Si l’artiste, et plus généralement l’auteur d’une œuvre littéraire et artistique, était une personne comme une autre, la transmission de son patrimoine devrait relever du droit commun des successions. Mais, à bien des égards, il n’est pas le commun des mortels, parce qu’il fait œuvre créatrice. Il est ainsi à l’origine d’un patrimoine artistique dont la spécificité justifie des dispositions particulières. Le patrimoine d’un auteur relève tout à la fois du droit commun et de règles spéciales qui doivent être combinés, ce qui ne fait qu’accroître la complexité du règlement de la succession. Pour cette raison, on ne saurait trop conseiller aux auteurs d’une œuvre littéraire et artistique d’anticiper la transmission de leur patrimoine artistique en tenant compte des décisions de la Cour de cassation qui, de proche en proche, dessinent les règles applicables à cette succession si particulière.
Le conjoint bénéficie alors de l’usufruit du droit d’exploitation, tandis que le fils en recueille la nue-propriété et en recouvrera la pleine propriété au jour de l’extinction de l’usufruit, ce qui peut être une date fort éloignée si l’épouse est relativement jeune.
Ces quelques réflexions devraient convaincre que les patrimoines artistiques ne sont pas des patrimoines comme les autres et que, pour cette raison, ils exigent d’anticiper leur transmission.
Notes
(1)
Comme le permet l’article 214, alinéa 1er, du Code civil.
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(2)
Cass. 1re civ., 1er avr. 2015, no 14-14.349, Dr. famille 2015, comm. 125, obs. Q. G. Schielé, RTD civ. 2015, p. 687, obs. B. Vareille, RTD civ. 2015, p. 362, obs. J. Hauser, D. 2015, p. 108, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau.
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(3)
Cass. 1re civ., 15 mai 2013, no 11-26.933, RLDC 2013/107, no 52017, obs. J. Revel, D. 2013, p. 2242, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel, AJ famille 2013, p. 383, obs. S. Blanc-Pelissier, D. 2014, p. 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau, RTD civ. 2013, p. 582, obs. J. Hauser, RTD civ. 2014, p. 698, obs. B. Vareille, Dr. famille 2013, comm. 110, obs. B. Beignier ; Cass. 1re civ., 12 juin 2013, no 11-26.748, D. 2013, p. 2242, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel, AJ famille 2013, p. 448, obs. B. de Boysson.
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(5)
Dans le même sens, v. Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, no 12-21.892, D. 2013, p. 2682, note A. Molière, D. 2014, p. 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau, D. 2014, p. 1905, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel, AJ famille 2013, p. 647, obs. P. Hilt, RTD civ. 2013, p. 821, obs. J. Hauser, RTD civ. 2014, p. 698, obs. B. Vareille, RTD civ. 2014, p. 703, obs. B. Vareille, Dr. famille 2014, comm. 38, obs. B. Beignier.
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(6)
G. Champenois et N. Couzigou-Suhas, Contrat de mariage, charges du mariage et acquisitions indivises, Defrénois 2015, art. 11994, p. 367.
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(7)
Dans certaines limites, toutefois, puisque la clause ne peut pas exonérer l’un des époux de sa contribution aux charges du mariage.
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(8)
Cass. 1re civ., 10 juin 2015, no 14-19.829. V. aussi Cass. 1re civ., 6 nov. 1984, no 83-15.231, Defrénois 1985, art. 33560, obs. G. Champenois ; Cass. 1re civ., 6 juin 1990, no 88-10.532, JCP G 1991, II, 21652, 1re esp., note J.-F. Pillebout, Defrénois 1991, art. 35082, no 59, obs. G. Champenois, RTD civ. 1991, p. 591, obs. F. Lucet et B. Vareille.
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(9)
Cass. 1re civ., 4 mars 2015, no 14-10.660, AJ famille 2015, p. 233, obs. P. Hilt, RTD civ. 2015, p. 680, obs. B. Vareille, Gaz. Pal. 2015, p. 26, note G. Dumont.
