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DE JANVIER À NOVEMBRE 2015 : ENTRE ÉCLAIRCISSEMENTS ET INNOVATIONS

Par DROIT&PATRIMOINE


La période est marquée par un double mouvement. D’abord, le patrimoine familial a été l’objet des attentions du législateur qui a créé des nouveaux outils pour la transmission libérale ou successorale à l’exemple du règlement « Successions » qui déploie les possibilités d’anticipation patrimoniale. Ensuite, la jurisprudence s’est révélée particulièrement riche, en se prononçant pour la première fois sur des clauses ou des mécanismes biens connus (droit de retour, communauté universelle, quasi-usufruit sur réserves), éclaircissant leur régime et contribuant à une meilleure sécurisation de la stratégie.




I –

LES RÉGIMES MATRIMONIAUX


A –

CONFIRMATIONS SUR LA CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MARIAGE

Le contentieux de la contribution aux charges du mariage abonde et donne lieu à des arrêts fréquents et réguliers de la part de la Cour de cassation. De proche en proche, se dessinent les lignes de force de la matière.

Lorsque les époux sont séparés de biens, leur convention matrimoniale détermine le sort de la contribution aux charges du mariage(1). Le plus souvent, la clause stipule que chaque époux est réputé s’être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage permettant – en principe – de vider le contentieux et d’éviter l’établissement – fastidieux, voire impossible – de la contribution quotidienne au jour de la dissolution du régime. Mais cette clause n’est pas parvenue à assécher le contentieux. Elle l’a même avivé, notamment en cas de divorce, lorsque l’un des époux a financé majoritairement, voire exclusivement, le domicile conjugal. Toute la question est alors de savoir si le remboursement des échéances de l’emprunt ayant financé le domicile conjugal est une charge du mariage et, dans l’affirmative, si l’époux est créancier de son conjoint pour ce qu’il a financé au-delà de sa part.

S’agissant de ces deux questions, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 1er avril 2015(2) confirme la tendance ( 001).





EXTRAITS


« Mais attendu que, d’une part, après avoir relevé que les époux étaient convenus, par une clause de leur contrat de mariage, que chacun d’entre eux serait réputé s’être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage, et en avoir déterminé la portée, la cour d’appel, procédant à la recherche prétendument omise, a souverainement estimé qu’il ressortait de la volonté des époux que cette présomption interdisait de prouver que l’un ou l’autre des conjoints ne s’était pas acquitté de son obligation ; que, d’autre part, après avoir constaté que l’immeuble indivis constituait le domicile conjugal et retenu que les règlements relatifs à cette acquisition, opérés par le mari, participaient de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage, elle en a justement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que M. X… ne pouvait bénéficier d’une créance au titre du financement de l’acquisition de ce bien ; que le moyen n’est pas fondé »


En premier lieu, la Cour de cassation confirme que les dépenses relatives à l’acquisition du domicile conjugal constituent des charges du mariage(3). Il en va d’ailleurs de même pour les dépenses d’acquisition de la résidence secondaire(4).

En second lieu, la Cour de cassation confirme la force attachée à la stipulation contractuelle relative à l’acquittement au jour le jour de la part contributive aux charges du mariage(5). Se fondant sur l’appréciation des juges du fond selon lesquels les parties avaient souhaité par cette clause empêcher la preuve de l’absence de contribution de l’un des époux, la présomption est qualifiée d’irréfragable et ne supporte pas la preuve contraire. La conclusion du raisonnement est alors imparable : puisque le financement de l’acquisition du domicile conjugal est une charge du mariage et que chaque époux est irréfragablement présumé s’être acquitté de sa part contributive, alors chacun des deux a financé le domicile selon sa part contributive sans qu’il soit possible de prouver le contraire.

En empêchant toute discussion et tout contentieux sur la contribution aux charges du mariage, la Cour de cassation s’inscrit dans le prolongement de la volonté des parties telle qu’elle est interprétée par les juges du fond. Mais l’époux peut aussi légitimement s’émouvoir du caractère irréfragable de la présomption qui, par sa radicalité, peut conduire à des conséquences extrêmes. « Summum jus, summa injuria ». Il peut s’étonner d’une conception si extensive des charges du mariage. Il peut avec raison s’interroger sur la compatibilité de cette solution avec la séparation de biens où chacun reste strictement propriétaire de ce qu’il a acquis, à la mesure de son financement.

Outre la force de l’habitude des clauses de style, les époux peuvent vouloir ne pas tomber sous le coup de cette jurisprudence et éviter que l’un d’entre eux finance la totalité du domicile familial sans recours contre l’autre.

La solution de la Cour de cassation est fondée sur l’appréciation par les juges du fond de la volonté des parties. À ce jour, il est peu probable qu’une cour d’appel décide brusquement que la clause emporte une présomption simple. Ce n’est pas à dire pourtant que la question soit sans issue. Toute la construction jurisprudentielle repose sur la stipulation insérée dans la convention matrimoniale, de sorte que les parties ont les moyens d’évincer les excès de cette jurisprudence en intervenant sur la rédaction de la clause. Les praticiens doivent donc alerter les époux choisissant la séparation de biens sur la portée de cette clause. Ils peuvent ensuite proposer d’adapter la clause en précisant que la présomption est simple et qu’elle supporte la preuve contraire, que les dépenses relatives au financement et à l’amélioration de la résidence principale ne constituent pas des charges du mariage ou que les parties réservent la preuve d’une éventuelle contribution excessive s’agissant du domicile conjugal(6).

Si la solution de la Cour de cassation est excessive, elle a au moins le mérite de rappeler aux parties et à leur conseil qu’elles ont la main sur les clauses(7) et qu’il leur appartient d’en retrouver la maîtrise.



B –

RAPPEL DES RÈGLES DE CALCUL DES RÉCOMPENSES ET DES CRÉANCES ENTRE ÉPOUX

La liquidation d’un régime matrimonial emporte diverses opérations de rétablissement, qui ne cessent de mettre à la peine les juridictions du fond comme en témoignent la régularité et la fréquence des décisions de la Cour de cassation s’évertuant à rappeler les règles de calcul, mais sa parole semble avoir du mal à porter.

C’est le cas d’abord du calcul de récompense, lorsque la communauté finance les travaux d’amélioration sur un immeuble propre de l’époux. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation rappelle une fois encore(8) que la récompense correspond au profit subsistant, c’est-à-dire à l’avantage réellement procuré à l’époux propriétaire de l’immeuble, et non à la valeur de l’immeuble amélioré au jour de la liquidation ou de sa vente ( 002). Cet avantage consiste dans la plus-value apportée à l’immeuble par les travaux réalisés grâce aux deniers communs. À cet effet, il convient de déduire de la valeur du bien au jour de la vente ou de la liquidation la valeur que le bien aurait eue à la même date si les travaux n’avaient pas été réalisés. Le produit de cette opération constitue à la fois le profit subsistant et le montant de la récompense qui ne peut pas lui être inférieur.






EXTRAITS


« Pour déterminer l’avantage réellement procuré au patrimoine du mari, il convenait, d’abord, de chiffrer la plus-value procurée à l’immeuble par les travaux d’amélioration, en déduisant de la valeur de ce bien au jour de la vente, la valeur qu’il aurait eue à la même date sans les travaux réalisés et, ensuite, le financement de la communauté n’ayant été que partiel, de déterminer le profit subsistant d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté avaient contribué aux travaux d’amélioration, la cour d’appel a violé les textes susvisés »


Si le financement des travaux par la communauté n’a été que partiel, il faut en plus déterminer la proportion représentée par les deniers communs dans le financement des travaux pour appliquer ensuite cette proportion sur le profit subsistant.

Ensuite, la Cour de cassation se prononce sur le calcul d’une créance entre deux époux séparés de biens du chef d’un financement par le mari défunt des travaux réalisés sur un bien appartenant personnellement à sa veuve ( 003)(9). Dans cette affaire, les héritiers avaient fait figurer dans la déclaration de succession du défunt la créance contre le conjoint survivant pour un montant ne correspondant pas au profit subsistant.


EXTRAITS


« Vu les articles 724, 1469, alinéa 3, 1479, alinéa 2, et 1543 du Code civil ;

Attendu qu’il résulte du troisième de ces textes que ce n’est qu’à défaut de convention contraire que les créances personnelles que les époux séparés de biens ont à exercer l’un contre l’autre sont évaluées selon les règles du deuxième ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations relatives à l’accord intervenu entre les héritiers du mari et son épouse dérogeant au mode de calcul prévu à l’article 1469, alinéa 3, du Code civil, a violé, par refus d’application, l’article 1479 du même code »


S’agissant des créances entre époux séparés de biens, les règles de calcul procèdent de renvois en cascade. L’article 1543 du Code civil, applicable en matière de séparation de biens, renvoie aux dispositions de l’article 1479 du Code civil (applicables en matière de créances entre époux communs en biens) qui lui-même renvoie aux modes d’évaluation des récompenses (C. civ., art. 1469), et donc au profit subsistant s’agissant de dépenses d’amélioration.

Le litige portait sur la possibilité de ne pas tenir compte des règles fixées par la loi en matière de récompense pour le calcul des créances entre époux. La réponse positive ne faisait guère de doute, puisque l’article 1479 du Code civil vise explicitement la faculté d’y déroger (« sauf convention contraire des parties »). C’est le premier enseignement de l’arrêt.

