L’administrateur ne peut privilégier le revendiquant le plus diligent au détriment des autres fournisseurs qui ont aussi présenté leurs demandes dans le délai légal
Par Pauline Pailler, Professeur à l’université de Reims
À la suite de la procédure de sauvegarde ouverte le 8 mars 2012 à l’encontre d’un débiteur, un créancier, le 4 avril, revendique 32 000 litres de carburant livrés avec réserve de propriété ou leur contre-valeur. La cour d’appel accueille cette demande dans la limite de 3 740 litres : elle retient que l’administrateur peut acquiescer à une demande de revendication sans attendre l’expiration du délai de revendication ; or, s’il restait dans les cuves du débiteur 80 000 litres de carburant à la date de l’ouverture de la procédure, 65 000 litres ont été attribués à un fournisseur qui a exercé sa demande de revendication le 9 mars, acquiescée le 19 mars, les 15 000 restant étant répartis entre les deux créanciers ayant exercé leur revendication concomitamment le 4 avril.Mais la chambre commerciale rend un arrêt de cassation au visa des articles L. 624-9, L. 624-16 et L. 624-17 du Code de commerce : elle juge « qu’il résulte du deuxième de ces textes que l’existence en nature des biens fongibles pouvant être revendiqués dans la procédure collective de l’acquéreur s’apprécie au jour de l’ouverture de celle-ci ; que lorsque plusieurs vendeurs avec réserve de propriété revendiquent, dans le délai de trois mois prévu par le premier texte, les mêmes biens, ceux-ci doivent leur être restitués à proportion de la quantité livrée par chacun d’eux et restant impayée à la date de l’ouverture ; qu’il en résulte que, si l’administrateur judiciaire peut, conformément au troisième texte, acquiescer à de telles demandes de revendication, il ne peut procéder à la restitution des biens avant l’expiration du délai de revendication » ; dès lors, le cour d’appel ne pouvait pas privilégier « le revendiquant le plus diligent au détriment des autres fournisseurs ayant également présenté leurs demandes dans le délai légal ».
Observations : Si la propriété réservée constitue une sûreté extrêmement efficace en cas de procédures collectives, le revendiquant de biens fongibles est toutefois soumis à une certaine discipline collective. En cas de pluralité de créanciers revendiquant les mêmes biens, la restitution doit s’effectuer à proportion et à l’expiration du délai de revendication.
Cass. com., 29 nov. 2016, n° 15-12.350, FS-P+B+R+I
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1081, 12 décembre 2016