Gouvernance : entretien avec Bruno Tesson
Paru dans Dirigeants n°6 - décembre 2018
Entretien avec Bruno Tesson, Président fondateur du Campus des Dirigeants Président du Conseil de Surveillance du Groupe Tesson
Propos recueillis par Lucy Letellier
C’est en travaillant sur les problématiques et leviers de croissance des entreprises que Bruno Tesson décide de co-fonder le Campus des Dirigeants dont la mission est de mettre les dirigeants en capacité de se transformer et de transformer leur entreprise. Voici quelques clés en matière de gouvernance.
Quels sont les fondamentaux d’une bonne gouvernance ?
Une bonne gouvernance, c’est le meilleur équilibre entre les pouvoirs, dans le contexte propre de chaque entreprise ou organisation. Et cet équilibre est recherché, d’une part parce que l’entreprise réunit différentes parties prenantes (actionnaires, collaborateurs salariés, partenaires, clients, fournisseurs, pouvoirs publics, environnement…), et d’autre part parce qu’aucune de ces parties n’est en capacité à elle seule de défendre l’intérêt général, le « bien commun ». L’équilibre entre les pouvoirs est aussi recherché parce que le pouvoir absolu, concentré sur une ou quelques têtes, est pénalisant et souvent dangereux pour l’entreprise et finalement aussi pour ceux et celles qui l’exercent.
Rappelons que dans les entreprises, les associations, les fondations, les mutuelles, les coopératives, trois formes de pouvoirs s’exercent : le pouvoir souverain, celui des actionnaires ou des adhérents réunis en assemblée générale, le pouvoir exécutif, celui qui est confié à la direction générale (DG/CEO) pour le pilotage de l’entreprise et le déploiement de la stratégie, le pouvoir de contrôle, celui du conseil (d’administration/ de surveillance). Ces trois pouvoirs doivent s’exercer pleinement et de façon distincte. Il ne s’agit pas d’appréhender la gouvernance comme une compétition entre les formes de pouvoirs, (« je te tiens par la barbichette »), mais plutôt comme une saine coopération de ces formes de pouvoirs au service de la pérennité et de la réussite de l’entreprise.
À quoi doit veiller le dirigeant lors de la mise en place d’organes de gouvernance au sein de son entreprise ?
La volonté de structurer la gouvernance d’entreprise est saine. Toutefois, le dirigeant doit être conscient que le fonctionnement d’organes de gouvernance, comme la mise en place d’un comité de direction (dans la fonction exécutive) ou la mise en place d’un conseil (conseil d’administration, comité stratégique…), requiert de la réflexion préalable, puis de l’énergie, de la discipline et de la persévérance. C’est pourquoi, le dirigeant ne peut s’y engager que par conviction et par volonté. Il doit être conscient de ce que cela implique pour lui dans l’exercice du pouvoir et dans son organisation personnelle. Il doit être au clair avec ce que lui-même et l’entreprise peuvent en attendre. Enfin, le dirigeant ne doit pas plaquer des dispositions de gouvernance. Il peut s’inspirer des grands principes et en rechercher la meilleure adaptation au contexte propre de son entreprise : « quelle gouvernance pour ma PME ? »
Quelles sont les idées fausses à combattre en matière de gouvernance au sein des PME/ETI ?
La plus grande idée fausse est que la gouvernance est un sujet réservé aux grandes entreprises. On ne met pas en oeuvre des organes de gouvernance parce que l’entreprise s’est développée. On les met en oeuvre pour se développer. Nous évoquons souvent en France le fait que nos PME touchent leur plafond de verre plus vite qu’en Allemagne. Certes, on peut évoquer la fiscalité, les effets de seuil… Mais réalisons aussi qu’en Allemagne, la fonction de PDG n’existe pas. La fonction PDG conduit en France à faire porter par une même personne la fonction exécutive (DG) et la fonction de président (du conseil). C’est une situation dans laquelle la même personne anime l’instance chargée de la contrôler elle-même, de la challenger ! Voilà pourquoi, un entrepreneur, même actionnaire unique ou majoritaire de son entreprise a intérêt à scinder la fonction exécutive (DG) et celle du conseil (président). Il peut, par exemple, avoir intérêt, comme actionnaire, à désigner un conseil et un président de conseil pour se faire « surveiller » lui-même en tant que DG/CEO.
Lors d’une transmission/cession, quels sont les points sur lesquels il faut être attentif en matière de gouvernance ?
Une entreprise dont la gouvernance est organisée et saine se valorise mieux lors de sa transmission. Parce que son fonctionnement est moins dépendant du cédant. Mais tout ceci ne se met pas en place en un jour ! Installer les organes ad hoc est une chose, les rendre performants en est une autre. C’est pourquoi, on a largement intérêt à anticiper la transmission sur le plan de la gouvernance d’entreprise.