qui est ici sanctionné, ce n’est pas l’exercice du droit exclusif mais le refus, contraire aux usages loyaux et à la bonne foi, de respecter un engagement irrévocable d’octroyer une licence à des conditions FRAND pris par le propriétaire du brevet lors de l’introduction du brevet dans la norme. S’agissant de sanctions de l’abus, la Cour admet que le défendeur puisse invoquer l’article 102 pour neutraliser les demandes de cessation ou de rappel de produits dont l’effet serait d’exclure du marché les produits des concurrents couverts par la norme (pts 53 à 55). Quant aux actions tendant à obtenir des données comptables relatives à l’utilisation du brevet ou l’allocation de dommages-intérêts au titre de cette utilisation, elles restent hors du champ du droit de la concurrence, car elles n’ont pas, selon la Cour, d’impact direct sur le marché. Par ailleurs, l’arrêt formule des « lignes directrices » à suivre avant l’action en justice pour éviter l’abus. Le propriétaire du brevet doit avertir le contrefacteur présumé de l’allégation de contrefaçon en précisant ce qui lui est reproché et lui adresser une offre écrite de licence à des conditions FRAND. Quant au contrefacteur présumé, il lui est conseillé, pour pouvoir invoquer l’abus, de réagir à l’offre avec diligence, d’adresser en cas de refus une contre-offre raisonnable et de constituer une garantie en cas d’utilisation du brevet pendant la période de négociation. Enfin, faisant le constat que le processus de normalisation ne conduit nécessairement ni au contrôle de la validité des brevets, ni à celui de leur caractère essentiel à la norme, la Cour précise qu’il ne peut être reproché au présumé contrefacteur de contester ces éléments en parallèle des négociations du contrat de licence ou de réserver le droit de le faire.


EXTRAITS


« Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  • L’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que le titulaire d’un brevet essentiel à une norme établie par un organisme de normalisation, qui s’est engagé irrévocablement envers cet organisme à octroyer aux tiers une licence à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, dites FRAND (“fair, reasonable and non-discriminatory”), n’abuse pas de sa position dominante au sens de cet article en introduisant une action en contrefaçon tendant à la cessation de l’atteinte à son brevet ou au rappel des produits pour la fabrication desquels ce brevet a été utilisé, dès lors que :

    • préalablement à l’introduction de ladite action, il a, d’une part, averti le contrefacteur allégué de la contrefaçon qui lui est reprochée en désignant ledit brevet et en précisant la façon dont celui-ci a été contrefait, et, d’autre part, après que le contrefacteur allégué a exprimé sa volonté de conclure un contrat de licence aux conditions FRAND, transmis à ce contrefacteur, une offre concrète et écrite de licence à de telles conditions, en précisant, notamment, la redevance et ses modalités de calcul, et

    • ledit contrefacteur continuant à exploiter le brevet considéré ne donne pas suite à cette offre avec diligence, conformément aux usages commerciaux reconnus en la matière et de bonne foi, ce qui doit être déterminé sur la base d’éléments objectifs et implique notamment l’absence de toute tactique dilatoire.



  • L’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il n’interdit pas, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à une entreprise se trouvant en position dominante et détenant un brevet essentiel à une norme établie par un organisme de normalisation qu’elle s’est engagée, auprès de cet organisme, à donner en licence à des conditions FRAND, d’introduire une action en contrefaçon dirigée contre le contrefacteur allégué de son brevet et tendant à la fourniture de données comptables relatives aux actes d’utilisation passés de ce brevet ou à l’allocation de dommages-intérêts au titre de ces actes »






B –

MARQUES

Service d’alerte et procédure d’opposition des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale – modalités d’application. – Le décret no 2015-671 du 15 juin 2015 (JO 17 juin) précise les modalités d’application de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 (JO 18 mars)(61). Cette loi a instauré un service d’alerte gratuit permettant aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale de former opposition à l’enregistrement de leur nom à titre de marque. Pour bénéficier de ce service de veille, ceux-ci doivent adresser à l’Institut national de la propriété industrielle, par voie électronique, une requête comportant leur identification, la dénomination ou le nom de pays pour lequel l’alerte est demandée et l’adresse électronique à laquelle l’alerte doit être envoyée(62). Pour les marques nationales, l’alerte est effectuée par voie électronique dans les cinq jours ouvrables suivant la publication du dépôt au Bulletin officiel de la propriété intellectuelle d’une demande d’enregistrement de marque contenant la dénomination ou le nom de pays concerné. Pour les marques communautaires et internationales, l’alerte est effectuée dans les trois semaines qui suivent la publication de la demande de marque au Bulletin des marques communautaires ou à la Gazette des marques internationales. L’alerte mentionne la faculté pour toute personne intéressée de formuler des observations et pour les collectivités concernées de former opposition(63). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 18 juin 2015.

