L’ autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision
Par Pauline Pailler, Professeur à l’université de Reims
La chambre correctionnelle de la cour d’appel de Nancy, dans un arrêt de 2002 devenu irrévocable, juge un homme coupable de trouble à la tranquillité d’autrui par appels téléphoniques malveillants réitérés et, sur l’action civile, responsable du préjudice subi par la victime, qui avait fait une tentative de suicide. La victime demande l’indemnisation de son préjudice à un tribunal de grande instance. La cour d’appel, pour rejeter sa demande, énonce que n’est pas rapportée la preuve de l’existence d’un lien de causalité directe entre la tentative de suicide et les appels malveillants. Mais la deuxième chambre civile rend un arrêt de cassation au visa de l’article 1351 du Code civil : elle juge que « l’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision » ; or, la cour d’appel de Nancy, dans son arrêt de 2002, « avait motivé sa décision en retenant que les agissements délictueux (du coupable) étaient de façon directe et certaine la cause du préjudice de la partie civile ».Observations : En principe, seul le dispositif a autorité de la chose jugée (CPC, art. 480 ; Cass. ass. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033) : les motifs décisifs qui n’y figurent pas n’ont pas autorité de la chose jugée (Cass. 2e civ., 12 mars 1981, n° 79-13.161). Par exception, la Cour juge cependant, comme elle l’avait déjà fait auparavant (Cass. 2e civ., 5 juin 2008, n° 07-13.256), que les motifs qui sont le soutien nécessaire de la décision pénale ont autorité de la chose jugée au civil.
Cass. 2e civ., 30 juin 2016, n° 14-25.070
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1065, 18 juillet 2016