Mais il était permis de s’interroger sur la forme et le moment de cette dérogation. En l’espèce, il ne s’agissait pas d’une convention dérogatoire proprement dite mais de la déclaration de succession établie au décès du créancier. De plus, la dérogation n’avait pas été le fruit de la volonté des deux époux mais de celle du conjoint survivant et des enfants du premier mariage de son époux.

Avec raison, la Cour de cassation n’y trouve rien à redire. On sait que le régime des créances entre époux diffère de celui des récompenses et se rapproche davantage de celui du droit des obligations que des régimes matrimoniaux. Dès lors, la dérogation peut incontestablement intervenir à tout moment avant ou après la dissolution du régime. De même, rien ne s’opposait à ce que la dérogation procède de la volonté des héritiers du défunt et du conjoint survivant.

En conclusion, on a pu s’interroger sur la requalification de la dérogation aux règles de calcul en donation indirecte avec le risque d’une taxation à 60 %(10). Le risque paraît limité, car il faudrait établir l’intention libérale du créancier consentant à la dérogation, sauf peut-être pour des dérogations sans aucun lien avec le profit subsistant et la dépense faite(11).



C –

CLAUSE D’INALIÉNABILITÉ ET ENTRÉE EN COMMUNAUTÉ UNIVERSELLE

Si la communauté universelle est souvent utilisée par des époux souhaitant protéger le survivant à moindre coût fiscal, elle suscite parfois des interrogations dans sa mise en œuvre et sa combinaison avec les libéralités précédemment reçues par l’un des époux. Le pouvoir d’attraction de la communauté universelle est puissant, puisqu’elle appelle à elle l’ensemble des biens des époux (meubles et immeubles, C. civ., art. 1526), réserve faite des biens propres par nature, des biens donnés aux époux avec clause d’exclusion de communauté et du jeu du droit de reprise à la dissolution du régime par décès. Elle doit aussi composer avec les stipulations des libéralités dont la clause d’inaliénabilité et le retour conventionnel.

Dans un arrêt du 18 mars 2015(12), la Cour de cassation devait connaître de la compatibilité de l’entrée en communauté universelle avec la clause d’inaliénabilité et le retour conventionnel stipulés dans la donation reçue par l’un des époux ( 004). Dans cette affaire, des époux avaient donné à leurs deux enfants la moitié en pleine propriété de l’immeuble dans lequel était exploitée une pharmacie. L’un des enfants céda ensuite à l’autre ses droits indivis. Puis les époux donnèrent l’autre moitié en nue-propriété en s’en réservant l’usufruit leur vie durant. L’un des donataires modifia par la suite son régime matrimonial pour adopter la communauté universelle. Le donataire et son épouse divorcèrent. Sa belle-mère contesta le droit aux loyers de sa belle-fille, considérant que la clause d’inaliénabilité empêchait que le bien donné figurât dans la communauté. Rejetant le pourvoi de la belle-mère, la Cour de cassation considère que ni la clause d’inaliénabilité ni la clause de retour conventionnel ne faisaient obstacle à la mise en communauté des biens donnés.


EXTRAITS

 004 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567

« Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel a exactement décidé, hors toute dénaturation, que les clauses de droit de retour et d’inaliénabilité affectant les droits de M. X… sur le local ne faisaient pas obstacle à l’entrée de ceux-ci dans la communauté universelle »


Cette solution, envisagée sous le seul angle de la clause d’inaliénabilité, appelle deux séries d’observations : l’une relative à l’analyse et l’autre à la portée pratique.

Au plan de l’analyse, l’époux donataire était au jour de la donation le propriétaire exclusif du bien. À la suite du changement de régime matrimonial, le bien figure dans la communauté sans qu’il y ait aliénation et donc sans violation de la clause d’inaliénabilité. La solution s’explique par l’absence de personnalité morale de la communauté, qui ne peut pas être considérée comme s’étant rendue acquéreur du bien à la différence de l’apport en société qui emporte quant à lui un effet translatif.

Pour autant, il semble difficile de nier que le donataire n’est plus le propriétaire exclusif du bien donné, puisque son épouse acquiert à son tour des droits sur le bien. Le sort de celui-ci dépendra de l’aléa des décès, qui pourra emporter attribution des biens au conjoint du donataire si c’est lui qui survit, ou de l’aléa du partage en cas de divorce. Dans ce dernier cas, le conjoint du donataire pourra être alloti du bien donné, certes avec maintien de la clause d’inaliénabilité, mais le résultat honni par les donateurs aura été finalement réalisé. C’est pourquoi on a pu considérer que la clause d’inaliénabilité ferait obstacle à l’allotissement du bien à une autre personne que le donateur(13). Mais comment un acte à l’effet déclaratif – le partage – peut-il violer la clause d’inaliénabilité, alors qu’il est dépourvu d’effet translatif ? En réalité, le partage ne fait que substituer des droits privatifs aux droits indivis.

C’est donc reconnaître que l’élément perturbateur n’est pas le partage, puisqu’il ne fait que « déclarer les droits de chacun par la détermination concrète de leur assiette respective »(14). Le partage n’est en effet que le prolongement naturel d’un processus initié par la mise en communauté, conduisant à la reconnaissance d’un droit sur le bien donné à une autre personne que le donataire. Ce n’est donc pas le partage qui fait difficulté mais les droits eux-mêmes. Certes, la communauté n’a pas la personnalité morale, certes le donataire ne perd pas ses droits sur le bien – ils figurent d’ailleurs toujours dans son patrimoine –, mais pour autant le conjoint du donataire se voit attribuer des droits qu’il n’avait pas auparavant et qui lui donnent vocation à être alloti du bien si le sort lui est favorable. Le fait générateur tient incontestablement à la mise en communauté. La violation de la clause d’inaliénabilité procède donc moins du partage – simple allotissement d’un bien sur le fondement de droits préexistants – que de l’attribution même de ces droits. On peut ainsi légitimement nourrir quelques doutes sur la compatibilité de la mise en communauté et de la clause d’inaliénabilité.

S’agissant de la portée pratique, la solution de la Cour de cassation permet qu’une autre personne que le donataire devienne propriétaire du bien donné, sans que pour autant la clause d’inaliénabilité soit méconnue. Pour pallier ce risque et rendre efficace le souhait des donateurs que le bien reste la propriété exclusive du donataire, au moins temporairement, le notaire se doit d’anticiper les évolutions patrimoniales du donataire et d’adapter en conséquence la donation en prévoyant d’abord une clause d’exclusion de communauté. Elle s’imposera au donataire et empêchera l’entrée du bien dans la communauté universelle, sauf renonciation des donateurs.

L’efficacité de la volonté des donateurs peut aussi être confortée par les stipulations du contrat de mariage du donataire lui-même en prévoyant en cas de divorce une clause de reprise des apports(15) (C. civ., art. 265, al. 3). Celle-ci renforce la clause d’exclusion de communauté insérée dans la donation – deux précautions valant mieux qu’une – et, surtout, pallie l’absence de clause d’exclusion de communauté.

On a pu proposer aussi une clause s’apparentant à celle précédemment évoquée mais qui serait stipulée dans la donation et non plus dans la convention matrimoniale(16). Elle échapperait ainsi au bon vouloir des époux pour ne dépendre que de la volonté des donateurs et des donataires. Il s’agirait de prévoir que le donataire pourra prélever avant tout partage le bien qui entrerait ou viendrait à entrer en communauté.

La solution de la Cour de cassation est claire et doit conduire les praticiens à se déterminer dès la donation pour garantir la volonté des donateurs de maintenir le bien transmis dans les seules mains du donataire.



D –

COMMUNAUTÉ UNIVERSELLE ET RETOUR CONVENTIONNEL

Par deux arrêts, la Cour de cassation apporte des précisions utiles sur l’articulation du retour conventionnel stipulé dans une donation et la communauté universelle adoptée par le donataire.

Dans un premier arrêt déjà évoqué(17), la Cour de cassation affirme à juste titre que le retour conventionnel ne fait pas obstacle à la mise en communauté du bien donné avec stipulation d’un retour conventionnel. Le retour conventionnel de l’article 951 du Code civil permet à un donateur de récupérer le bien donné, lorsque le donataire prédécède sans postérité, privant ainsi du bien donné les successeurs autres que les descendants du donataire. La stipulation emprunte le mécanisme de la condition résolutoire. Si l’événement survient – le prédécès du donataire sans descendance ou le prédécès de cette descendance avant le donateur –, la donation est résolue avec effet rétroactif.

Au plan technique, le retour conventionnel n’emporte aucune inaliénabilité de droit (c’est d’ailleurs pourquoi il est en pratique assorti d’une clause d’inaliénabilité qui est la seule à empêcher l’aliénation du bien et à garantir le bon exercice du retour conventionnel). Le bien donné peut être transmis, mais il le sera selon le statut défini par la donation, à savoir avec le retour conventionnel. Au plan pratique, le retour conventionnel peut confiner toutefois à une véritable inaliénabilité de fait, car peu de personnes accepteront d’acquérir un bien dont la propriété peut lui échapper à tout moment si la condition vient à se réaliser. Indépendamment de cette considération, le retour conventionnel n’empêche pas la mise en communauté du bien donné (dès lors qu’il n’est pas un bien propre par nature ni un bien donné avec clause d’exclusion de communauté) mais le bien y figure avec la clause de retour conventionnel.