Représentation graphique de l’agencement d’un espace de vente – notion de service. – Apple Inc. est propriétaire aux États-Unis d’une marque tridimensionnelle constituée par la représentation du design et de l’agencement de ses magasins « porte-drapeaux » désignant les services de vente au détail et de démonstration relatifs aux produits de la marque. En Europe, la protection de ce signe par le biais d’un enregistrement international s’est heurtée au refus de certains offices nationaux. Sur recours, leBundespatentgericht a posé à la Cour de justice plusieurs questions préjudicielles sur l’application des articles 2 et 3 de la directive « Marques ». En réponse, dans un arrêt du 10 juillet 2014(64), la Cour admet, comme l’on pouvait s’y attendre, que l’agencement d’un espace de vente puisse être enregistré à titre de marque à condition qu’il soit apte à remplir la fonction d’indication d’origine commerciale et sous réserve de vérifier sa capacité distinctive au regard des produits ou services visés et du public pertinent. Tel peut être le cas s’agissant d’un signe tridimensionnel s’il diverge de manière significative des normes du secteur. L’arrêt apporte néanmoins deux précisions inédites. Tout d’abord, la Cour admet que le dessin de l’aménagement de l’espace constitue une représentation suffisante, sans qu’il soit nécessaire de préciser la taille et les proportions des agencements (pt 19). Cette position libérale est en retrait au regard de l’invariabilité du signe exigée, notamment pour les combinaisons de couleurs(65). Elle précise ensuite que les services de vente au détail ne concernent pas uniquement les produits d’entreprises tierces(66), ils peuvent également concerner les propres produits du déposant, à l’exception toutefois des prestations faisant « partie intégrante de la mise en vente des produits » (pt 26). Un autre arrêt du même jour(67) précise également que l’activité de regroupement de services constitue un service ( 007). Le déposant de la marque est alors invité à indiquer avec précision les services regroupés.


EXTRAITS


« Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  • Les prestations d’un opérateur économique consistant à regrouper des services afin que le consommateur puisse commodément comparer et acquérir ceux-ci peuvent relever de la notion de “services” visée à l’article 2 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques.

  • La directive 2008/95 doit être interprétée en ce sens qu’elle exige qu’une demande d’enregistrement de marque pour un service de regroupement de services soit formulée avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre aux autorités compétentes et aux autres opérateurs économiques de savoir quels sont les services que le demandeur envisage de regrouper »




Action en interdiction d’usage. – L’arrêt « Fédération cynologique internationale »(68) relatif à l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009/CE du 26 février 2009 (JOUE 24 mars, no L 78) sur la marque communautaire a affirmé l’indépendance de l’action en contrefaçon et de l’action en nullité en indiquant que le propriétaire d’une marque communautaire peut agir pour interdire à un tiers de faire usage dans la vie des affaires d’une marque communautaire postérieure identique ou similaire à la sienne, sans qu’il soit nécessaire d’en obtenir au préalable la nullité. S’appuyant sur une différence de rédaction de la loi espagnole sur les marques, le tribunal de commerce de Madrid a saisi la Cour sur le point de savoir si la solution adoptée pour la marque communautaire vaut pour les marques nationales. La réponse affirmative donnée par voie d’ordonnance(69) rappelle que les dispositions des articles 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009/CE précité et 5, paragraphe 1, de la directive no 2008/95/CE du 22 octobre 2008 (JOUE 8 nov., no L 299) sur l’interdiction d’usage sont identiques et ne distinguent pas selon que les tiers sont titulaires ou pas d’une marque (pt 23). En outre, cette solution se déduit du principe de priorité d’où il découle « qu’en cas de conflit entre deux marques, celle enregistrée en premier lieu est présumée réunir les conditions requises pour obtenir la protection (…) avant celle enregistrée en second lieu » (pt 40).

Opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire – signe de portée locale. – L’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009/CE permet de faire opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire en invoquant « une marque non enregistrée ou un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale (…) ; lorsque et dans la mesure où, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre qui est applicable (…) ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente ». À l’occasion d’un litige entre deux sociétés allemandes ayant la même dénomination sociale, l’une d’entre elles s’opposant à l’enregistrement par l’autre de cette dénomination en tant que marque communautaire, la Cour de justice(70) a précisé que l’opposant doit démontrer que le signe antérieur protégé par le droit national en cause lui permet d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente sans avoir à prouver qu’il a effectivement obtenu l’interdiction d’une telle utilisation (pts 47 et 48). L’arrêt rappelle en outre qu’il n’est pas nécessaire que le signe antérieur soit protégé sur l’ensemble du territoire national, il suffit qu’il invoque un signe effectivement utilisé de manière significative dans la vie des affaires sur une partie importante du territoire (pt 52)(71).

Usage sérieux d’une marque communautaire – portée de l’intitulé de classe des produits ou services. – La désignation précise des produits ou services est nécessaire pour connaître avec certitude l’étendue de la protection conférée par la marque. Un litige soumis au Tribunal de l’Union(72) illustre également l’importance de cette désignation lorsqu’il s’agit de vérifier l’usage sérieux de la marque. Le propriétaire de la marque « Lambretta » dont l’enregistrement effectué en 2002 reprenait exactement l’intitulé de la classe 12 : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », a pu éviter la déchéance en apportant des preuves d’usage pour des pièces de rechange pour scooters. En effet, le Tribunal a considéré que le propriétaire d’une marque communautaire enregistrée avant l’entrée en vigueur de lacommunication no 2/12 du président de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur en date du 21 juin 2012 avait l’intention de couvrir tous les produits de la classe lorsqu’il utilisait l’intitulé de cette dernière (pt 34). Par conséquent, « certaines pièces de rechange pour scooters étaient incluses dans la liste des produits désignés par la marque Lambretta, de sorte que la chambre de recours était tenue d’examiner l’utilisation sérieuse de cette marque pour lesdites pièces de rechange » (pt 37). Pour les dépôts effectués après le 21 juin 2012, lorsque le déposant utilise les indications générales de l’intitulé d’une classe, il doit indiquer expressément dans la demande si elle concerne « l’ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de la classe particulière concernée ou seulement certains de ces produits ou services ».



Notes

(1)
L. no 2014-779, 8 juill. 2014, habilitant le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure de nature législative propre à modifier les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition.

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(2)
C. propr. intell., art. L. 132-1, L. 132-2 et L. 132-3, modifiés par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 3.

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(3)
C. propr. intell., art. L. 132-9, modifié par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 5.

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(4)
C. propr. intell., art. L. 132-11, modifié par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 6.

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(5)
C. propr. intell., art. L. 132-17, modifié par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 7.

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(6)
Arr. 10 déc. 2014, art. 1er, JO 28 déc., p. 22758.

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(7)
C. propr. intell., art. L. 132-17-1, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8, et Arr. 10 déc. 2014, § 1.

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(8)
Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 10.

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(9)
C. propr. intell., art. L. 132-17-5, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8, et Arr. 10 déc. 2014, § 3.

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(10)
Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 9.

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(11)
Arr. 10 déc. 2014, § 2.

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(12)
C. propr. intell., art. L. 132-17-2, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8, et Arr. 10 déc. 2014, § 4 et s.

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(13)
Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 11.

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(14)
Arr. 10 déc. 2014, § 4, 2.

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(15)
C. propr. intell., art. L. 132-17-3, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8, et Arr. 10 déc. 2014, § 7.

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(16)
C. propr. intell., art. L. 132-17-3, al. 2 à 6, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8 ; Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 11.

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(17)
C. propr. intell., art. L. 132-17-4, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8, et Arr. 10 déc. 2014, § 8.

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(18)
C. propr. intell., art. L. 132-17-6, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8 ; Arr. 10 déc. 2014, § 5 et Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 11.

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(19)
C. propr. intell., art. L. 132-17-7, créé par Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 8 ; Arr. 10 déc. 2014, § 6, et Ord. no 2014-1438, 12 nov. 2014, art. 12.

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(20)
D. no 2015-106, 6 mai 2015, JO 7 mai, p. 7848.

