Organisation territoriale des juridictions : « Ne pas rouvrir les cicatrices de la réforme de 2007 »
Paru dans Droit & Patrimoine N°277 - Février 2018
Par Anne PORTMANN - Journaliste Droit & Patrimoine
Les deux députés chargés du rapport sur l’adaptation du réseau des juridictions françaises ont précisé qu’il n’y aurait aucune suppression des lieux de justice existants.
Les députés Dominique Raimbourg (PS) et Philippe Houillon (LR), lorsqu’ils ont présenté leur rapport sur la réforme de l’organisation territoriale des juridictions, ont tous les deux insisté sur les séquelles causées par la réforme de la carte judiciaire de 2007, qui « marque encore fortement les esprits ». Les rapporteurs, qui ont entendu plus de 200 personnes, sont donc soucieux de « ne pas rouvrir les cicatrices ». Ils ont identifié trois préalables nécessaires à la crédibilité de la réforme qu’ils proposent : un effort budgétaire pour remplacer les postes vacants, le recentrage du juge sur ses missions et l’instauration d’un véritable dialogue entre les acteurs du secteur. Les députés ont répété, en outre, qu’il n’y aurait aucune fermeture de juridictions déjà existantes, ni de dévitalisation. L’organisation des cours d’appel serait ainsi repensée à l’échelle de la région « en harmonie » avec l’organisation administrative, sans suppression de cour lorsqu’il y en a plusieurs, mais avec la désignation, dans chaque région, d’une cour d’appel chargée de la coordination et de l’animation dans le territoire. Cette cour d’appel régionale pourrait également piloter la gestion budgétaire des juridictions. Une concertation régionale sera mise en place pour la modification des ressorts géographiques. Concernant la compétence matérielle, un socle commun sera attribué à toutes les cours. S’y ajouteront des compétences juridictionnelles spéciales, réparties entre toutes les cours de la région, selon les spécificités locales. « Pourquoi ne pas confier, par exemple les accidents de montagne à la cour d’appel de Chambéry ? », a ainsi suggéré Nicole Belloubet, invitée à l’assemblée générale de la Conférence des bâtonniers le samedi 27 janvier dernier. Expliquant que les propositions du rapport visaient à promouvoir un travail en réseau des juridictions au sein des territoires, les rapporteurs ont également présenté un dispositif original, celui du délestage, qui consiste à confier à une juridiction voisine des dossiers que celle territorialement compétente ne peut pas traiter dans un délai raisonnable. Cette possibilité de délestage pourrait exister pour les cours d’appel, mais également pour les juridictions de première instance. Ces dernières seraient réformées et réparties en deux catégories qui reprendraient un peu, selon Dominique Raimbourg, la distinction entre tribunaux d’instance (TI) et tribunaux de grande instance (TGI).
La première catégorie, celle des tribunaux de proximité, rassemblerait tous les contentieux pour lesquels la représentation obligatoire par avocat n’est pas nécessaire, c’est-àdire les compétences actuelles des tribunaux d’instance auxquelles s’ajouteraient le contentieux du juge aux affaires familiales post-divorce et le contentieux pénal à juge unique.
Les tribunaux judiciaires, eux, traiteraient des litiges pour lesquelles l’assistance d’un avocat est obligatoire. Pour cette seconde catégorie de juridiction, une « cohérence départementale » sera respectée, toujours sans suppression, mais avec éventuellement des modifications de ressort. « C’est la première phase de la concertation » a déclaré Nicole Belloubet, qui a ajouté qu’en raison des contraintes législatives, la seconde phase de concertation durerait un mois et demi, le texte devant être présenté en Conseil d’État mi-mars pour une proposition de loi au printemps.