Dans un arrêt du 23 septembre 2015(18), la Cour de cassation se prononce sur l’articulation du retour conventionnel avec la clause d’attribution intégrale de la communauté universelle ( 005). En l’espèce, une mère avait donné la nue-propriété d’un immeuble en stipulant une clause de retour conventionnel. Quelques années après la donation, le fils se marie sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant et décède sans postérité trois mois après son mariage. Le bien donné était occupé par les deux époux au moment du décès. La mère donatrice fait sommation à sa belle-fille de quitter les lieux, estimant qu’elle est redevenue propriétaire par le jeu du retour conventionnel, ce que confirme à juste titre la Cour de cassation. La question était de savoir qui du retour conventionnel ou de la cause d’attribution intégrale de la communauté universelle devait prévaloir.


EXTRAITS


« Mais attendu qu’ayant relevé que la donation avait été consentie sous la condition résolutoire du prédécès du donataire et que la condition s’était réalisée, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses propres constatations rendaient inopérante, n’a pu qu’en déduire que le bien réintégrait le patrimoine de la donatrice ; qu’abstraction faite de motifs erronés, mais surabondants, l’arrêt est légalement justifié »


Pour répondre à la question, il faut rappeler que le bien donné avec retour conventionnel figure dans la communauté universelle sous cette condition. La mise en communauté ne fait pas échec aux stipulations de la donation mais doit composer avec elles. Si le donataire prédécède sans postérité, la condition est réalisée, emportant la résolution de plein droit de la donation et des aliénations et droits constitués sur le bien donné (C. civ., art. 952) et le retour du bien donné dans le patrimoine de la donatrice. La libéralité est réputée n’avoir jamais eu lieu, de sorte que le bien n’a jamais fait partie de la communauté du donataire, pendant que la donatrice en a toujours été propriétaire. Aussi la clause d’attribution intégrale de la communauté est-elle sans effet sur le bien donné, puisque précisément il n’a jamais été donné, le conjoint du donataire ne pouvant ainsi faire valoir aucun droit sur le bien donné, pas même le droit viager au logement. Mais il peut en revanche obtenir le remboursement des impenses nécessaires.

La solution peut paraître sévère pour le conjoint qui pouvait escompter continuer à habiter les lieux s’agissant d’un bien commun mais elle est néanmoins parfaitement justifiée. Il faut simplement garder à l’esprit que la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale apparaît comme une convention matrimoniale moins mécanique que l’idée que l’on peut s’en faire, invitant à une vigilance accrue sur les biens entrant dans la communauté universelle et sur les conditions de leur entrée.




II –

LES LIBÉRALITÉS


A –

CLAUSE D’EXCLUSION DE L’ADMINISTRATEUR LÉGAL

L’administration légale a été particulièrement mise à l’honneur cette année tant par la Cour de cassation que par le législateur. La première est intervenue pour déterminer le régime de l’exclusion de l’administration légale, tandis que le second en a porté la réforme.

Dans une première affaire, le de cujus avait institué, par plusieurs testaments successifs, ses deux enfants mineurs légataires universels. Il avait aussi précisé qu’il ne voulait pas que son ex-épouse ait l’administration et la jouissance légales des biens légués à ses enfants. Il avait désigné à cet effet sa sœur comme administrateur. Quelques jours plus tard, il rédigea un autre testament par lequel il révoquait les dispositions précédentes et indiqua léguer à sa sœur le tiers de sa succession. Puis, deux jours plus tard, il rédigea un document où il renouvelait sa volonté de priver son ex-épouse de l’administration du patrimoine revenant à ses enfants, préférant la confier à sa sœur.

L’éviction de l’administration et de la jouissance légales de l’un des parents ne suscite en soi aucune difficulté particulière, puisqu’elle est explicitement prévue par l’article 389-3, alinéa 3, du Code civil. Le texte admet que ne sont pas soumis à l’administration légale les biens donnés ou légués sous condition de leur administration par un tiers. Mais encore faut-il que cette condition assortisse une donation ou un legs, car elle ne saurait porter sur des biens reçus par dévolution légale. Or rien de tel en l’espèce, puisque le testament instituant les deux enfants légataires universels a été expressément révoqué sans qu’aucune disposition ultérieure n’emporte une transmission volontaire. Dès lors, l’exclusion de l’administration légale était-elle efficace ?

La Cour de cassation répond positivement ( 006), en considérant que la privation de l’administration légale emportait l’augmentation des droits des enfants sur leur émolument dans la succession. La clause de privation visait en effet le « patrimoine qui reviendra à mes enfants » et caractérisait ainsi un legs rendant efficace l’exclusion de l’administration légale(19). Certes, la justification est quelque peu empruntée et s’explique sans doute moins par la satisfaction rigoureuse des conditions de l’article 389-3 du Code civil(20) que par la volonté de donner plein effet à la volonté ferme d’exclure l’administration légale. Mais la solution a le mérite de rappeler que si l’éviction de l’administration légale est possible et doit être avantageusement utilisée dans un contexte de divorce ou de séparation pour éviter que les biens des enfants mineurs ne soient gérés par une ex-épouse, c’est en respectant ses conditions et notamment l’existence d’une libéralité assortie de la désignation d’un tiers administrateur, sauf à admettre – ce que certains souhaitent(21) – la possibilité d’exclure l’administration légale sur les biens reçus comme héritier ab intestat.






EXTRAITS

 006 1re civ., 11 févr. 2015, no 13-27.586

« Qu’en statuant ainsi, alors que la clause d’exclusion de l’administration légale qui emportait privation de la jouissance légale de la mère avait nécessairement pour effet d’augmenter les droits des mineurs sur leur émolument dans la succession de leur père, de sorte qu’une telle clause stipulée par le testateur pour “mon patrimoine qui reviendra à mes enfants”, caractérisait un legs, la cour d’appel a dénaturé cet acte en violation des textes susvisés »


C’est encore l’exclusion de l’administration légale qui était en cause dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 juin 2015(22). En l’espèce, une personne avait institué son épouse légataire universelle et lui avait légué à titre particulier certains biens, précisant ensuite que le reste des biens serait recueilli par ses enfants. S’agissant de l’émolument des enfants, le testateur indiqua qu’il excluait l’administration et la jouissance légales de son épouse et désigna l’un de ses amis comme administrateur.

La validité du mandat donné à l’ami fut contestée par la mère des enfants. La cour d’appel lui donna gain de cause, estimant que l’article 389-3, alinéa 3, du Code civil permet de prendre des dispositions successorales particulières au regard de la vulnérabilité de l’héritier ou de la nature spécifique du patrimoine, mais ne saurait constituer une mesure de défiance à l’égard de l’autre parent administrateur légal.

L’arrêt est à juste titre cassé pour violation de la loi, la cour d’appel ayant ajouté une condition au texte ( 007). Celui-ci n’impose pas que le mandat donné à un tiers d’administrer les biens soit justifié par un intérêt sérieux et légitime, alors qu’il le fait dans d’autres dispositions comme pour la clause d’inaliénabilité(23). Là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer. Ainsi, les mobiles présidant au mandat d’administrer les biens donnés ou légués aux enfants sont indifférents et ne sauraient rejaillir sur sa validité. La disposition excluant l’administration légale est valable quand bien même elle serait prioritairement justifiée par la volonté d’exclure l’administrateur légal et non par la structure spécifique du patrimoine du de cujus. La solution n’est pas nouvelle(24), mais elle est pour la première fois affirmée aussi nettement et offre un instrument utile aux époux divorcés qui souhaitent exclure leur ex-conjoint de la gestion des biens donnés ou légués aux enfants. Cette clause est encore riche de questions inexplorées par la jurisprudence comme celle de savoir si le donateur – père ou mère de l’enfant – peut s’auto-désigner seul administrateur du bien donné(25). Il retrouve alors l’administration du bien mais à un autre titre et avec la possibilité d’un accroissement des pouvoirs.


EXTRAITS


« Vu l’article 389-3, alinéa 3, du Code civil ;


Attendu qu’il résulte de ce texte que le disposant peut soustraire à l’administration légale des père et mère les biens qu’il donne ou lègue à un mineur ; (…) L’arrêt retient encore que le texte précité a pour but de permettre à un parent, de son vivant, de prendre des dispositions successorales au regard de la particulière vulnérabilité de son héritier ou de la nature spécifique de son patrimoine et n’a pas pour principal objectif d’écarter l’autre parent titulaire de l’administration légale sous contrôle judiciaire et exerçant l’autorité parentale, ce qui serait contraire à l’intérêt de l’enfant ; qu’il ajoute qu’il ne doit pas aboutir à contourner les dispositions légales en dessaisissant l’administrateur légal sous contrôle judiciaire de ses prérogatives et à priver le mineur de son droit à une réserve libre de charges ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté des conditions à la loi, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé, qu’elle a violé »

Ce n’est pas seulement l’exclusion de l’administration légale qui a retenu l’attention du législateur dans l’ordonnance no 2015-1288 du 15 octobre 2015 (JO 16 oct.) portant simplification et modernisation du droit de la famille mais l’administration légale tout entière. Elle y apporte des modifications importantes que tout praticien doit avoir à l’esprit pour optimiser la transmission patrimoniale en présence d’enfants mineurs. S’inscrivant dans le prolongement de la loi no 2015-177 du 16 février 2015(JO 17 févr.) relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, l’ordonnance réforme en profondeur l’administration légale et en modifie la structure en vue d’assurer « aux familles monoparentales une égalité de traitement et une meilleure considération (sic) »(26).