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(21)
C. propr. intell., art. L. 135-1 à L. 135-7, créé par L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 4.

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(22)
C. propr. intell., art. L. 211-7, créé par L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 5.

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(23)
C. propr. intell., art. L. 211-4, I et II, modifié par L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 1er.

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(24)
C. propr. intell., art. L. 212-3-1, créé par L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 2, et R. 213-8, créé par D. no 2015-506, 6 mai 2015, art. 2.

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(25)
C. propr. intell., art. L. 212-3-2, créé par L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 2.

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(26)
C. propr. intell., art. L. 212-3-3, créé par L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 2.

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(27)
C. propr. intell., art. L. 212-3-4, créé par L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 2.

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(28)
L. no 2015-195, 20 févr. 2015, art. 8.

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(29)
CJUE, 21 oct. 2014, aff. C-348/13, BestWater International c/ M. Mebes et S. Potsch, Comm. com. électr. 2014, comm. 92, note Ch. Caron, JCP E 2014, 1063, note G. Busseuil, LEPI 2015, no 1, p. 3, note C. Bernault, RLDI 2014/110, éclairage L. Dubois et F. Gaulier, RTD com. 2014, p. 808, note crit. F. Pollaud-Dulian.

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(30)
CJUE, 13 févr. 2014, aff. C-466/12, Svensson, v. cette chronique in Dr. & patr. 2014, no 240, p. 89 et nos obs.

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(31)
CJUE, 26 mars 2015, aff. C-279/13, C More Entertainment AB c/ Linus Sandberg, JCP G 2015, 419, obs. F. Picod, Comm. com. électr. 2015, comm. 40, note Ch. Caron, RLDI 2015/116, éclairage S. Dormont.

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(32)
V. déjà pour une approche divergente de la notion de communication au public figurant dans les dispositions des directives nos 2001/29/CE et 92/100/CEE, CJUE, 15 mars 2012, aff. C-135/10, Del corso, v. cette chronique in Dr. & patr. 2012, no 218, p. 88 et nos obs.

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(33)
CJUE, 13 mai 2015, aff. C-516/13, Dimensione direct Sales Srl c/ Knoll International SpA, Comm. com. électr. 2015, comm. 56, note Ch. Caron, LEPI 2015, no 7, p. 2, note A. Lebois, Europe 2015, comm. 278, note V. Michel.

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(34)
CJCE, 4e ch., 17 avr. 2008, aff. C-456/06, Peek & Cloppenburg c/ Cassina SpA, v. cette chronique in Dr. & patr. 2008, no 174, p. 81 et nos obs.

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(35)
CJUE, 21 juin 2012, aff. C-5/11, Donner, pt 30 ; CJUE, 6 févr. 2014, aff. C-98/13, M. Blomqvist c/ Rolex et a., pt 32, v. cette chroniquein Dr. & patr. 2014, no 240, p. 88 et nos obs.

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(36)
CJUE, 4e ch., 22 janv. 2015, aff. C-419/13, Art & Allposters International BV c/ Stichting Pictoright, Comm. com. électr. 2015, comm. 18, note Ch. Caron, D. 2015, p. 776, note C. Maréchal, JCP E 2015, 133, obs. F. Picod, LEPI 2015, no 3, p. 1, note A. Lebois, Europe 2015, comm. 123, note L. Idot, RLDI 2015/116, éclairage S. Dormont.

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(37)
CJCE, 5e ch., 1er juill. 1999, aff. C-173/98, Sebago, Rec. CJCE 1999, I, p. 04103.

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(38)
CJUE, 5 mars 2015, aff. C-463/12, Copydan Bandkopi c/ Nokia Danmark, Comm. com. électr. 2015, comm. 30, note Ch. Caron, Europe 2015, comm. 200, note D. Simon, LEPI 2015, no 5, p. 2, note C. Bernault.

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(39)
CJUE, 21 oct. 2010, aff. C-407/09, Padawan ; CJUE, 16 juin 2011, aff. C-462/09, Stichting de Thuiskopie, v. cette chronique in Dr. & patr. 2011, no 207, p. 94 et nos obs. ; CJUE, 27 juin 2013, aff. jtes. C-457/11 à C-460/11, VG Wort, et CJUE, 11 juill. 2013, aff. C-521/11, Amazon, v. cette chronique in Dr. & patr. 2014, no 240, p. 91 et nos obs. ; CJUE, 4e ch., 10 avr. 2014, aff. C-435/12, ACI Adam.