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(10)
J. Lafond, J.-Cl. Notarial Formulaire, Vo Séparation de biens, Liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, Fasc. 30, no 18.
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(11)
G. Dumont, note précitée sous Cass. 1re civ., 4 mars 2015, no 14-10.660..
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(12)
Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567, JCP G 2015, no 24, 690, note F. Sauvage, Dr. famille 2015, comm. 101, obs. M. Nicod, RTD civ. 2015, p. 674, obs. M. Grimaldi.
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(13)
M. Grimaldi, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.
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(14)
C. Brenner, Rép. civ. Dalloz, Vo Partage (droit commun), no 279.
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(15)
En ce sens, v. M. Nicod, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.
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(16)
M. Grimaldi, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.
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(19)
Cass. 1re civ., 11 févr. 2015, no 13-27.586, Dr. famille 2015, comm. 75, obs. M. Nicod.
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(20)
À propos desquelles un auteur juge que la Cour de cassation aurait été mieux avisée de se fonder sur la révocation expresse des dispositions testamentaires (encore que la volonté révocatoire était en l’espèce particulièrement incontestable), v. M. Nicod, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 11 févr. 2015, no 13-27.586.
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(21)
M. Grimaldi, obs. sous Cass. 1re civ., 10 juin 2015, nos 14-18.856 et 14-20.146, RTD civ. 2015, p. 668.
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(22)
Cass. 1re civ., 10 juin 2015, nos 14-18.856 et 14-20.146, RTD civ. 2015, p. 584, obs. J. Hauser, RTD civ. 2015, p. 668, obs. M. Grimaldi.
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(24)
Cass. 1re civ., 26 juin 2013, no 11-25.976, D. 2013, p. 2073, obs. Ph. Bonfils et A. Gouttenoire, RTD civ. 2013, p. 575, obs. J. Hauser, Defrénois 2013, 113v7, p. 972, obs. J. Massip, RJPF 2013-10/10, p. 16, obs. I. Corpart, Dr. & patr. 2014, no 242, p. 88, obs. H. Fulchiron.
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(25)
Sur cette question, v. Ph. Delmas Saint-Hilaire, À propos de la clause d’exclusion de l’administration légale, Mélanges en l’honneur du Professeur Raymond Le Guidec, Lexisnexis, 2014, p. 333.
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(26)
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, JO 16 oct..
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(28)
Cass. 1re civ., 28 janv. 2015, no 14-20.587, Dr. famille 2015, comm. 76, obs. M. Nicod, AJ famille 2015, p. 178, obs. N. Levillain.
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(29)
TGI Paris, 2e ch., 12 mai 2015, no 14/00945, JCP N 2015, act. 747, obs. Ch. Blanchard. Pour une analyse analogue s’agissant de l’ancien droit de retour, v. M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. IV, no 177, p. 274.
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(30)
En ce sens, v. Rép. min. no 85443, Poignant, JOAN Q. 11 juill. 2006, p. 7371, erratum publié in JOAN Q. 13 févr. 2007, p. 1636.
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(31)
À propos du droit de retour des père et mère, v. infra Cass. 1re civ., 28 janv. 2015, no 14-20.587.
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(32)
Règl. no 650/2012/UE, 4 juill. 2012, JOUE 27 juill., no L 201.
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(33)
Sur lesquelles v. S. Ducamp-Monod, De quelques difficultés prévisibles liées à l’application du règlement européen des successions, Dr. famille 2015, étude 10.
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(35)
C. Nourissat et M. Revillard, Le notaire français et le règlement « successions », Defrénois 2015, p. 985, spécialement no 37 ; M. Revillard, Successions internationales : le règlement du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 en matière de successions, Defrénois 2012, art. 40564 ; P. Lagarde, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, Rev. crit. DIP 2012, p. 691, no 19 ; E. Fongaro, L’anticipation successorale à l’épreuve du « règlement successions », JDI 2014, p. 477 et s., spécialement p. 525.