Les familles monoparentales étaient systématiquement soumises au contrôle judiciaire à la différence des familles avec deux parents. C’est cette inégalité que le législateur a voulu effacer en supprimant la distinction entre l’administration légale pure et simple et l’administration judiciaire. Il existe désormais un seul régime unifié d’administration légale, celle-ci étant exercée par les deux parents titulaires de l’autorité parentale ou, dans les autres cas, par le parent exerçant l’autorité parentale. L’autorisation du juge des tutelles est quant à elle réservée aux actes les plus graves dont la liste est d’ailleurs élargie. Outre un certain nombre de dispositions qui n’entrent pas dans le champ de cette chronique, il faut retenir qu’est maintenue dans un nouvel article 384 du Code civil la possibilité de donner ou de léguer un bien à un mineur sous la condition expresse que ces biens ne soient pas soumis à l’administration légale mais administrés par un tiers. Toutefois, l’ordonnance y apporte une restriction, puisqu’elle offre au juge la faculté de désigner un administrateur ad hoc si l’administrateur désigné refuse sa mission ou se trouve dans l’un des cas d’incapacité ou d’inaptitude des articles 395 et 396 du Code civil.

On ajoutera que l’ordonnance entrera en vigueur le 1er janvier 2016 et qu’elle sera applicable à toutes les administrations légales en cours à cette date.



B –

RETOUR DES COLLATÉRAUX PRIVILÉGIÉS ET LEGS UNIVERSEL

Tout en augmentant les droits du conjoint du survivant, la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001 (JO 4 janv.) a contrebalancé cet accroissement en prévoyant un mécanisme spécifique de conservation des biens dans la famille, lorsque le défunt laisse à sa survivance des frères et sœurs ou leurs descendants et un conjoint survivant. Les premiers disposent alors « d’un droit de retour » sur la moitié du bien reçu par le défunt en vertu de la succession ou d’une donation de ses ascendants(27).

Dans l’affaire que la Cour de cassation avait à connaître(28), le défunt était simplement pacsé et avait institué son partenaire légataire universel. Les frères et sœurs du défunt arguaient du retour des collatéraux privilégiés pour tenter de récupérer la moitié des biens de famille.

L’invocation du droit de retour était vouée à l’échec. Ce retour est conçu, ainsi que l’indique la lettre del’article 757-3 du Code civil, comme une dérogation à l’article 757-2, à savoir les droits successoraux du conjoint en l’absence d’enfants ou de descendants. Nul doute que le retour était exclu en présence d’un partenaire pacsé même institué légataire universel.

Mais les frères et sœurs du défunt se sont placés sur un autre plan en invoquant une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement d’une atteinte au principe d’égalité en raison d’une restriction du droit de retour à l’hypothèse où le défunt est marié et donc d’une limitation des droits successoraux du conjoint par rapport à ceux que le partenaire peut avoir en vertu d’un legs universel. Le conjoint survivant aurait ainsi une vocation plus réduite en présence de collatéraux privilégiés que le partenaire pacsé dans la même situation et les collatéraux seraient quant à eux moins protégés dans ce dernier cas qu’ils ne le sont face à un conjoint successible.

Sans surprise, la Cour de cassation refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, parce que, d’une part, la question n’est pas nouvelle et que, d’autre part, la situation des collatéraux est différente en présence d’un partenaire pacsé institué légataire universel et d’un conjoint qui n’aurait pas été gratifié d’un legs universel ( 008).


EXTRAITS


« Et attendu, en second lieu, que la question ne présente pas de caractère sérieux, en ce que les collatéraux privilégiés en présence d’un partenaire survivant qui a été gratifié d’un legs universel ne se trouvent pas dans une situation identique, de nature à justifier une égalité de traitement, à celle des collatéraux privilégiés en présence d’un conjoint survivant qui n’a pas été gratifié d’un legs universel, lequel ferait échec à leur droit de retour prévu à l’article 757-3 du Code civil ;


D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel »

D’ailleurs, les collatéraux auraient été identiquement privés de leur droit de retour en présence d’un conjoint institué légataire universel. En effet, en retranchant les biens de famille de la succession ordinaire, cette libéralité empêche de les retrouver en nature, faisant ainsi obstacle au jeu du droit de retour(29), sans qu’il puisse prévaloir sur la libéralité, puisqu’il n’est pas d’ordre public(30) (mais il est vrai que le retour aurait alors opéré en valeur).

Le de cujus dispose ainsi de moyens lui permettant de faire obstacle au retour des collatéraux privilégiés et d’anticiper la dévolution du bien de famille, soit qu’ils relèvent des libéralités avec la donation entre époux de l’universalité de la succession, le legs universel ou le legs particulier du bien de famille, soit qu’ils relèvent de la convention matrimoniale avec la clause d’attribution intégrale assortissant la communauté universelle. De tels moyens peuvent être avantageusement employés pour qui voudrait préserver sa stratégie de transmission patrimoniale des perturbations dues au droit de retour des collatéraux privilégiés(31), du moins de son exercice en nature.




III –

LES SUCCESSIONS


A –

LOI APPLICABLE AUX SUCCESSIONS INTERNATIONALES

C’est désormais le droit des successions qui doit connaître de l’œuvre européenne d’harmonisation des droits et d’éviction des conflits de lois. Le 17 août 2015 est entré en application le règlement « Successions » du 4 juillet 2012(32) instaurant un système commun aux États membres (à l’exception de l’Irlande, du Royaume-Uni et du Danemark) pour déterminer la loi applicable aux successions présentant un élément d’extranéité. Ce texte vient bouleverser les dispositions applicables aux successions internationales.

Qualifié de « scissionniste », le droit français admettait qu’une même succession internationale soit régie par plusieurs lois : la loi de l’État du lieu de situation des immeubles pour la succession immobilière et la loi de la dernière résidence habituelle du défunt pour la succession mobilière. Cette conception avait pour inconvénient de conduire à un morcellement des successions. Ce système a désormais vécu, puisque le règlement européen de 2012 a fait le choix de l’unité soumettant la succession internationale à l’application d’une seule loi.

Pour toutes les successions ouvertes à compter du 17 août 2015 est applicable la loi de l’État où le défunt a sa résidence habituelle au moment de son décès, quand bien même il ne s’agirait pas de la loi d’un État membre. Dans ce dernier cas, il faudra s’en remettre aux dispositions de la loi de l’État non membre de l’Union européenne pour vérifier d’abord l’existence d’un renvoi et, si ce n’est pas le cas, pour en appliquer les dispositions en vue du règlement de la succession.

Cependant, deux exceptions ont été apportées au rattachement de la succession à la loi de la résidence habituelle du défunt. La première est l’existence au moment du décès d’un lien manifestement plus étroit avec un autre État que celui de la résidence habituelle. La seconde exception tient à la possibilité pour le défunt de choisir préalablement sa loi nationale pour régir sa succession.

Le règlement européen accroît ainsi le champ de l’anticipation successorale en permettant de déterminer par avance la loi applicable à la succession, quand bien même le choix serait limité à la seule loi de l’État dont le de cujus a la nationalité au jour du choix ou au jour du décès. C’est un instrument précieux qui est ainsi donné à l’heure où les législations en matière successorale divergent d’un pays à l’autre selon son héritage culturel, historique ou religieux, à l’exemple de la réserve héréditaire ou des droits successoraux du conjoint. Dans un contexte d’internationalisation, laprofessio juris est un facteur de sécurisation de la transmission successorale. Elle évite d’être pris au dépourvu par des changements de résidence fréquents, qui peuvent confiner le de cujus dans l’incertitude de la loi réglant sa succession.

Le règlement européen se trouve ainsi paré des vertus de la simplicité par l’application d’une loi unique à une même succession et de la sécurité par la possibilité d’une professio juris. Il faut pourtant ne pas se laisser abuser par cette apparence trompeuse, car des difficultés subsistent ponctuellement pour le praticien(33).

Ainsi, selon le règlement, « l’application de la loi d’un État désignée par le règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for »(34). Que recouvre cet ordre public international qui conduit à l’éviction de la loi désignée ? Si on peut raisonnablement admettre que l’absence de discriminations fondées sur la race, le sexe ou la religion fait partie de l’ordre public, la question demeure de savoir s’il en est de même pour la réserve héréditaire française.

Une juridiction dont la loi connaît de la réserve peut-elle au nom de l’ordre public évincer la loi appelée à régir la succession et qui méconnaîtrait cette institution ?

Si certains auteurs semblent ne pas douter que la réserve héréditaire ne relève pas de l’ordre public(35), nous sommes pour notre part fortement enclin à considérer le contraire(36) et, dans tous les cas, à conseiller au praticien la plus grande prudence. Ainsi que d’autres l’ont dit, la réserve participerait du fondement même de notre société, en ce qu’elle est garante de la solidarité familiale, d’un minimum d’égalité entre les héritiers et protectrice des libertés individuelles(37). L’effet induit de la réserve héréditaire est en effet de faire échapper la part successorale des enfants aux caprices du défunt et de la protéger contre un de cujus qui ferait acception de race, de religion, de sexe ou d’autres motifs, constituant pour le coup des dispositions attentatoires à l’ordre public international.

