Schémas d’optimisation fiscale : la création d’une obligation de déclaration préalable est « prématurée » pour Bercy
Interrogé par les députés Estrosi, Christ et Louwagie (Rép. min. à QE nos 42822, 73340 et 43522, JOAN Q. 10 nov. 2015, p. 8219) sur les délais de mise en œuvre d’une obligation de déclaration préalable des schémas d’optimisation fiscale à la charge des intermédiaires, le ministre de l’Économie a clarifié et argumenté sa position sur le sujet. Tentée plusieurs fois à l’occasion des lois de lutte contre la fraude fiscale et de finances ces deux dernières années, rejetée par le Conseil constitutionnel, la création de cette obligation pesait comme une épée de Damoclès sur la tête des spécialistes du conseil fiscal, dans un contexte par ailleurs suspicieux aux niveaux national et international quant à leur expertise.
Des procédures existantes plutôt satisfaisantes
Rappelant le renforcement des dispositifs législatifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales depuis 2012, le ministre souligne que la question des schémas d’optimisation fiscale, « juridiquement et techniquement complexe, (…) s’inscrit, en France, dans un cadre juridique différent de celui qui prévaut dans de nombreux autres États ayant instauré [cette] obligation » ; il renvoie donc aux procédures françaises de rescrit et de répression de l’abus de droit.
Une exploitation chronophage pour Bercy
Par ailleurs, reconnaissant l’incapacité d’en « préciser le champ d’application avec suffisamment de pertinence », il s'inquiète de ce que « l’obligation déclarative envisagée entraînerait le dépôt d’un nombre extrêmement important de documents d’intérêt fiscal très inégal et que l’administration ne pourrait matériellement pas exploiter, alors même que de très nombreux actes font d’ores et déjà l’objet d’obligations déclaratives ». Le ministre souligne en particulier « qu’il est également délicat d’organiser un régime de sanction solidaire entre le contribuable et son conseil ». Une précision savoureuse quelques mois après le verdict rendu en première instance dans l’affaire Ricci condamnant l’avocat solidairement avec sa cliente jugée coupable de fraude fiscale.
Dans l'attente des orientations de l'OCDE
Enfin, il renvoie la question aux conclusions des travaux actuels de l’OCDE (le plan BEPS laisse toutefois l’initiative aux États d’opter ou non pour la déclaration obligatoire, v. article ci-dessous ou ici) et à la « relation de confiance » instituée entre Bercy et les contribuables « qui poursuit les mêmes objectifs sans comporter les inconvénients » de cette obligation. Il évoque ainsi la cartographie régulièrement mise à jour des montages considérés abusifs. « En conséquence, au vu de l’ensemble de ces dispositions, qui sont de nature à répondre aux préoccupations, et compte tenu des travaux internationaux en cours, l’institution d’une déclaration préalable des schémas d’optimisation fiscale apparaît prématurée » conclut le ministre de l’Économie.
Laure Toury
Voir aussi :L’OCDE présente son plan anti évasion fiscale et ses règles de divulgation obligatoire
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