Baux d’habitation - La renonciation du conjoint survivant à l’exclusivité du droit au bail au titre de l’article 1751 du code civil n’a pas pour effet de mettre fin au bail
Des époux ainsi que leurs deux enfants occupent un appartement au titre d’un bail d’habitation. Après le décès de l’épouse et qu’une ordonnance de non-conciliation lui a attribué la jouissance du domicile familial, l’époux signe un avenant le désignant comme restant seul titulaire du bail. Des loyers restant impayés, la bailleresse signifie au titulaire du bail un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail, puis l’assigne en constat d’acquisition de cette clause, en expulsion et en paiement d’un arriéré locatif. Intervenant volontairement à l’instance, les enfants sollicitent la reconnaissance, au bénéfice de l’un d’eux, du transfert du bail au décès de leur mère, cohabitant alors avec elle depuis plus d’un an.
La demande de la bailleresse au titre d’un supplément de loyer de solidarité rejetée, elle forme un pourvoi en cassation. Sur un moyen relevé d’office, la troisième chambre civile casse l’arrêt au visa des articles 1751 du code civil et 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dont elle rappelle les termes. Elle rappelle en outre qu’« 9. Il est jugé, en application du premier de ces textes, que la séparation de fait des époux ou l’autorisation qui leur est donnée de résider séparément ne remet pas en cause la cotitularité du bail portant sur le logement qui a servi effectivement à leur habitation commune (3e civ., 27 mai 1998, pourvoi n° 96-13.543, Bull. 1998, III, n° 109 ; 3e civ., 31 mai 2006, pourvoi n° 04-16.920, Bull. 2006, III, n° 135). 10. Il est également jugé que le conjoint survivant qui satisfait aux conditions de l’article 1751 du code civil dispose d’un droit exclusif sur le logement qui a servi effectivement à l’habitation des époux avant le décès et que ce droit prive les descendants qui vivent dans les lieux au moment du décès du preneur de tout droit locatif (3e civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-20.409, Bull. 2018, III, n° 77). 11. Le conjoint survivant, qui satisfait aux conditions de l’article 1751 du code civil, peut renoncer expressément à l’exclusivité de son droit au bail pour permettre, le cas échéant, aux personnes qui satisfont aux conditions de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 de bénéficier de droits concurrents aux siens sur le bail. Cette renonciation ne peut cependant porter que sur l’exclusivité du droit au bail et ne peut permettre au conjoint survivant, à défaut de congé valablement délivré par lui, de mettre fin au droit au bail dont il est titulaire ». Or ici, « (…) 13. (…) [l’époux], cotitulaire du bail, n’avait pas expressément renoncé, après le décès de son épouse, à l’exclusivité de son droit au bail et (…) n’avait par ailleurs pas mis fin à ce bail par un congé valablement délivré (…) ».
OBSERVATIONS. La troisième chambre civile précise les effets de la renonciation, laquelle doit être expresse, de l’époux à son droit exclusif au titre de l’article 1751 du code civil : ne portant que sur l’exclusivité du droit au bail, et non sur le droit au bail lui-même, il lui appartient donc de délivrer un congé pour mettre fin au droit au bail dont il est titulaire. I.T.
Réf. : Cass. 3e civ., 4 juil. 2024, n° 22-24.856, FS-B