D’aucuns arguent aussi qu’admettre la réserve héréditaire dans l’ordre public international serait contraire à l’esprit du règlement en ce qu’elle viendrait contrarier la possibilité de choix de la loi applicable et réintroduirait le morcellement des successions(38). S’il est vrai qu’un considérant précise que le règlement doit permettre aux citoyens d’organiser à l’avance leur succession en choisissant la loi applicable, il faut prêter attention à la suite de ce même considérant, puisqu’il y est affirmé que le choix de la loi par les citoyens est limité « à la loi d’un État dont ils possèdent la nationalité afin (…)d’éviter que le choix d’une loi ne soit effectué avec l’intention de frustrer les attentes légitimes des héritiers réservataires »(39). À n’en pas douter, la réserve héréditaire fait figure d’attente légitime des héritiers réservataires, puisque, s’ils peuvent l’espérer, c’est précisément parce qu’ils ne peuvent pas en être privés. L’Union européenne considère ainsi que la réserve héréditaire vient limiter le choix de la loi applicable. C’est dire qu’aux yeux du règlement lui-même, la réserve fait l’objet d’un statut particulier venant limiter les possibilités de choix. Partant, il n’y a rien d’incohérent à considérer la réserve héréditaire comme une limite à la loi désignée par le règlement, en tant qu’elle compose l’ordre public. Il n’existerait donc aucune incompatibilité entre le règlement et l’éviction de la loi ignorant la réserve héréditaire.

Aussi le praticien devrait-il au mieux partir du principe que la réserve héréditaire relève de l’ordre public et qu’une loi méconnaissant cette institution devrait être écartée(40) et au pire s’en remettre à un ordre public de proximité mais qui est singulièrement difficile à mettre en œuvre(41).



B –

SIMPLIFICATION DU DROIT DES SUCCESSIONS

Alors que continue la litanie des textes de simplification du droit, c’est au tour du droit des successions d’en être l’objet. La loi no 2015-177 du 16 février 2015 (JO 17 févr.) relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures vient modifier le droit des successions en plusieurs points importants.

Cette loi aménage en premier lieu les formalités du testament authentique afin de le rendre accessible aux non-francophones et aux personnes sourdes et muettes.

Pour les premiers, la Cour de cassation se refusait à admettre l’intervention d’un interprète, car rien ne doit venir s’interposer entre la dictée du testateur et la transcription par le notaire(42). Ce refus est désormais du passé, puisque la loi no 2015-177 du 16 février 2015 modifie l’article 972 du Code civil, qui dispose désormais que la dictée et la lecture peuvent être accomplies par un interprète si le testateur ne peut pas s’exprimer en langue française. C’est une simple faculté et non une obligation. Tout sera fonction des circonstances, selon que le ou les notaires ou les témoins ne comprennent pas la langue du testateur.

Par ailleurs, il peut être recouru au testament authentique lorsque la personne est muette. À cet effet, le notaire écrira lui-même le testament ou le fera écrire à la main ou mécaniquement en fonction des notes rédigées devant lui par le testateur. Le notaire lui en donnera ensuite lecture.

Lorsque le testateur est sourd, le notaire doit faire lecture du texte et doit ensuite faire lire le testament au testateur pour qu’il en prenne connaissance.

Lorsque le testateur est sourd et muet, la dictée et la lecture du testament sont effectuées selon les dispositions applicables au testateur qui ne peut pas s’exprimer en langue française(43). Il faut alors recourir à un interprète apte à traduire les dispositions de dernières volontés dans la langue des signes.

La loi porte ensuite création d’un mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier pour les successions les plus modestes(44). Modifiant l’article L. 312-1-4 du Code monétaire et financier, la loi no 2015-177 du 16 février 2015 entend permettre l’appréhension par les héritiers en ligne directe – et seulement eux – les avoirs bancaires du défunt sans avoir à établir leur qualité d’héritier par des procédés longs et coûteux (acte de notoriété, certificat de propriété, certificat d’hérédité). Ce mode de preuve simplifié est possible à condition que le défunt ne laisse aucun autre héritier que les successibles en ligne directe et qu’il n’ait rédigé aucun testament.

À cet effet, l’héritier doit fournir plusieurs documents :

  • une attestation signée par l’ensemble des héritiers qui certifient qu’il n’existe pas de testament, ni d’autres héritiers, ni de contrat de mariage, ni de procédure en cours concernant la qualité d’héritier ou la consistance de la succession ;

  • son extrait d’acte de naissance, celui du défunt et de l’ensemble des héritiers désignés dans l’attestation ;

  • la copie intégrale de l’acte de décès, un extrait d’acte de mariage du défunt ;

  • un certificat d’absence d’inscription au fichier central des dernières volontés.



Fort de l’ensemble de ces justificatifs, l’héritier peut obtenir le débit des comptes bancaires du défunt, dans la limite des soldes créditeurs et d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie, en vue de régler les dettes qui ont un caractère conservatoire. Si aucun immeuble ne figure dans la succession, l’héritier peut, avec l’accord exprès de tous les autres, percevoir pour le compte de l’hérédité les sommes figurant sur les comptes bancaires et les clôturer, à condition que le montant total de ces sommes soit inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie.

Décidément riche pour le droit des successions, la loi no 2015-177 du 16 février 2015 apporte une précision quant à la qualité de successible des collatéraux. Jusqu’à maintenant, il était indiqué àl’article 745 du Code civil que les collatéraux ne pouvaient pas succéder au-delà du sixième degré. On se demandait si cette disposition valait pour tous les collatéraux – privilégiés et ordinaires – ou seulement pour les seconds. Désormais, le texte précise que la restriction au sixième degré vaut pour les seuls collatéraux ordinaires, tandis que les collatéraux privilégiés succèdent sans restriction de degré. C’était la solution qui avait été unanimement retenue, mais elle est désormais fondée sur un texte.

C’est aussi l’option successorale qui est l’objet de l’œuvre simplificatrice de la loi no 2015-177 du 16 février 2015 avec les actes emportant acceptation tacite. On sait le guet-apens que sont ces actes, qui peuvent à son insu enchaîner l’héritier à la succession, avec le risque d’un passif successoral important. Pourtant, certains de ces actes sont nécessaires pour la bonne gestion de la succession. Laloi no 2006-728 du 23 juin 2006 (JO 24 juin) avait opportunément réservé des dispositions particulières pour les actes purement conservatoires ou de surveillance ainsi que pour les actes d’administration provisoire en listant les actes relevant de cette catégorie. Mais elle devait tôt ou tard être victime des pièges de l’énumération(45). Car faire le choix de lister des actes, c’est aussi prendre le risque d’en omettre. Et tout dépend alors de la portée de la liste. Si elle est limitative, le législateur doit intervenir pour l’enrichir. Si elle est indicative, c’est au juge qu’il appartient d’y faire entrer des actes qui n’y figurent pas explicitement. Incontestablement, la liste des actes conservatoires ou d’administration n’emportant pas acception tacite de la succession est indicative, de sorte que l’intervention législative n’était pas indispensable.

Sans doute peu au fait de la technique législative, le législateur a pourtant introduit un 4o à l’alinéa 3 del’article 784 du Code civil par lequel il répute conservatoires les actes liés à la rupture du contrat de travail du salarié du particulier employeur décédé, le paiement des salaires et indemnités dus au salarié ainsi que la remise des documents de la fin du contrat. Il est aisé de comprendre que cet acte peut être urgent, nécessaire et qu’il permet d’éviter une aggravation des dettes successorales. Nul doute que celui qui l’accomplit n’accepte pas la succession. À cet effet, il dispose désormais d’un fondement textuel sécurisant ainsi sa situation.

Enfin, la loi no 2015-177 du 16 février 2015 modifie les dispositions en matière d’attribution préférentielle. D’abord, le véhicule fait désormais partie des biens dont le conjoint survivant peut demander l’attribution préférentielle à condition qu’il lui soit nécessaire pour les besoins de la vie courante(46). Enfin, le législateur inclut dans le champ de l’attribution préférentielle pour tout héritier les objets mobiliers nécessaires à l’exercice de sa profession(47).



C –

QUASI-USUFRUIT SUR RÉSERVES ET DÉDUCTIBILITÉ DE LA DETTE DE RESTITUTION

Longtemps ignoré du droit du patrimoine, le quasi-usufruit est aujourd’hui une figure usitée des stratégies patrimoniales(48). Pour autant, il conserve sa part d’incertitudes que la doctrine et les praticiens tentent de dissiper. La Cour de cassation vient à son tour participer à l’œuvre clarificatrice par un important arrêt du 27 mai 2015(49).

Dans cette affaire, les héritiers d’un défunt usufruitier de droits sociaux avaient déposé une déclaration de succession rectificative en vue de la prise en compte d’un passif successoral qui n’avait pas été mentionné dans la première déclaration. Il correspondait, selon eux, à une dette de restitution incombant au défunt qui avait bénéficié, au titre d’un quasi-usufruit, d’une distribution de réserves décidée par une assemblée générale de la société. L’administration fiscale n’a pas répondu à cette demande de réclamation s’en tenant à la liquidation initiale.

La question était de savoir si la dette de restitution du quasi-usufruitier procédait de la volonté des parties ou de la loi. Dans le premier cas, la dette de restitution était déductible à condition d’être constatée par acte authentique ou par acte sous seing privé ayant date certaine(50). Or le quasi-usufruit avait simplement été constaté dans le procès-verbal de l’assemblée générale, ce qui ne le faisait entrer dans aucune des deux catégories précédemment évoquées. Dans le second cas, en revanche, la dette était déductible de plein droit.

La réponse de la Cour de cassation se développe en deux temps. Elle considère d’abord qu’en cas de distribution de dividendes prélevés sur les réserves, le démembrement des droits sociaux est reporté sur les sommes sous la forme d’un quasi-usufruit, sauf volonté contraire. Ensuite, l’usufruitier devient débiteur d’une dette de restitution qui prend sa source dans la loi et qui est déductible de plein droit dans sa succession ( 009).