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(36)
V. aussi M. Grimaldi, Brèves réflexions sur l’ordre public et la réserve héréditaire, Defrénois 2012, p. 755, no 8 ; S. Godechot-Patris, Successions internationales en France, Travaux de l’Association Henri Capitant, t. LX, 2010, p. 673 et s., spécialement p. 688 ; S. Ducamp-Monod, De quelques difficultés prévisibles liées à l’application du règlement européen des successions, Dr. famille 2015, étude 10, no 14.
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(37)
M. Grimaldi, Brèves réflexions sur l’ordre public et la réserve héréditaire, précité, no 8.
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(38)
E. Fongaro, L’anticipation successorale à l’épreuve du « règlement successions », précité, p. 526.
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(39)
Règl. no 650/2012/UE, 4 juill. 2012, consid. 38. Il faut aussi rapprocher le considérant 50 : « La loi qui, en vertu du présent règlement, régira la recevabilité et la validité au fond d’une disposition à cause de mort ainsi que, en ce qui concerne les pactes successoraux, les effets contraignants d’un tel pacte entre les parties, devrait être sans préjudice des droits de toute personne qui, en vertu de la loi applicable à la succession, peut prétendre à une réserve héréditaire ou jouit d’un autre droit dont elle ne peut être privée par la personne dont la succession est concernée ».
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(40)
En revanche, ne devrait pas être écartée une loi qui connaîtrait la réserve héréditaire mais dont les modalités de protection seraient différentes de celles du droit français.
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(41)
Certains proposent de maintenir le principe de l’appartenance de la réserve à l’ordre public du for, mais en le cantonnant au principe de proximité. Dans ce cas, l’ordre public ne va s’opposer à la situation créée à l’étranger que si des liens de proximité existent entre la situation et la France, ce qui conduit à identifier des situations où l’ordre public français – dont la réserve héréditaire – est plus gravement menacé et où la loi applicable qui méconnaîtrait cet ordre public aurait le plus de risques d’être évincée, v. B. Savouré, Réflexions pratiques sur la loi successorale unique et la réserve héréditaire de droit français, JCP N 2015, no 22, 1178 ; S. Godechot-Patris, Successions internationales en France, précité ; A. Bonomi et P. Wautelet, Le droit européen des successions, Commentaire du règlement no 650/2012 du 4 juillet 2012, Bruylant, Bruxelles, 2013, p. 546.
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(42)
Cass. 1re civ., 18 déc. 1956, JCP G 1957, II, 9718, note C. Jacquillard ; M. Grimaldi et Ch. Vernières, Les modifications du droit des successions par la loi du 16 février 2015, Defrénois 2015, 118/9, p. 250.
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(44)
F. Sauvage, Un nouveau mode simplifié de preuve de la qualité d’héritier, RJPF 2015-3/39, p. 43.
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(45)
V. Lasserre-Kiesow, La technique législative, Étude sur les Codes civils français et allemands, préf. M. Pédamon, LGDJ, 2002, p. 221 et s., 307 et s., 318 et s.
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(48)
V. Dossier Quasi-usufruit : aspects théoriques et pratiques, Actes prat. strat. patrim. 2015, no 3.
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(49)
Cass. 1re civ., 27 mai 2015, no 14-16.246, JCP N 2015, 1177, note Ch. Blanchard, JCP G 2015, 767, note A. Tadros, JCP E 2015, 1354, note H. Hovasse, Dr. sociétés 2015, no 144, note R. Mortier ; F. Fruleux et C. Orlhac, Distribution de réserves et démembrement de propriété : clarification civile et apports fiscaux, JCP N 2015, no 38, 1167 ; Gaz. Pal. 2015, no 207 à 209, p. 7, note B. Dondero ; R. Gentilhomme, Démembrement de droits sociaux, distribution de réserves et quasi-usufruit, Defrénois 2015, p. 744 ; LPA2015, no 138, p. 9, note P.-L. Niel ; AJ famille 2015, p. 416, obs. Ch. Vernières ; D. 2015, p. 1752, note A. Rabreau.
