Réitération et constatation des opérations passées à l’étranger
Par Éric Cevaër, Notaire à Cap d’Ail, et Cécile Davèze, Notaire à Toulouse, Président et Rapporteur de la 4e commission du 111e Congrès des notaires de France: "Sécurité juridique et vente d’immeuble".
Introduction
Mondialisation des échanges. – La mondialisation des échanges, et plus particulièrement la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union européenne, appelle, nécessairement, à modérer les effets des particularismes nationaux, y compris lorsque l’acte authentique est en cause. Ce concept d’espace juridique européen a été initié sur la base d’une décision prise au cours du Conseil européen de Tampere, en 1999. Il reposait avant tout sur une reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires ; mais les actes authentiques, par leur relative proximité avec ces dernières (ne parle-t-on pas à leur égard de « justice préventive » ?), ont bénéficié de ce qu’un auteur appelle à juste titre un « effet d’entraînement »[1] qui doit conduire à en faciliter la circulation.
Principe de libre circulation du negotium. – De fait, les transactions immobilières sont des contrats comme les autres, et comme tels soumis au principe de l’autonomie de la volonté. La règle de conflits classique désigne la loi d’autonomie (loi choisie par les parties) comme loi applicable aux contrats, quel que soit leur objet, sans référence à la lex rei sitae. Il est donc théoriquement possible de conclure à l’étranger la vente d’un immeuble situé en France, et réciproquement.
Néanmoins, on touche très vite aux limites de cette liberté, les obstacles étant multiples, tant en la forme, qu’au fond. De fait, de telles situations contractuelles se présentent rarement, et l’on parle souvent, en doctrine, d’un véritable pouvoir « attractif » de la loi de situation de l’immeuble. Cette attraction est encore renforcée par les difficultés bien compréhensibles que peut éprouver un juriste étranger à prendre connaissance du droit local et de ses subtilités (songeons aux multiples formalités, vérifications ou investigations spécifiques imposées par la loi française lors d’une vente immobilière, telles que purge des droits de préemption, production de diagnostics sous peine de nullité, etc.). Ce principe de libre circulation du negotium est pourtant assorti d’exceptions tenant à l’existence de dispositions d’ordre public ou de lois de police.
Limite de l’ordre public international. – La contrariété à l’ordre public international constitue une première limite au principe de la libre circulation des actes authentiques. Elle l’écarte comme elle écarte, en droit international privé classique, toute loi étrangère par trop contraire aux conceptions juridiques et sociales du for. La situation est assez rare en matière immobilière ; elle semble toutefois permettre d’écarter les conventions étrangères générant une inaliénabilité perpétuelle ou injustifiée par un intérêt légitime. En revanche, doivent être reconnues (bien que pouvant poser des problèmes de publicité foncière) les institutions analogues à nos conventions d’indivision telles que la « Gesamtshandsgemeinschaft » allemande[2]. Notons que l’appréciation de la conformité à l’ordre public ne relève alors pas du praticien mais du juge judiciaire.
Limite des lois de police. – La pratique notariale rencontre bien plus fréquemment les lois de police, d’application territoriale, qui en droit international privé excluent l’application même de la règle de conflit. Naturellement, la reconnaissance internationale d’un acte authentique ne peut déroger à ces textes, tels que ceux relatifs à l’usure, qui sont applicables à un contrat de prêt conclu à l’étranger, entre des parties de nationalité étrangère, à partir du moment où la mise à disposition des fonds a lieu en France. En revanche, de l’avis de certains auteurs[3], on ne peut ériger au rang de « règles matérielles » les règles impératives françaises telles que les articles L. 271-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, les articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation, l’obligation faite au vendeur de fournir à l’acquéreur un certain nombre de diagnostics techniques environnementaux, etc. Mais on peut néanmoins objecter, comme l’ont fait nos confrères de la quatrième commission du 110e Congrès des notaires de France[4], que certaines règles en matière immobilière imposant la production par le vendeur de diagnostics protègent tout autant les parties à l’acte que les tiers. À ce titre, ils relèveraient donc de lois de police[5].