EXTRAITS


« Vu les articles 587 et 1842 du Code civil, 768 et 773-2 du Code général des impôts ;

Attendu que dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l’usufruitier de droits sociaux s’exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nu-propriétaire, sous la forme d’un quasi-usufruit, sur le produit de cette distribution revenant aux parts sociales grevées d’usufruit, de sorte que l’usufruitier se trouve tenu, en application du premier des textes susvisés, d’une dette de restitution exigible au terme de l’usufruit et qui, prenant sa source dans la loi, est déductible de l’actif successoral lorsque l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier »


La solution est riche de plusieurs enseignements précieux.

Le premier est que la Cour de cassation tranche une question controversée en considérant que les réserves distribuées sont des produits et non des fruits(51) et sont donc soumis au démembrement grevant les droits sociaux(52), puisqu’ils altèrent la substance de la société.

Le deuxième est que, s’agissant de produits, ces dividendes sont perçus par le titulaire des droits sociaux en tenant compte toutefois du droit de jouissance de l’usufruitier, puisque ces réserves s’incorporent dans le titre. L’usufruit se mue en quasi-usufruit puisque les sommes distribuées se consomment par le premier usage. Le nu-propriétaire dispose quant à lui d’une créance de restitution contre le quasi-usufruitier.

Le troisième enseignement est que le quasi-usufruit dont s’agit est d’origine légale, de sorte que la dette de restitution dont est redevable le quasi-usufruitier à l’extinction de son droit est déductible de plein droit sans être justiciable de la présomption de fictivité de l’article 773, 2o, du Code général des impôts.

En plus des apports évidents pour le droit des sociétés et le droit des biens, il faut évoquer les incidences patrimoniales de cette solution.

D’abord, la Cour de cassation laisse le champ libre à la volonté des parties. Les associés sont libres de distribuer ou non le bénéfice ou de le mettre en réserve et de le distribuer quelques mois ou années plus tard. Ils ont aussi la possibilité d’empêcher l’existence d’un quasi-usufruit sur les réserves distribuées par le biais d’une convention contraire entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Ceux-ci peuvent organiser autrement leurs droits sur les réserves distribuées. Ils pourraient ainsi répartir entre eux le dividende en pleine propriété ou arrêter le remploi des fonds distribués dans un bien sur lequel serait reporté le démembrement initial(53).

Ensuite, la distribution ou la capitalisation du résultat avec une éventuelle distribution ultérieure des réserves n’aura pas les mêmes conséquences pour le patrimoine des associés. Si les associés procèdent à la distribution du résultat, celui-ci sera soumis à la fiscalité qui lui est applicable. S’ils décident au contraire de le mettre en réserve pour le distribuer plus tard, les dividendes seront là encore soumis à imposition mais – et c’est l’avantage de la distribution après capitalisation – les sommes distribuées et perçues viendront en déduction dans la succession de l’usufruitier réduisant d’autant l’actif taxable, sans que la convention de quasi-usufruit soit nécessaire à la naissance de cette dette de restitution(54). Cette solution permet d’associer le nu-propriétaire (le plus souvent descendant de l’usufruitier) aux valeurs distribuées par le biais de la créance de restitution conférant un droit à la valeur et de concentrer leur utilité dans les mains de l’usufruitier, tout en diminuant l’assiette des droits de succession.

L’arrêt du 27 mai 2015 se montre ainsi riche d’enseignements et de voies à explorer dans une perspective d’optimisation patrimoniale.



D –

RENONCIATION AU RETOUR CONVENTIONNEL ET MISE EN ŒUVRE DU RETOUR LÉGAL DES PÈRE ET MÈRE

La multiplication des droits de retour – légal ou conventionnel – rend leur combinaison difficile à mettre en œuvre et – plus grave encore – perturbe les stratégies de transmission. La preuve en est donnée par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 21 octobre 2015(55) à propos de l’articulation entre la renonciation à un retour conventionnel et le droit de retour des père et mère(56).

En l’espèce, des parents avaient donné un terrain et une maison d’habitation en stipulant un retour conventionnel en cas de décès de la donataire sans postérité. Par la suite, les donateurs renoncèrent à ce droit de retour. La fille décéda quelques mois plus tard en instituant son frère légataire universel et en léguant à ses parents l’usufruit des biens donnés, escomptant peut-être que la renonciation au retour conventionnel de ses parents les privait définitivement de tout droit sur les biens donnés, sauf ceux qu’elle leur attribuait. Les parents invoquèrent le jeu du droit de retour des père et mère sur le bien donné. La cour d’appel les débouta, en estimant que la renonciation au droit de retour intervenue quelques mois avant le décès portait non seulement sur le retour conventionnel mais aussi sur le retour légal des père et mère.

La Cour de cassation casse l’arrêt, parce que le droit de retour des père et mère est un droit de nature successorale et qu’il ne peut donc pas faire l’objet d’une renonciation avant l’ouverture de la succession ( 010). La renonciation au retour conventionnel ne pouvait qu’être demeurée sans effet sur le retour des père et mère, qui devait donc s’exercer à l’ouverture de la succession.


EXTRAITS


« Vu l’article 738-2 du Code civil, ensemble l’article 722 du même code ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que, lorsque l’enfant donataire est décédé sans postérité, le droit de retour institué au profit de ses père et mère s’exerce dans tous les cas sur les biens que le défunt avait reçus d’eux par donation ; que, s’agissant d’un droit de nature successorale, il ne peut y être renoncé avant l’ouverture de la succession ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la renonciation des donateurs au droit de retour conventionnel était sans effet sur le droit de retour légal, la cour d’appel a violé le texte susvisé »


Si les droits de retour répondent à la même appellation, ils opèrent en vertu de mécanismes différents régis par des règles spécifiques.

Ainsi, par la stipulation d’un retour conventionnel, les parties instituent en condition résolutoire de la donation le prédécès du donataire sans postérité. Les bénéficiaires du retour peuvent donc valablement et efficacement renoncer au retour conventionnel avant qu’il ne s’ouvre.

En revanche, le droit de retour des père et mère a été instauré par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 (JO 24 juin) en substitution de la suppression de la réserve des ascendants(57). De plus, l’article 738-2, alinéa 2, du Code civil dispose que ce qui est reçu au titre du droit de retour s’impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère, manifestant ainsi la nature profondément successorale du droit de retour(58). On ne saurait donc renoncer à ce droit de retour avant l’ouverture de la succession, à peine de tomber sous le coup de la prohibition des pactes sur succession future. En revanche, la renonciation devient valable une fois la succession ouverte.

L’espèce met en lumière une situation problématique dans la stratégie patrimoniale. Si les donateurs envisagent de renoncer au retour conventionnel, parce qu’ils veulent ne garder aucun droit sur le bien donné et conférer au donataire la pleine liberté dans la transmission de ces biens, ils doivent garder à l’esprit que la renonciation au retour conventionnel n’y suffira pas. Car le droit de retour des père et mère reste tapi dans l’ombre sans possibilité de le neutraliser avant l’ouverture de la succession. Pensant avoir libéré le bien de leur emprise par la renonciation au retour conventionnel, ils se retrouvent, contre toute attente, à pouvoir le récupérer en tout ou partie grâce au droit de retour. Quand bien même le de cujus disposerait du bien par un legs universel ou un legs particulier, cet acte de disposition ne ferait pas obstacle au retour légal ; il s’exercerait alors en valeur et non pas en nature.

La renonciation au retour conventionnel libère le bien de la condition résolutoire et facilite son aliénation. Mais le patrimoine garde la mémoire de cette donation qui, à elle seule, permet de prendre rang pour faire jouer un droit de retour en valeur ou en nature à l’ouverture de la succession. Avant celle-ci, il n’existe pas de moyen d’effacer le droit de retour.



E –

TRANSMISSION DU PATRIMOINE ARTISTIQUE

Si l’artiste, et plus généralement l’auteur d’une œuvre littéraire et artistique, était une personne comme une autre, la transmission de son patrimoine devrait relever du droit commun des successions. Mais, à bien des égards, il n’est pas le commun des mortels, parce qu’il fait œuvre créatrice. Il est ainsi à l’origine d’un patrimoine artistique dont la spécificité justifie des dispositions particulières. Le patrimoine d’un auteur relève tout à la fois du droit commun et de règles spéciales qui doivent être combinés, ce qui ne fait qu’accroître la complexité du règlement de la succession. Pour cette raison, on ne saurait trop conseiller aux auteurs d’une œuvre littéraire et artistique d’anticiper la transmission de leur patrimoine artistique en tenant compte des décisions de la Cour de cassation qui, de proche en proche, dessinent les règles applicables à cette succession si particulière.

Par un arrêt du 8 juillet 2015(59), la première chambre civile de la Cour de cassation avait à connaître de l’usufruit spécial du conjoint survivant. L’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle instaure au profit du conjoint survivant non séparé de corps un usufruit du droit d’exploitation des œuvres créées par le défunt quel que soit le régime matrimonial des époux et indépendamment de ses droits en usufruit sur les autres biens de la succession. L’usufruit spécial est réduit s’il porte atteinte à la réserve des enfants ( 011).


