Trois questions à Xavier Lièvre, notaire associé, 14 Pyramides
Paru dans Droit&Patrimoine n°1216 du 09 décembre 2019
La Mairie de Paris vient de dévoiler les sites dans lesquels des offres de logement à 5 000 € le m2 pourront être proposés aux acheteurs, grâce au soutien de la Foncière de la Ville de Paris, organisme foncier solidaire qui consentira des baux réels solidaires. Eclairage sur ce nouveau mécanisme. Trois questions à Xavier Lièvre, notaire associé, 14 Pyramides.
Quel est le principe de ce système d’accession à la propriété ?
Il s’agit du système des baux réels solidaires (BRS) porté par les organismes fonciers solidaires (OFS), créés par la loi Alur de 2014. Ces OFS ont pour objet d’acquérir des terrains sur lesquels sont implantés ou seront implantés des immeubles bâtis. Il peut s’agir de bâtiments neufs comme de bâtiments anciens. Le BRS est un outil que les organismes HLM vont également s’approprier pour remplacer les ventes de certains logements de leur parc. Le système est basé sur un mécanisme économique assez simple en théorie : extraire de la valeur des logements la valeur du foncier. Les OFS restent donc propriétaires de cette valeur foncière et le bail réel solidaire qu’ils consentent aux preneurs leur donne accès à la propriété du logement. S’agissant d’un mécanisme d’aide d’accession à la propriété d’un logement, il est prévu pour être soumis à des critères de ressources (ceux du PSLA). Notez qu’une proposition de loi adoptée dans la nuit du jeudi 28 novembre à l’initiative de Monsieur Lagleize, député Modem de Haute-Garonne, prévoit la possibilité de créer des organismes de foncier dits libres et de généraliser cette idée d’un bail réel prorogeable pour dissocier durablement la valeur foncière de la valeur des logements, voire également de locaux commerciaux ou de bureaux.
Quel est l’intérêt de ce système ?
La mise en place de ce système a pour effet de créer une offre de logement durablement abordable. Ce sera durable par deux mécanismes : d’une part le plafonnement des prix des logements, et d’autre part le rechargement de la durée initiale du BRS (généralement de l’ordre de 80 ans) à chaque cession ou transmission, ce qui rend le système perpétuel comme un vrai droit de propriété. La mise en place de ce système aboutit en réalité à la création d’un nouveau marché distinct du marché libre destiné à des ménages ne dépassant pas les seuils de revenus PSLA, devant être agréés par les OFS, bénéficiant d’un prix plafonné. Le BRS est donc plus intéressant qu’un système de vente de logements HLM ou de démembrement classique dans lesquels soit les droits sur le bien finissent par se retrouver sur le marché libre, soit le droit de propriété n’est que provisoire. De nombreuses communes sont intéressées par ce système qui permet de conserver les aides publiques au logement, sous forme de portage de la valeur du foncier, au fil des cessions, sans effet d’aubaine pour les ménages aidés. C’est donc vertueux pour les fonds publics.
D‘où vient l’idée de ce système d’accession à la propriété ?
Cela vient des Community land trust (CLT), un système qui existe en droit anglo-saxon. Le système existe également aux Pays-Bas et c’est d’ailleurs à Lille que les premiers BRS ont été conclus, peut-être sous l’influence de leurs voisins flamands. Il existe aujourd’hui 18 OFS agréés en France, plus quelques autres en cours d’agrément par les préfets de région. Ils sont principalement issus des coopératives HLM ou des collectivités territoriales, comme celui que Paris vient de créer. Il est intéressant de voir avec quel succès ce système s’adapte à la France, même si le BRS ne sera pas pertinent partout, notamment dans les zones moins tendues. Mais le constat que je fais en écoutant de nombreux opérateurs qui s’intéressent au BRS est le caractère vertueux de l’accès à la propriété que ce système a vocation à ouvrir à des catégories de revenus qui n’y ont pas ou plus accès.