Circulation de l’instrumentum. – La question de la libre circulation de l’instrumentum et donc de l’acte authentique s’avère plus délicate. L’acte public que constitue l’acte authentique le rapproche à certains égards des jugements quant à ses modalités de circulation. Celle de sa force exécutoire, qui passe traditionnellement par l’exequatur, est aujourd’hui largement simplifiée par le droit communautaire[6]. La circulation de sa force probante spécifique, traditionnellement appréhendée par le seul droit international privé, a pour la première fois été traitée dans le cadre communautaire par le règlement « successions »[7]. Mais force est de constater que l’intégration[8] dans l’ordre juridique interne d’un État des actes établis et reçus dans un pays étranger n’est pas aussi aisée, notamment lorsque la sécurité juridique est en jeu. Il faut donc admettre que la loi de l’État d’accueil puisse instaurer des contraintes particulières lorsque l’organisation d’un service public, comme celui par exemple du fichier immobilier, est en jeu. L’article 710-1 de notre Code civil rend ainsi indispensable la réitération en France d’un acte établi à l’étranger en vue de sa publication (I). Dans le même ordre d’idées, l’article 726 du Code général des impôts (CGI) rend obligatoire la constatation en France des cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière lorsqu’elles ont été réalisées à l’étranger (II).
I – La réitération en France d’un acte établi à l’étranger en vue de sa publication
La possibilité de déposer un acte étranger au rang des minutes d’un notaire français est devenue incompatible avec l’article 710-1 du Code civil créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 (JO 29 mars), qui prévoit que l’acte à publier doit « résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France ». Le dépôt au rang des minutes d’un notaire français ne permet donc plus de publier cet acte au service de la publicité foncière. En effet, la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 est une norme supérieure à l’article 4, alinéa 3, du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 (JO 7 janv.) et ce dernier s’est trouvé implicitement abrogé lors de l’entrée en vigueur de cette loi[9]. Après avoir déterminé l’enjeu de cette disposition (A), il conviendra d’en analyser les effets et de s’interroger, notamment, sur la nature juridique de cet acte de réitération (B).
A – L’enjeu : la fiabilité et la sécurité du fichier immobilier
L’alimentation du fichier, domaine réservé de l’État de situation du bien. – S’il est incontestable qu’il convient de faciliter la circulation des actes authentiques au sein de l’Union européenne, et plus largement dans le monde entier, il apparaît néanmoins essentiel de s’interroger sur le risque que représente, pour la sécurité juridique et la qualité d’un fichier immobilier, la publication d’un acte établi à l’étranger sans respect pour les règles impératives imposées par l’État d’accueil. L’administration des preuves de la propriété, de l’hypothèque, et généralement de tous les droits réels, à laquelle contribue largement le système de publicité foncière, nécessite une parfaite lisibilité des titres, et une technicité difficile à atteindre pour tout autre qu’un notaire local, ce d’autant que la publicité foncière est aussi l’occasion de percevoir les droits et taxes dont le calcul incombe aussi à ce professionnel. On pense, également, à la purge des droits de préemption, à la fourniture de diagnostics immobiliers tels que ceux qui conditionnent la validité de l’acte. L’article 58 du règlement « Bruxelles I bis »[10] prévoyant que « l’exécution d’un acte authentique ne peut être refusée que si celle-ci est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis », ne doit-on pas considérer que l’alimentation du fichier immobilier relève de l’ordre public et, dans ces conditions, admettre que la publication en France d’un acte authentique établi à l’étranger nécessite pour le moins une vérification préalable de sa légalité ? Cette idée a été défendue par notre confrère Edmond Jacoby[11] à propos de la possibilité d’inscrire un bien successoral dans le registre foncier d’un État membre sur simple production d’un certificat successoral européen[12]. Pour ces différentes raisons, il nous semble également que, même en présence du certificat prévu par l’article 60 du règlement dit « Bruxelles I bis », les dispositions en cause, et particulièrement celle de l’article 710-1 du Code civil, conserveront toute raison d’être dans un but de sécurité juridique. Du moins en sera-t-il ainsi jusqu’à plus ample harmonisation des règles impératives applicables en matière immobilière (notamment au contrat de vente), de celles de la publicité foncière, et des régimes de responsabilité et d’assurance des officiers publics appelés à intervenir.
