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Les enquêtes ne peuvent autoriser une immixtion dans la vie privée que si celle-ci est indispensable et proportionnée au regard du but poursuivi

Par DROIT&PATRIMOINE

Par Pauline Pailler, Professeur à l’université de Reims

À la suite d’un accident de la circulation, le rapport de l’expert judiciaire fait état de discordances entre les plaintes de la victime et les bilans médicaux normaux. L’assureur confie alors à une société une mission d’enquête, afin de vérifier le degré de mobilité et d’autonomie de la victime. Celle-ci assigne l’assureur pour avoir porté une atteinte illégitime au droit au respect de sa vie privée. La cour d’appel fait droit à cette demande et condamne l’assureur au paiement de la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts. L’assureur forme un pourvoi, selon lequel une atteinte à la vie privée peut être justifiée si elle est proportionnée au but poursuivi. Mais la première chambre civile rend un arrêt de rejet : elle juge « qu’après avoir décidé, à bon droit, que les opérations de surveillance et de filature menées par les enquêteurs mandatés par l’assureur étaient, par elles-mêmes, de nature à porter atteinte à la vie privée de [la victime] et de [sa mère], la cour d’appel a, par motifs propres et adoptés, énoncé qu’il convenait d’apprécier si une telle atteinte était proportionnée au regard des intérêts en présence, l’assureur ayant l’obligation d’agir dans l’intérêt de la collectivité des assurés et, pour ce faire, de vérifier si la demande en réparation de la victime était fondée ; qu’ayant constaté que les opérations de surveillance avaient concerné l’intérieur du domicile de [la victime] et de sa mère, que les enquêteurs avaient procédé à la description physique et à une tentative d’identification des personnes s’y présentant et que les déplacements de [la mère] avaient été précisément rapportés, elle a pu en déduire que cette immixtion dans leur vie privée excédait les nécessités de l’enquête privée et que, dès lors, les atteintes en résultant étaient disproportionnées au regard du but poursuivi ».
Observations : Si la Cour a consacré un droit à la preuve (Cass. 1re civ., 5 avr. 2012, n° 11-14.177), qui peut notamment être invoqué par l’assureur, celui-ci doit respecter une double condition pour être conciliable avec le droit à la protection de la vie privée : l’immixtion doit être nécessaire et proportionnée au but poursuivi.

Cass. 1re civ., 22 sept. 2016, n° 15-24.015, FS-P+B+I










Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1071, 3 octobre 2016










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