Il ne peut y avoir révocation d’une donation pour ingratitude si les faits ont été commis à l’encontre de la société du donateur
Par Cécile Le Gallou, Maître de conférences HDR, Université de Toulouse I Capitole
Lors de son divorce, un époux entend révoquer la donation faite à sa femme. La cour d’appel le déboute car elle considère que ce qu’il lui avait transmis n’est pas une donation, l’épouse ayant participé volontairement et gratuitement à l’activité de la société de son mari. Au visa de l’article 214 et de l’article 1096 ancien du Code civil, la Cour de cassation censure ce raisonnement, car elle ne pouvait avoir statué ainsi « sans constater que la participation de l’épouse avait excédé son obligation de contribuer aux charges du mariage ». La cour d’appel rejette la demande de prestation compensatoire au motif que, malgré l’importante disparité entre les situations financières des parties, celle-ci préexistait au mariage et s’était maintenue par la suite malgré l’union. La Cour de cassation censure à nouveau pour violation des articles 270 et 271 du Code civil, car elle ne pouvait se fonder « sur des circonstances antérieures au mariage ». Enfin, l’époux avait réclamé la révocation d’une autre donation pour cause d’ingratitude, car l’épouse avait été condamnée pour escroquerie à l’encontre de la société de son mari. Mais la cour d’appel le déboute, ce que la Haute juridiction approuve, car « selon l’article 955 du Code civil, la révocation d’un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis à l’encontre du donateur ».Observations : La prestation compensatoire peut être refusée pour des raisons d’équité (C. civ., art. 270), mais non pour des faits antérieurs au mariage ou à la séparation (rappr. Cass. 1re civ., 4 févr. 1987, n° 85-16.374 ; Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 10-10.781). Le bien donné par un époux à son conjoint constitue une donation rémunératoire, si ce dernier participe à l’activité de l’autre sans être rémunéré, en dépassant sa contribution aux charges du mariage (Cass. 1re civ., 8 févr. 2000, n° 98-10.846). Enfin, la révocation pour ingratitude ne doit s’appuyer sur des faits commis par le donataire qui ne concernent que le donateur et non sa société (C. civ., 957).
Cass. 1re civ., 19 oct. 2016, n° 15-25.879, P+B+I
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1075, 31 octobre 2016