La sécurité repose sur une délégation de service public. – La sécurité du modèle de publicité foncière français repose, notamment, sur la délégation de service public que l’État a consentie aux notaires. Ces derniers, tenus de publier les actes qu’ils reçoivent ou de refuser d’instrumenter s’ils estiment que l’acte sera inefficace ou inutile, ont une véritable mission de contrôle de légalité de l’acte et l’on comprend mieux pourquoi le législateur français subordonne l’accès à la publicité foncière à une réitération par-devant un notaire « exerçant en France »[13]. Pour certains auteurs[14], « si le législateur a cru devoir ajouter l’expression “exerçant en France” au texte initial, c’est dans le seul but d’interdire la publicité foncière aux actes authentiques étrangers ». Ne nous y trompons pas : ce texte ne s’oppose pas à la libre circulation des actes authentiques mais compte tenu du caractère déclaratif et non constitutif de notre système de formalité foncière, il importe que les actes qui lui sont présentés aient fait l’objet d’un contrôle de légalité en amont. Il pourrait, éventuellement, en aller différemment dans un système constitutif où le juge du livre foncier vérifie la légalité des actes qui lui sont présentés. Ce n’est pas le cas en France. Par conséquent, pour pouvoir accéder au registre de publicité foncière, il paraît normal que cet acte soit réitéré devant un notaire exerçant en France. Ainsi, un acte de vente portant sur un immeuble situé en France reçu par un notaire étranger, bien qu’il puisse être considéré comme équivalent à un acte authentique français s’il en remplit les conditions, ne peut être publié au fichier immobilier sans avoir été réitéré devant un notaire exerçant en France.
B – La nature juridique de cette réitération
La réitération n’est ni un dépôt, ni une constatation. – Vu sous cet angle, on comprend donc que la réitération n’a rien d’un simple dépôt au rang des minutes d’un acte authentique reçu par un notaire exerçant en France. L’emploi du verbe « résulter » paraît signifier que c’est l’acte du notaire français qui doit porter, en lui-même, l’opération juridique, et non se contenter de relater, par simple dépôt aux minutes, une convention conclue à l’étranger. Il s’agit alors de refaire comparaître les parties et de purger, éventuellement, les vices qui pourraient résulter d’une méconnaissance de règles, considérées comme impératives, applicables en droit français et susceptibles, en portant atteinte à la validité de l’acte, de fragiliser par là même la sécurité de notre système de publicité foncière. Cette approche est de nature à instaurer un parallélisme entre les articles 710-1 et 2417 du Code civil puisque la réitération de l’hypothèque devant un notaire français ne consiste pas à « naturaliser » l’acte établi par le notaire étranger pour qu’il y produise ses effets mais aboutit à l’établissement d’un nouvel acte authentique dressé par l’officier public français[15].
Pourtant, s’il faut établir un nouvel acte authentique de réitération qui contiendrait toutes les mentions et informations requises par la loi française, que faire alors si l’une des parties à l’acte dressé à l’étranger est, au jour de la signature de l’acte réitératif, partie sans laisser d’adresse ou incapable d’exprimer sa volonté ? Ou encore décédée, s’il s’agit d’une personne physique, ou en liquidation judiciaire, voire dissoute, s’il s’agit d’une personne morale ? Les pouvoirs consentis, en principe, au notaire dans les actes authentiques « pour les besoins de la publicité foncière » ne peuvent s’étendre à des questions relatives au respect de la protection de l’acquéreur (diagnostics techniques, délai de rétractation ou de réflexion, etc.), à la purge d’un droit de préemption urbain, etc. Inversement, si l’acte établi en France porte sur des biens situés à l’étranger, il conviendrait également de prévoir dans nos actes des pouvoirs spécifiques étendus à la réitération de l’acte en vue de l’accomplissement des formalités de publicité foncière dans le pays considéré.