EXTRAITS


« Mais attendu que, lorsqu’en application de l’article 1094-1 du Code civil, le conjoint survivant est donataire de l’usufruit de la totalité des biens de la succession, l’usufruit du droit d’exploitation dont il bénéficie en application de l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle n’est pas réductible ; qu’ayant relevé que Mme Y… était donataire de l’usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession, lequel n’affectait pas la nue-propriété de la réserve héréditaire, la cour d’appel en a déduit à bon droit, par motifs adoptés, que l’usufruit du droit d’exploitation des œuvres de Jean-Claude X… dont Mme Y… bénéficiait en vertu de l’article L. 123-6 précité n’était pas soumis à réduction au profit de l’héritier réservataire ; que le moyen n’est pas fondé »


En l’espèce, un écrivain avait laissé pour lui succéder un fils issu d’une première union et sa seconde épouse. Par testament, il avait désigné cette dernière gestionnaire de l’ensemble de son œuvre artistique et l’avait instituée légataire universelle. Quelques jours après le testament, il consentit à son épouse une donation portant sur l’universalité des biens de sa succession. Au décès de l’écrivain, l’épouse opta, au titre de cette donation, pour l’usufruit de la succession. Après avoir vainement tenté d’obtenir la nullité du testament, le fils s’opposa à l’exercice par l’épouse de son usufruit sur les droits d’auteur. Se posait la question de la combinaison de l’usufruit spécial du conjoint de l’auteur et de l’usufruit conféré par la donation entre époux. La Cour de cassation tranche la difficulté en estimant que lorsque le conjoint est donataire de l’usufruit de la totalité des biens de la succession en application de l’article 1094-1 du Code civil, l’usufruit spécial du droit d’exploitation n’est pas réductible.

Si le résultat – l’absence de réduction – mérite approbation, le raisonnement qui peut en être induit appelle de sérieuses réserves. Il laisse entendre que l’usufruit sur les biens de la succession peut coexister avec un usufruit recueilli au titre d’une donation entre époux. Cela impliquerait l’existence de deux masses distinctes de biens : celle de la succession ordinaire, sur laquelle s’exerce l’usufruit reçu au titre de la donation entre époux, et celle des droits d’auteur, sur laquelle s’exerce l’usufruit spécial del’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle. On retrouverait alors le schéma bien connu des successions anomales où un bien est extirpé de la succession ordinaire pour connaître une dévolution particulière, ce qui serait le cas de l’usufruit du droit d’exploitation.

Mais cela ne vaut que pour les successions légales, c’est-à-dire celles où le de cujus n’a rien prévu. En revanche, en présence d’une dévolution volontaire, la succession anomale s’efface, sauf disposition expresse du législateur(60). D’ailleurs, l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle accorde au conjoint un usufruit sur le droit d’exploitation des œuvres à condition que l’auteur n’ait pas disposé de ce droit d’exploitation(61). Or, en l’espèce, la totalité de la succession, en ce compris le droit d’exploitation, a été transmise au conjoint par le biais de la donation entre époux s’exerçant en usufruit(62), de sorte que l’usufruit spécial n’a plus lieu de s’appliquer pour la bonne et simple raison que ses conditions d’application ne sont pas réunies.

Le seul usufruit à pouvoir être finalement invoqué est celui recueilli par le conjoint au titre de la donation entre époux, qui ne risque pas d’être réductible, puisque procédant du disponible spécial del’article 1094-1 du Code civil. La solution est identique à celle de la Cour de cassation mais en vertu d’un raisonnement différent.

Le conjoint bénéficie alors de l’usufruit du droit d’exploitation, tandis que le fils en recueille la nue-propriété et en recouvrera la pleine propriété au jour de l’extinction de l’usufruit, ce qui peut être une date fort éloignée si l’épouse est relativement jeune.

On observera que si le décès avait eu lieu après le 1er janvier 2007, le fils n’aurait pas bénéficié de la nue-propriété du droit d’exploitation, puisque, depuis la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 (JO 24 juin), la réduction s’opère en valeur. Aussi, dans une configuration identique à celle ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juillet 2015 et sous réserve de la rédaction de la donation entre époux, l’épouse aurait bénéficié de la totalité de la succession, à charge pour elle d’indemniser le fils à concurrence de la valeur de la nue-propriété des biens de la succession. Dans ce cas, le fils ne recueillerait pas la nue-propriété du droit d’exploitation qui serait ainsi tout entier dans les mains du conjoint survivant, à charge pour elle d’en indemniser le fils du défunt à proportion de sa réserve.

Ces quelques réflexions devraient convaincre que les patrimoines artistiques ne sont pas des patrimoines comme les autres et que, pour cette raison, ils exigent d’anticiper leur transmission.



Notes

(1)
Comme le permet l’article 214, alinéa 1er, du Code civil.

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(2)
Cass. 1re civ., 1er avr. 2015, no 14-14.349, Dr. famille 2015, comm. 125, obs. Q. G. Schielé, RTD civ. 2015, p. 687, obs. B. Vareille, RTD civ. 2015, p. 362, obs. J. Hauser, D. 2015, p. 108, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau.

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(3)
Cass. 1re civ., 15 mai 2013, no 11-26.933, RLDC 2013/107, no 52017, obs. J. Revel, D. 2013, p. 2242, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel, AJ famille 2013, p. 383, obs. S. Blanc-Pelissier, D. 2014, p. 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau, RTD civ. 2013, p. 582, obs. J. Hauser, RTD civ. 2014, p. 698, obs. B. Vareille, Dr. famille 2013, comm. 110, obs. B. Beignier ; Cass. 1re civ., 12 juin 2013, no 11-26.748, D. 2013, p. 2242, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel, AJ famille 2013, p. 448, obs. B. de Boysson.

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(4)
Cass. 1re civ., 18 déc. 2013, no 12-17.420.

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(5)
Dans le même sens, v. Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, no 12-21.892, D. 2013, p. 2682, note A. Molière, D. 2014, p. 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau, D. 2014, p. 1905, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel, AJ famille 2013, p. 647, obs. P. Hilt, RTD civ. 2013, p. 821, obs. J. Hauser, RTD civ. 2014, p. 698, obs. B. Vareille, RTD civ. 2014, p. 703, obs. B. Vareille, Dr. famille 2014, comm. 38, obs. B. Beignier.

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(6)
G. Champenois et N. Couzigou-Suhas, Contrat de mariage, charges du mariage et acquisitions indivises, Defrénois 2015, art. 11994, p. 367.

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(7)
Dans certaines limites, toutefois, puisque la clause ne peut pas exonérer l’un des époux de sa contribution aux charges du mariage.

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(8)
Cass. 1re civ., 10 juin 2015, no 14-19.829. V. aussi Cass. 1re civ., 6 nov. 1984, no 83-15.231, Defrénois 1985, art. 33560, obs. G. Champenois ; Cass. 1re civ., 6 juin 1990, no 88-10.532, JCP G 1991, II, 21652, 1re esp., note J.-F. Pillebout, Defrénois 1991, art. 35082, no 59, obs. G. Champenois, RTD civ. 1991, p. 591, obs. F. Lucet et B. Vareille.

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(9)
Cass. 1re civ., 4 mars 2015, no 14-10.660, AJ famille 2015, p. 233, obs. P. Hilt, RTD civ. 2015, p. 680, obs. B. Vareille, Gaz. Pal. 2015, p. 26, note G. Dumont.

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(10)
J. Lafond, J.-Cl. Notarial Formulaire, Vo Séparation de biens, Liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, Fasc. 30, no 18.

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(11)
G. Dumont, note précitée sous Cass. 1re civ., 4 mars 2015, no 14-10.660..

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(12)
Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567, JCP G 2015, no 24, 690, note F. Sauvage, Dr. famille 2015, comm. 101, obs. M. Nicod, RTD civ. 2015, p. 674, obs. M. Grimaldi.

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(13)
M. Grimaldi, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.

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(14)
C. Brenner, Rép. civ. Dalloz, Vo Partage (droit commun), no 279.

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(15)
En ce sens, v. M. Nicod, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.

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(16)
M. Grimaldi, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.

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(17)
Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.

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(18)
Cass. 1re civ., 23 sept. 2015, no 14-18.131.

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(19)
Cass. 1re civ., 11 févr. 2015, no 13-27.586, Dr. famille 2015, comm. 75, obs. M. Nicod.

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(20)
À propos desquelles un auteur juge que la Cour de cassation aurait été mieux avisée de se fonder sur la révocation expresse des dispositions testamentaires (encore que la volonté révocatoire était en l’espèce particulièrement incontestable), v. M. Nicod, obs. précitées sous Cass. 1re civ., 11 févr. 2015, no 13-27.586.

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(21)
M. Grimaldi, obs. sous Cass. 1re civ., 10 juin 2015, nos 14-18.856 et 14-20.146, RTD civ. 2015, p. 668.

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(22)
Cass. 1re civ., 10 juin 2015, nos 14-18.856 et 14-20.146, RTD civ. 2015, p. 584, obs. J. Hauser, RTD civ. 2015, p. 668, obs. M. Grimaldi.

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(23)
C. civ., art. 900-1.

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(24)
Cass. 1re civ., 26 juin 2013, no 11-25.976, D. 2013, p. 2073, obs. Ph. Bonfils et A. Gouttenoire, RTD civ. 2013, p. 575, obs. J. Hauser, Defrénois 2013, 113v7, p. 972, obs. J. Massip, RJPF 2013-10/10, p. 16, obs. I. Corpart, Dr. & patr. 2014, no 242, p. 88, obs. H. Fulchiron.

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(25)
Sur cette question, v. Ph. Delmas Saint-Hilaire, À propos de la clause d’exclusion de l’administration légale, Mélanges en l’honneur du Professeur Raymond Le Guidec, Lexisnexis, 2014, p. 333.

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(26)
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, JO 16 oct..

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(27)
C. civ., art. 757-3.

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(28)
Cass. 1re civ., 28 janv. 2015, no 14-20.587, Dr. famille 2015, comm. 76, obs. M. Nicod, AJ famille 2015, p. 178, obs. N. Levillain.

