Trois questions à… Laurent Pfeiffer
Paru dans Droit & Patrimoine n°1151 du 25 juin 2018
La CCI Paris Ile-de-France a formulé des propositions pour assouplir et stabiliser le pacte Dutreil, dispositif qui atténue la charge fiscale en cas de transmission d’entreprise. Trois questions à… Laurent Pfeiffer, membre de la commission droit de l’entreprise et fiscalité de la CCI Paris Ile-de-France
Pour quelles raisons faut-il assouplir le pacte Dutreil ?
Le taux de transmission d’entreprises familiales en France est l’un des plus faibles d’Europe, principalement en raison du poids de la fiscalité. Nombre de pays de l’U.E. exonèrent totalement, ou presque, les droits de succession sur le capital mobilier, dès lors que les titres sont détenus pendant une longue durée. Ce n’est pas le cas en France où, à l’inverse, la transmission des PME et ETI est complexe et fortement taxée. Le Pacte Dutreil, qui instaure une réduction de 75 % de l’assiette des droits de donation ou de succession exigibles, conduit à des réductions de droits de mutation significatives. C’est cependant un outil très complexe à mettre en œuvre.
Quelles sont les propositions de la CCI pour assouplir le dispositif ?
Tout d’abord, alléger le formalisme qui y est attaché, et qui est très lourd. Nous proposons la suppression des obligations déclaratives attachées au dispositif, sous réserve de conserver le droit pour l’administration fiscale d’exiger du contribuable de produire les documents requis dès sa première demande. Dès lors, le non-respect du formalisme ne remettrait pas en cause le bénéfice du régime de faveur, sauf après mise en demeure de communiquer les documents qui seraient restés sans réponse ou incomplets. Une deuxième proposition est de supprimer la condition d’exercice de la fonction de direction par le donataire ou le légataire, obligation qui contrevient dans les faits à la réalité de la gouvernance des entreprises.
Quelles autres mesures seraient de nature à favoriser l’application du dispositif ?
Il est indispensable d’harmoniser la doctrine de l’administration fiscale en la matière et également de simplifier le « millefeuille » des textes relatifs à l’application concrète de ce dispositif qui devient, en fin de compte, complètement opaque. L’exemple retenu par la CCI, et qui est l’objet d’une autre proposition, est celui de la définition de la notion de « holding animatrice »*, notion instable qui vient mettre en péril les stratégies patrimoniales des chefs d’entreprises sur le moyen et le long terme. Il faut donc redéfinir cette notion pour notamment en stabiliser l’usage et parer aux remises en cause de la qualification de holding animatrice qui sont devenues de plus en plus fréquentes.
*À ce sujet voir aussi notre brève - 25 juin 2018