Une mission de contrôle de légalité. – À travers cette réitération de l’acte authentique établi par un confrère étranger, le notaire français se voit donc confier une mission supplémentaire visant à assurer le contrôle de la légalité de l’acte établi en dehors de nos frontières, lequel doit, certes, pouvoir produire ses effets, au nom de la libre circulation des actes authentiques, mais ne peut avoir pour objet de contourner des règles impératives mises en place par l’État d’accueil et présenter ainsi un risque de remise en cause de cet acte, susceptible alors de porter atteinte à la fiabilité du système de publicité foncière de cet État. Ces règles impératives sont, à notre sens, de celles relevant de la qualification de loi de police ou de l’ordre public international.
L’article 710-1 du Code civil n’est donc pas en lui-même une limite à la libre circulation des actes authentiques mais assure au contraire une pleine reconnaissance de la valeur de l’acte authentique dans le processus de sécurisation du fichier immobilier. Ainsi, comme le relève Edmond Jacoby, « même si le mouvement d’intégration européen basé sur la confiance mutuelle (...) est susceptible d’abaisser les barrières posées par l’ordre juridique national, il n’a pas vocation à nier la spécificité du service public de la publicité foncière ». Si les actes authentiques doivent pouvoir, compte tenu de leurs qualités, circuler librement en vue de s’exécuter en tous lieux, l’intégration de ces actes, en tant que « titres » et donc outils de sécurisation foncière, s’arrête donc aux portes du fichier immobilier dont seul l’État d’accueil définit les conditions d’accès afin d’en garantir la sécurité juridique et la fiabilité.
II – La constatation des cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière réalisées à l’étranger
A – L’enjeu principal : assurer le recouvrement de l’impôt
Champ d’application. – C’est l’article 726 du CGI qui, depuis la loi de finances rectificative pour 2011[16], rend obligatoire la constatation par acte authentique, reçu par un notaire exerçant en France, des cessions, réalisées à l’étranger, de parts de sociétés à prépondérance immobilière au sens donné par cet article[17].
Intentions du législateur. – Les raisons de ce regain de confiance du législateur envers l’acte authentique sont connues, pour avoir été exposées lors des débats parlementaires ; on les citera sans les développer. Il s’agit, tout d’abord, d’assurer le recouvrement, par l’intermédiaire de l’officier public, des impositions dues sur les cessions de parts (droits d’enregistrement[18] et impôt sur la plus-value). On compte, ensuite, sur la collaboration des notaires à la lutte contre le blanchiment, s’il existe un soupçon sur le financement de l’opération. Enfin, dans certains cas, un droit de préemption doit être purgé, et l’on présume à juste titre que le notaire français veillera davantage à cette formalité essentielle que le rédacteur étranger de la cession de parts.
B – La nature juridique de cette constatation
Problématique. – Nous rejoignons, avec l’article 726 du CGI, une problématique très voisine de celle que présente l’article 710-1 du Code civil. Qu’est-ce, au juste, qu’un acte de « constatation » de la cession de parts ? Il est certain que l’acte de constatation n’est pas l’acte de cession, lequel, par définition, a déjà été conclu à l’étranger. Il résulte de cette distinction les mêmes interrogations que celles évoquées pour l’application de l’article 710-1 : l’acte doit-il être à nouveau signé par toutes les parties ? Dans l’affirmative, que faire si l’une d’elles est, entre-temps, introuvable, incapable, en faillite, dissoute ou décédée ? Il en découle aussi une question majeure : jusqu’à quel point le notaire requis de dresser l’acte de constatation doit-il étendre ses vérifications et son devoir de conseil ? En d’autres termes, lorsqu’il confie au notariat le soin de constater les cessions de parts de sociétés immobilières réalisées à l’étranger, le législateur, dont la première intention est à l’évidence purement fiscale, a-t-il aussi une « arrière-pensée » de sécurisation de l’opération ? Aux trois raisons avouées par le législateur, il nous paraît, en effet, possible d’en ajouter une quatrième. L’intervention d’un notaire peut permettre de sécuriser l’opération en délivrant aux parties une meilleure information. Il est, sans conteste, mieux placé qu’un professionnel étranger pour renseigner le cessionnaire sur la situation de l’immeuble appartenant à la société. Cela suppose cependant qu’il soit saisi en amont de l’opération, soit avant la signature de l’acte étranger, ce que la loi n’impose nullement, puisqu’il s’agit de constater en France une cession déjà intervenue. Mais certains professionnels (et notamment certains notaires) étrangers sont attentifs à une collaboration précoce, et prennent contact avec un notaire français dès l’origine du dossier.