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(51)
Sur cette question et considérant que les dividendes sont toujours des fruits, v. F. Zénati, Rép. sociétés Dalloz, Vo Usufruit des droits sociaux, no 361 ; S. Piedelièvre, Rép. civ. Dalloz, Vo Fruits, no 27 ; R. Mortier et Y. Kerambrun, Pourquoi les réserves distribuées sont à l’usufruitier et à lui seul !, JCP N 2009, no 37, 1264. D’autres considèrent, au contraire, que les dividendes sur bénéfices sont des fruits tandis que les dividendes distribuant des réserves sont des produits, v. R. Gentilhomme, Démembrement de droits sociaux, affectation en réserves des résultats et donation indirecte, JCP N 2008, no 23, 1218 ; J.-P. Garçon, obs. sous Cass. com., 10 févr. 2009, no 07-21.806, JCP N 2009, no 20, 1171.
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(52)
Renouant ainsi avec une solution ancienne de la Cour de cassation, Cass. req., 4 mars 1877, S. 1878, 1, p. 5, note J.-E. Labbé.
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(53)
Sur les potentialités de la volonté contraire, v. R. Gentilhomme, Démembrement de droits sociaux, distribution de réserves et quasi-usufruit, préc. L’auteur ajoute d’ailleurs la possibilité d’attribuer la totalité des dividendes prélevés sur les réserves au seul nu-propriétaire sous réserve d’une disposition statutaire expresse, à peine sinon de requalification en donation indirecte.
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(54)
Mais elle le sera en pratique à titre de preuve ou pour stipuler des garanties de paiement ou des clauses d’indexation, v. sur ce dernier point, C. Orlhac, La protection du nu-propriétaire dans un régime de quasi-usufruit, Actes prat. strat. patrim. 2015, no 3, étude 19.
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(57)
Rapp. Sénat no 343, 2005-2006, par H. de Richemont, déposé le 10 mai 2006, p. 217.
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(58)
F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil, Les successions, Les libéralités, Dalloz, 4e éd., no 235 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Les successions, Les libéralités, par Ph. Malaurie et C. Brenner, Defrénois, 6e éd., no 122 ; A.-M. Leroyer, Droit des successions, Dalloz, coll. « Cours », 2009, no 179 ; M.-C. Forgeard, R. Crône et B. Gelot, Le nouveau droit des successions et des libéralités, Litec, 2006, no 329 ; C. Rieubernet, La fin de la réserve des ascendants, LPA 2006, no 205, p. 4 à 7, spéc. p. 7 ; N. Levillain, Les nouveaux droits successoraux des ascendants, Droit de retour légal de l’article 738-2 du Code civil, JCP N 2007, no 12, 1135, no 13 ; G. Paris, La détermination du montant du retour légal de l’article 738-2 du Code civil : quart du bien ou quart de la succession ?, Defrénois 2015, p. 12.
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(59)
Cass. 1re civ., 8 juill. 2015, no 14-18.850, JCP N 2015, no 43, 1128, note F. Sauvage, AJ famille 2015, p. 503, note S. Ferré-André.
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(60)
À l’instar de ce qui existe pour le droit de retour des père et mère pour lequel le législateur prévoit expressément qu’il s’exerce dans tous les cas et que si le bien donné ne se retrouve pas en nature dans la succession (par exemple en cas de legs particulier du legs donné ou de legs universel), il s’exerce en valeur, v. C. civ., art. 738-2.
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(61)
C. propr. intell., art. L. 123-6 : « Pendant la période prévue à l’article L. 123-1, le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du Code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé. Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par l’article 913 du Code civil. Ce droit s’éteint au cas où le conjoint contracte un nouveau mariage ».
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(62)
F. Sauvage, note précitée sous Cass. 1re civ., 8 juill. 2015, no 14-18.850.
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