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(29)
TGI Paris, 2e ch., 12 mai 2015, no 14/00945, JCP N 2015, act. 747, obs. Ch. Blanchard. Pour une analyse analogue s’agissant de l’ancien droit de retour, v. M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. IV, no 177, p. 274.

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(30)
En ce sens, v. Rép. min. no 85443, Poignant, JOAN Q. 11 juill. 2006, p. 7371, erratum publié in JOAN Q. 13 févr. 2007, p. 1636.

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(31)
À propos du droit de retour des père et mère, v. infra Cass. 1re civ., 28 janv. 2015, no 14-20.587.

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(32)
Règl. no 650/2012/UE, 4 juill. 2012, JOUE 27 juill., no L 201.

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(33)
Sur lesquelles v. S. Ducamp-Monod, De quelques difficultés prévisibles liées à l’application du règlement européen des successions, Dr. famille 2015, étude 10.

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(34)
Règl. no 650/2012/UE, 4 juill. 2012, art. 35.

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(35)
C. Nourissat et M. Revillard, Le notaire français et le règlement « successions », Defrénois 2015, p. 985, spécialement no 37 ; M. Revillard, Successions internationales : le règlement du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 en matière de successions, Defrénois 2012, art. 40564 ; P. Lagarde, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, Rev. crit. DIP 2012, p. 691, no 19 ; E. Fongaro, L’anticipation successorale à l’épreuve du « règlement successions », JDI 2014, p. 477 et s., spécialement p. 525.

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(36)
V. aussi M. Grimaldi, Brèves réflexions sur l’ordre public et la réserve héréditaire, Defrénois 2012, p. 755, no 8 ; S. Godechot-Patris, Successions internationales en France, Travaux de l’Association Henri Capitant, t. LX, 2010, p. 673 et s., spécialement p. 688 ; S. Ducamp-Monod, De quelques difficultés prévisibles liées à l’application du règlement européen des successions, Dr. famille 2015, étude 10, no 14.

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(37)
M. Grimaldi, Brèves réflexions sur l’ordre public et la réserve héréditaire, précité, no 8.

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(38)
E. Fongaro, L’anticipation successorale à l’épreuve du « règlement successions », précité, p. 526.

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(39)
Règl. no 650/2012/UE, 4 juill. 2012, consid. 38. Il faut aussi rapprocher le considérant 50 : « La loi qui, en vertu du présent règlement, régira la recevabilité et la validité au fond d’une disposition à cause de mort ainsi que, en ce qui concerne les pactes successoraux, les effets contraignants d’un tel pacte entre les parties, devrait être sans préjudice des droits de toute personne qui, en vertu de la loi applicable à la succession, peut prétendre à une réserve héréditaire ou jouit d’un autre droit dont elle ne peut être privée par la personne dont la succession est concernée ».

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(40)
En revanche, ne devrait pas être écartée une loi qui connaîtrait la réserve héréditaire mais dont les modalités de protection seraient différentes de celles du droit français.

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(41)
Certains proposent de maintenir le principe de l’appartenance de la réserve à l’ordre public du for, mais en le cantonnant au principe de proximité. Dans ce cas, l’ordre public ne va s’opposer à la situation créée à l’étranger que si des liens de proximité existent entre la situation et la France, ce qui conduit à identifier des situations où l’ordre public français – dont la réserve héréditaire – est plus gravement menacé et où la loi applicable qui méconnaîtrait cet ordre public aurait le plus de risques d’être évincée, v. B. Savouré, Réflexions pratiques sur la loi successorale unique et la réserve héréditaire de droit français, JCP N 2015, no 22, 1178 ; S. Godechot-Patris, Successions internationales en France, précité ; A. Bonomi et P. Wautelet, Le droit européen des successions, Commentaire du règlement no 650/2012 du 4 juillet 2012, Bruylant, Bruxelles, 2013, p. 546.

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(42)
Cass. 1re civ., 18 déc. 1956, JCP G 1957, II, 9718, note C. Jacquillard ; M. Grimaldi et Ch. Vernières, Les modifications du droit des successions par la loi du 16 février 2015, Defrénois 2015, 118/9, p. 250.

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(43)
C. civ., art. 972, al. 4.

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(44)
F. Sauvage, Un nouveau mode simplifié de preuve de la qualité d’héritier, RJPF 2015-3/39, p. 43.

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(45)
V. Lasserre-Kiesow, La technique législative, Étude sur les Codes civils français et allemands, préf. M. Pédamon, LGDJ, 2002, p. 221 et s., 307 et s., 318 et s.

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(46)
C. civ., art. 831-2, 1o.

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(47)
C. civ., art. 831-2, 2o.

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(48)
V. Dossier Quasi-usufruit : aspects théoriques et pratiques, Actes prat. strat. patrim. 2015, no 3.

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(49)
Cass. 1re civ., 27 mai 2015, no 14-16.246, JCP N 2015, 1177, note Ch. Blanchard, JCP G 2015, 767, note A. Tadros, JCP E 2015, 1354, note H. Hovasse, Dr. sociétés 2015, no 144, note R. Mortier ; F. Fruleux et C. Orlhac, Distribution de réserves et démembrement de propriété : clarification civile et apports fiscaux, JCP N 2015, no 38, 1167 ; Gaz. Pal. 2015, no 207 à 209, p. 7, note B. Dondero ; R. Gentilhomme, Démembrement de droits sociaux, distribution de réserves et quasi-usufruit, Defrénois 2015, p. 744 ; LPA2015, no 138, p. 9, note P.-L. Niel ; AJ famille 2015, p. 416, obs. Ch. Vernières ; D. 2015, p. 1752, note A. Rabreau.

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(50)
CGI, art. 773, 2o.

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(51)
Sur cette question et considérant que les dividendes sont toujours des fruits, v. F. Zénati, Rép. sociétés Dalloz, Vo Usufruit des droits sociaux, no 361 ; S. Piedelièvre, Rép. civ. Dalloz, Vo Fruits, no 27 ; R. Mortier et Y. Kerambrun, Pourquoi les réserves distribuées sont à l’usufruitier et à lui seul !, JCP N 2009, no 37, 1264. D’autres considèrent, au contraire, que les dividendes sur bénéfices sont des fruits tandis que les dividendes distribuant des réserves sont des produits, v. R. Gentilhomme, Démembrement de droits sociaux, affectation en réserves des résultats et donation indirecte, JCP N 2008, no 23, 1218 ; J.-P. Garçon, obs. sous Cass. com., 10 févr. 2009, no 07-21.806, JCP N 2009, no 20, 1171.

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(52)
Renouant ainsi avec une solution ancienne de la Cour de cassation, Cass. req., 4 mars 1877, S. 1878, 1, p. 5, note J.-E. Labbé.

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(53)
Sur les potentialités de la volonté contraire, v. R. Gentilhomme, Démembrement de droits sociaux, distribution de réserves et quasi-usufruit, préc. L’auteur ajoute d’ailleurs la possibilité d’attribuer la totalité des dividendes prélevés sur les réserves au seul nu-propriétaire sous réserve d’une disposition statutaire expresse, à peine sinon de requalification en donation indirecte.

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(54)
Mais elle le sera en pratique à titre de preuve ou pour stipuler des garanties de paiement ou des clauses d’indexation, v. sur ce dernier point, C. Orlhac, La protection du nu-propriétaire dans un régime de quasi-usufruit, Actes prat. strat. patrim. 2015, no 3, étude 19.

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(55)
Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, no 14-21.337.

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(56)
C. civ., art. 738-2.

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(57)
Rapp. Sénat no 343, 2005-2006, par H. de Richemont, déposé le 10 mai 2006, p. 217.

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(58)
F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil, Les successions, Les libéralités, Dalloz, 4e éd., no 235 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Les successions, Les libéralités, par Ph. Malaurie et C. Brenner, Defrénois, 6e éd., no 122 ; A.-M. Leroyer, Droit des successions, Dalloz, coll. « Cours », 2009, no 179 ; M.-C. Forgeard, R. Crône et B. Gelot, Le nouveau droit des successions et des libéralités, Litec, 2006, no 329 ; C. Rieubernet, La fin de la réserve des ascendants, LPA 2006, no 205, p. 4 à 7, spéc. p. 7 ; N. Levillain, Les nouveaux droits successoraux des ascendants, Droit de retour légal de l’article 738-2 du Code civil, JCP N 2007, no 12, 1135, no 13 ; G. Paris, La détermination du montant du retour légal de l’article 738-2 du Code civil : quart du bien ou quart de la succession ?, Defrénois 2015, p. 12.

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(59)
Cass. 1re civ., 8 juill. 2015, no 14-18.850, JCP N 2015, no 43, 1128, note F. Sauvage, AJ famille 2015, p. 503, note S. Ferré-André.

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(60)
À l’instar de ce qui existe pour le droit de retour des père et mère pour lequel le législateur prévoit expressément qu’il s’exerce dans tous les cas et que si le bien donné ne se retrouve pas en nature dans la succession (par exemple en cas de legs particulier du legs donné ou de legs universel), il s’exerce en valeur, v. C. civ., art. 738-2.

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(61)
C. propr. intell., art. L. 123-6 : « Pendant la période prévue à l’article L. 123-1, le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du Code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé. Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par l’article 913 du Code civil. Ce droit s’éteint au cas où le conjoint contracte un nouveau mariage ».

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(62)
F. Sauvage, note précitée sous Cass. 1re civ., 8 juill. 2015, no 14-18.850.

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