Mission du notaire. – Dans cette hypothèse de saisine en amont, et bien que, littéralement, il n’en soit pas chargé, le notaire français pourra se charger, en lien avec les parties et le rédacteur de l’acte de cession, des formalités indispensables telles que la purge du droit de préemption urbain et la désignation d’un représentant accrédité au titre de l’impôt sur la plus-value. Il procédera aux vérifications relatives à l’actif immobilier (situation hypothécaire et d’urbanisme), à la copropriété, le cas échéant (retards éventuels de charges, travaux votés, etc.), et conseillera aux parties de faire établir un dossier de diagnostics techniques. Il pourra aussi attirer l’attention des parties et du rédacteur sur l’intérêt de stipuler une garantie de passif au profit de l’acquéreur. En bref : il fera œuvre de sécurité juridique.
En revanche, sa mission diffère s’il n’est saisi qu’en aval, d’une constatation stricto sensu : conseils et vérifications sont alors sans portée, car l’opération est déjà conclue. L’acte de constatation ne peut ajouter à l’acte de cession : il ne fait que le relater. Si, en pareille hypothèse, une irrégularité de nature à mettre en cause la validité de la cession est constatée, le notaire doit attirer l’attention des parties sur ce risque. Le cas échéant, il devrait être possible de rectifier la situation en réitérant la cession, ce qui suppose, contrairement à la simple constatation, qu’intervienne devant le notaire français un nouvel accord de volontés. Mais cette solution s’assortit d’un inconvénient fiscal, car la répétition de l’opération peut donner lieu à une double perception.
Conclusion
Nous préconiserions volontiers de remplacer la réitération de la convention passée à l’étranger par sa retranscription. Il ne faut pas voir là une simple question de vocabulaire. L’idée de réitération semble accréditer celle selon laquelle l’acte étranger, non réitéré, serait inexistant ; conception peu respectueuse du contrat passé à l’étranger, dont l’article nous dit cependant qu’aucun acte ni droit ne peut en résulter. Au contraire, parler de « retranscription du contrat » dans un acte reçu par un notaire exerçant en France aurait l’avantage de ne pas négliger l’existence du contrat étranger. La retranscription pourrait s’effectuer sans nouveau concours des parties, en vertu d’un pouvoir irrévocable donné aux termes mêmes de l’acte à retranscrire. Et nous suggérerions volontiers que, dans l’Union européenne, le certificat d’authenticité que préfigure l’article 60 du règlement « Bruxelles I bis » fasse mention de l’existence de ce pouvoir, ce qui présenterait l’avantage de rappeler au juriste en charge de l’établissement de ce certificat l’importance d’inclure ledit pouvoir dans l’acte à réitérer en France.
Demeurera alors, pour le notaire français, une importante question quant à la possibilité de réparer, à l’occasion de la retranscription, les vices dont, par ignorance, le contrat étranger pourrait être affecté. Si l’on imagine assez bien qu’il puisse apporter à ce contrat les compléments nécessaires à la publicité foncière, que se passera-t-il en présence, par exemple, d’un droit de préemption non purgé, ou de pièces obligatoires non annexées ? C’est là un tout autre débat…
[1] C. Pamboukis, La circulation des actes authentiques dans l’espace judiciaire européen, intervention à la conférence du 6 octobre 2008 co-organisée par le ministère français de la Justice et le Conseil supérieur du notariat : La circulation des actes authentiques dans l’espace judiciaire européen.
