Communauté universelle : le survivant est tenu de l’emprunt contracté par le défunt en l’absence de preuve d’intérêt exclusif.
Paru dans Droit&Patrimoine Hebdo n°1171 du 10 décembre 2018
Jurisprudence - Régimes matrimoniaux - Communauté universelle : le survivant est tenu de l’emprunt contracté par le défunt en l’absence de preuve d’intérêt exclusif.
Un couple se marie en 1974 sous le régime légal allemand, et une trentaine d’années plus tard, adopte le régime de la communauté universelle du droit français pour leurs immeubles en France ; les époux font aussi donation à leur fille d’une fraction indivise d’un immeuble. Par ailleurs, le mari se fait prêter 80 000 euros par un tiers. La dette n’ayant pas été remboursée, le mari est condamné à payer l’emprunteur ; or, il décède, laissant pour lui succéder sa veuve et leur fille. Celles-ci renoncent alors à la succession. Le créancier réclame à la veuve le paiement de la dette et la cour d’appel y fait droit au motif que seule une dette née avant le changement de régime matrimonial des époux aurait pu n’engager que les biens propres et les revenus du mari et non ses biens communs. La veuve forme un pourvoi : elle soutient que son mari ayant emprunté sans son accord une somme d’argent, le créancier ne pouvait pas saisir les biens communs ni lui réclamer maintenant le paiement de sa créance. Après avoir rappelé le contenu des articles 1409 et 1524 du code civil, la Cour de cassation approuve le raisonnement de la cour d’appel ayant estimé « qu’il n’était pas démontré que la dette avait été contractée dans l’intérêt exclusif de l’époux prédécédé » et ayant « relevé que la clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant avait été mise en œuvre du fait du décès du conjoint » de sorte qu’elle « en a exactement déduit que [la veuve], à laquelle était attribuée la totalité de la communauté en pleine propriété, était tenue de la dette entrée en communauté du chef de son conjoint ».
OBSERVATIONS. Cette décision rappelle que l’emprunt par un époux sans consentement exprès de l’autre figure au passif commun (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, n° 05-15.940) et que l’attribution intégrale des biens au conjoint survivant justifie qu’il soit tenu du passif. Le fait que la veuve ait renoncé à la succession du défunt est donc inefficace. Il aurait fallu prouver l’intérêt exclusif du prédécédé.
Réf. : Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, n° 16-13.323, P+B+I.
NOMENCLATURE DES ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION : F : formation à 3 ; FS : formation de section ; FP : formation plénière de chambre ; D : arrêt diffusé ; P : arrêt publié au bulletin mensuel ; P + B : arrêt publié au bulletin d’information ; R : arrêt mentionné dans le rapport annuel ; I : arrêt publié sur le site internet ;