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(40)
CJUE, gde ch., 3 sept. 2014, aff. C-201/13, Johan D. et Vrijheidsfonds VZW c/ Helena V. et a., Comm. com. électr. 2014, comm. 82, note Ch. Caron, Gaz. Pal. 2015, no 64, p. 14, chron. L. Marino, LEPI 2014, no 10, p. 1, note C. Bernault, D. 2014, p. 2097, note B. Galopin, RLDI 2014/108, éclairage C. Castet Renard, et no 3577, note Ph. Mouron, RTD com. 2014, p. 815, note F. Pollaud-Dulian.

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(41)
CJUE, 11 sept. 2014, aff. C-117/13, Technische Universitär Darmstadt c/ Eugen Ulmer KG, Comm. com. électr. 2014, comm. 83, note Ch. Caron, LEPI 2014, no 10, p. 2, note A. Lucas-Schloetter, Gaz. Pal. 2015, no 64, p. 16, note L. Marino, RLDI 2014/108, note G. Busseuil, RTD com. 2014, p. 810, note F. Pollaud-Dulian.

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(42)
BGH, 16 avr. 2015, Technische Universität Darmstadt c/ Eugen Ulmer, LEPI 2015, no 7, p. 3, note A. Lucas-Schloetter.

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(43)
Cass. 1re civ., 7 mars 1984, no 82-17.016, Bull. civ. I, no 90.

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(44)
Cass. 1re civ., 10 sept. 2014, no 13-14.532, Comm. com. électr. 2014, comm. 91, note Ch. Caron, LEPI 2014, no 10, p. 2, note A. Lebois, RTD com. 2014, p. 818, note F. Pollaud-Dulian.

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(45)
V. notamment cette chronique in Dr. & patr. 2013, no 228, p. 65 et nos obs.

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(46)
Cass. 1re civ., 24 janv. 2014, no 13-12.675, Bull. civ. I, no 12.

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(47)
CJUE, 26 févr. 2015, aff. C-41/1, Christie’s France SNC c/ Syndicat national des antiquaires, Comm. com. électr. 2015, comm. 29, note Ch. Caron, Comm. com., électr. 2015, étude 9, par F. Pollaud-Dulian, D. 2015, p. 567, obs. J. Daleau, Gaz. Pal. 2015, no 197, p. 20, note L. Marino, LEPI 2015, no 4, p. 3, note A. Lucas, RLDI 2015/114, éclairage F. Valentin et X. Près.

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(48)
Cass. 1re civ., 3 juin 2015, no 13-12.675, JCP G 2015, 718, obs. P. Boiron.

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(49)
Cass. 1re civ., 24 févr. 1998, no 95-22.282, Bull. civ. I, no 75.

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(50)
Cass. 1re civ., 13 nov. 2014, no 13-22.401, Comm. com. électr. 2015, Comm. 2, note Ch. Caron, Comm. com. électr. 2015, chron. 4, no 2, obs. X. Daverat, D. 2015, p. 410, note A. Etienney de Sainte Marie, LEPI 2015, no 1, p. 4, note C. Bernault, RTD com. 2015, p. 291, note F. Pollaud-Dulian.

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(51)
T. confl., 7 juill. 2014, no 3954, M. A c/ Maison départementale des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle, et no 3955, M. A c/ Conseil général de Meurthe-et-Moselle, LEPI 2014, no 9, p. 7, note D. Lefranc, Comm. com. électr. 2014, comm. 76, note Ch. Caron, Gaz. Pal. 2014, no 310, p. 15, note L. Marino, RTD com. 2014, p. 611, note F. Pollaud-Dulian,

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(52)
T. confl., 2 mai 2011, no 3770, v. cette chronique in Dr. & patr. 2011, no 207, p. 90 et nos obs.

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(53)
CJUE, 22 janv. 2015, aff. C-441/13, Pez Hejduk c/ Energie Agentur NRW GmbH, Europe 2015, comm. 132, note L. Idot, Gaz. Pal. 2015, no 197, p. 20, note L. Marino, JCP G 2015, 421, note M. Attal, LEPI 2015, no 3, p. 7, note A Lucas, Proc. 2015, comm. 81, note C. Nourissat, RLDI 2015/114, éclairage X. Près.