[2] Traduction littérale : la « propriété en main commune ».
[3] P. Callé, La loi applicable au contrat de vente immobilière. Quid des règles dites impératives ?, JCP N 2013, n° 26, 1170.
[4] 110e Congrès des notaires de France, Vie professionnelle et famille : place au contrat, Marseille, 2014.
[5] J. Gasté et X. Ricard, Quels sont les diagnostics à fournir en matière de vente en contexte international ?, JCP N 2014, n° 22, 1207.
[6] On renverra à ce sujet aux développements de Thomas Gruel et Cyrille Farenc, respectivement président et rapporteur de la 1re commission « Sécurité authentique ».
[7] Règl. PE et Cons. n° 650/2012/UE, 4 juill. 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, JOUE 27 juill., n° L 201. On renverra ici aux développements très complets de Gilles Bonnet et Delphine Vincent, respectivement président et rapporteur de la 3e commission « Sécurité juridique et transmission ».
[8] C. Nourrissat, P. Callé, P. Pasqualis et P. Wautelet, Pour la reconnaissance des actes authentiques au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, LPA 2012, n° 68, p. 6.
[9] V. P.-F. Cuif, Réforme de la publicité foncière (C. civ., art. 710 - 1) : nouvelles règles et nouvelles pratiques pour le notaire, Bull. CRIDON Paris 1er-15 août 2011, n° 25.
[10] Règl. PE et Cons. n° 1215/2012/UE, 12 déc. 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable aux actes authentiques établis à compter du 10 janvier 2015, JOUE 20 déc., n° L 351.
[11] E. Jacoby, Le certificat successoral européen et les registres fonciers – Libres propos, JCP N 2013, n° 11, 343.
[12] Créé par Règl. PE et Cons. n° 650/2012/UE, 4 juill. 2012, précité.
[13] C. civ., art. 710-1.
[14] P.-F. Cuif, Réforme de la publicité foncière (C. civ., art. 710 - 1) : nouvelles règles et nouvelles pratiques pour le notaire, Bull. CRIDON Paris 1er-15 août 2011, n° 25.
[15] À cette différence près que l’affectation hypothécaire par acte étranger sur un immeuble situé en France se trouve frappée de nullité, et non d’une simple inopposabilité. Elle est, par suite, insusceptible d’exécution. Cette rigueur est depuis longtemps justifiée par le nécessaire contrôle des pouvoirs nationaux sur l’exécution qui, en matière d’hypothèque, opère une véritable expropriation du débiteur. Troplong écrivait ainsi : « On n’arrache pas une propriété à un citoyen sans que la société en conçoive quelques inquiétudes. La puissance nationale inspire seule assez de confiance pour qu’on lui ait réservé exclusivement le droit d’ordonner ce moyen de contrainte ; il ne peut donc résulter que d’actes émanés des délégués du prince, et jamais de contrats passés devant les officiers étrangers » (R.-T. Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre du Code, Charles Hingray, 1840, Privilèges et hypothèques, chap. III, art. 2128).
[16] L. fin. rect. n° 2011–1117, 19 sept. 2011, JO 20 sept., commentée par Instr. 7 D-1-12, n° 62, 4 août 2012.
[17] Il s’agit, en bref, des personnes morales dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France, ou de participations dans d’autres personnes morales elles-mêmes à prépondérance immobilière.
[18] Sur lesquels s’imputent, toutefois, les droits payés à l’étranger.
Par Éric Cevaër, Notaire à Cap d’Ail, et Cécile Davèze, Notaire à Toulouse, Président et Rapporteur de la 4e commission du 111e Congrès de notaires de France: "Sécurité juridique et vente d’immeuble".
Paru in Dr. & Patr. 2015, n° 246, p. 32 (avr. 2015)