Précisions sur le délai de prescription du recours cambiaire du porteur du chèque contre le tireur
Par Pauline Pailler, Professeur à l’université de Reims
Un chèque, émis le 27 juillet 2005, s’avère, lors de sa remise à l’encaissement, en juillet 2006, dépourvu de provision. Le 24 septembre 2009, le porteur du chèque assigne le tireur en paiement du montant du chèque. La cour d’appel condamne au paiement le tireur, qui forme un pourvoi. Ce dernier relève que le recours cambiaire ne peut être exercé que dans le délai de six mois à compter de l’expiration du délai de présentation, délai qui n’a pas été respecté en l’espèce.La chambre commerciale rejette toutefois le pourvoi. Elle juge « qu’il résulte de l’article L. 131-59, alinéas 1 et 3, du Code monétaire et financier que, si les actions en recours du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés se prescrivent par six mois à partir de l’expiration du délai de présentation, il subsiste un recours, fondé sur le droit du chèque, du porteur contre le tireur qui n’a pas fait provision », précisant que « ce recours spécifique suppose toutefois que le défaut de provision soit constaté ». La chambre commerciale ajoute que « le même article, en son deuxième alinéa, dispose que l’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l’expiration du délai de présentation, ce dont il se déduit que le tireur du chèque, qui doit constituer la provision au plus tard lors de son émission, est tenu de la maintenir jusqu’à l’expiration de ce délai ». Dès lors, « il en résulte que le défaut de provision, qui permet l’ouverture de ce recours spécifique, doit être constaté avant l’expiration du délai de prescription prévu par l’alinéa 2 de l’article L. 131-59 dudit code, qui est d’une année courant à partir de l’expiration du délai de présentation ».
Observations : La prescription des recours cambiaire est brève. S’il n’a pas respecté le délai de six mois à compter de l’expiration du délai de présentation, le porteur ne peut se prévaloir du recours cambiaire contre le tireur (C. mon. fin., art. L. 131-59, al. 1er), sauf le cas où le tireur ne justifie pas avoir fait provision (C. mon. fin., art. L. 131-59, al. 3). Dans cette dernière hypothèse, le porteur négligent conserve ses droits. La chambre commerciale précise ici que le défaut de provision doit alors être constaté avant l’expiration du délai d’un an à compter de l’expiration du délai de présentation.
Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-23.950, FS-P+B+R+I
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1055, 9 mai 2016