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(54)
CJUE, 3 oct. 2013, aff. C-170/12, Peter Pinckney c/ KDG Mediatech AG ; v. cette chronique in Dr. & patr. 2014, no 240, p. 95 et nos obs.

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(55)
CJUE, gde ch., 18 oct. 2011, aff. C-34/10, Brüstle, v. cette chronique in Dr. & patr. 2012, no 218, p. 91 et nos obs.

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(56)
CJUE, gde ch., 18 déc. 2014, aff. C-364/13, International Stem Cell Corporation c/ Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks, Europe 2015, comm. 83, note S. Roset, Gaz. Pal. 2015, no 64, p. 17, note L. Marino, JCP G 2015, 135, note C. Byk, JCP E 2015, 1209, note A. Mendoza-Caminade, LEPI 2015, no 2, p. 1, note J.-P. Clavier, RTD civ. 2015, p. 97, obs. J. Hauser.

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(57)
Cass. com., 9 juin 2015, no 13-22.529, JCP 2015, 538.

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(58)
CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-170/13, Huawei Technologies c/ ZTE Corp. et a., Comm. com. électr. 2015, comm. 65, note Ch. Caron.

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(59)
Licence consentie dans des conditions raisonnables équitables et non discriminatoires.

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(60)
V. déjà sur ce type de défense, les décisions de la Commission dans les affaires « Samsung » et « Motorola » citées par N. Petit,in Le droit européen de l’abus de position dominante en 2014, Comm. com. électr. 2015, étude 3.

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(61)
V. cette chronique in Dr. & patr. 2014, no 240, p. 100 et nos obs.

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(62)
C. propr. intell., art. D. 712-29, créé par D. no 2015-671, 15 juin 2015, art. 1er.

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(63)
C. propr. intell., art. D. 712-30, créé par D. no 2015-671, 15 juin 2015, art. 1er.

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(64)
CJUE, 10 juill. 2014, aff. C-421/13, Apple Inc. c/ Detsches Patent und Markenamt, LEPI 2014, no 9, p. 6, note J.-P. Clavier, Propr. industr. 2014, comm. 62, note A. Folliard-Monguiral, Propr. intell. 2014, no 53, p. 422, obs. B. Geoffray, Gaz. Pal. 2014, no 310, p. 17, note L. Marino, D. 2015, p. 230, chron. J.-P. Clavier, N. Martin-Braz et C. Zolynski, no 19.

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(65)
CJCE, 24 juin 2004, aff. C-49/02, Heidelberger Beauchemie GmbH, Rec. CJCE, I, p. 06129.

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(66)
CJCE, 7 juill. 2005, aff. C-418/02, Praktiker Bau- und Heimwerkermärkte, Rec. CJCE, I, p. 05873.

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(67)
CJUE, 10 juill. 2014, aff. C-420/13, Netto Marken-Discount AG & Co. KG c/ Deutsches Patent- und Markenamt, LEPI 2014, no 9, p. 6, note J.-P. Clavier, Propr. industr. 2014, comm. 63, note A. Folliard-Monguiral, D. 2015, p. 230, chron. J.-P. Clavier, N. Martin-Braz et C. Zolynski, no 20.

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(68)
CJUE, 21 févr. 2013, aff. C-561/11, v. cette chronique in Dr. & patr. 2013, no 228, p. 72 et nos obs.

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(69)
CJUE, 10 mars 2015, aff. C-491/14, Rosa dels Vents Assessoria SL c/U Hostels Albergues Juveniles SL, LEPI 2015, no 5, p. 1, note F. Herpé.

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(70)
CJUE, 10 juill. 2014, aff. C-325/13 et C-326/13, Peek et Clopenburg KG, c/ OHMI et a., LEPI 2014, no 9, p. 5, note S. Chatry, D. 2015, p. 230, chron. J.-P. Clavier, N. Martin Braz et C. Zolynski, no 19.

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(71)
V. également CJUE, 29 mars 2011, aff. C-96/09 P, pt 159.

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(72)
TUE, 30 sept. 2014, aff. T-51/12, Scooters India Ltd. c/ OHMI, LEPI 2014, no 11, p. 6, note J.-P. Clavier, Propr. industr. 2014, comm. 76, note A. Folliard-Monguiral.

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