Communauté : la valeur empruntée ayant servi à acquérir un bien comprend les frais liés à cette acquisition
Par Cécile Le Gallou, Maître de conférences HDR, Université de Toulouse I Capitole
Un couple, marié sous le régime légal de la communauté, divorce. L’ex-époux réclame le remboursement de 13 000 euros prêtés à sa compagne avant le mariage. La cour d’appel retient qu’il se trouvait dans l’impossibilité morale de fournir la preuve du prêt en raison de leur affection. Mais la Cour de cassation censure ce raisonnement au visa des articles 1315, alinéa 1er ancien (art. 1353, al. 1er nouv.) et 1348 ancien du Code civil en rappelant qu’il « incombe au demandeur, qui s’est trouvé dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve écrite, de prouver par tous moyens l’obligation dont il réclame l’exécution » ; la cour d’appel a donc renversé la charge de la preuve car « l’impossibilité morale pour [l’ex-mari] d’obtenir un écrit ne le dispensait pas de rapporter la preuve par tous moyens du prêt allégué ». Par ailleurs, l’ex-mari réclame une récompense à la communauté pour avoir financé l’acquisition d’un immeuble commun. La cour d’appel y fait droit et ajoute qu’il peut aussi prétendre à récompense pour paiement des frais d’acquisition. La Cour de cassation censure, au visa de l’article 1469, alinéa 3, du Code civil, et affirme que « la valeur empruntée ayant servi à acquérir un bien comprend les frais liés à cette acquisition » sans distinction « selon que la valeur empruntée a financé entièrement ou partiellement cette acquisition ». Ainsi, « la récompense due par la communauté pour la totalité de l’apport de [l’ex-mari], y compris les frais liés à l’acquisition et la commission de l’agent immobilier, ne pouvait dépasser le profit subsistant ».Observations : La détermination de la valeur empruntée pour le calcul de la récompense (C. civ., art. 1469, al. 3) intègre les frais d’acquisition (Cass. 1re civ., 26 juin 2013, n° 12-13.757). Le versement d’argent (Cass. 1re, 28 févr. 1995, n° 92-19.097) et l’absence de preuve de l’intention libérale ne suffisent pas à prouver l’existence d’un prêt. L’impossibilité morale (C. civ., art. 1348 anc. ; art. 1360 nouv.) de prouver par écrit n’empêche pas toute autre preuve.
Cass. 1re civ., 19 oct. 2016, n° 15-27.387, P+B
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1076, 7 novembre 2016