Bail commercial et loyer binaire : le juge des loyers peut fixer, si le contrat le prévoit, le minimum garanti à la valeur locative
Par Cécile Le Gallou, Maître de conférences HDR, Université de Toulouse I Capitole
Un bail commercial contenant un loyer binaire, stipule que, en cas de renouvellement, le loyer de base sera fixé selon la valeur locative telle que déterminée par les articles 23 à 23-5 du décret du 30 septembre 1953 et qu’à défaut d’accord, il serait fixé judiciairement. Le bailleur ayant accepté le principe du renouvellement, il saisit le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer. Mais sa demande est rejetée par la cour d’appel qui considère que la stipulation d’une clause de loyer binaire induit une incompatibilité avec les règles statutaires relatives à la fixation du loyer qui n'est pas fixé selon les critères définis à l'article L. 145-33 du Code de commerce malgré l’accord des parties. Toutefois, la Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’ancien 1134 du Code civil et de l’article L. 145-33 du Code de commerce et affirme que « la stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est composé d'un loyer minimum et d'un loyer calculé sur la base du chiffre d‘affaires du preneur n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative » ; elle ajoute que « le juge statue alors selon les critères de l'article L. 145-33 précité, notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l'abattement qui en découle ».Observations : La clause prévoyant un loyer binaire n’exclut pas la détermination par le juge des loyers commerciaux, du minimum garanti à la valeur locative, pour le bail commercial renouvelé. Encore faut-il que le contrat le prévoie. Ces arrêts sont importants car la Cour de cassation a considéré, traditionnellement, que les modalités de fixation du loyer renouvelé (Cass. 3e civ., 10 mars 1993, n° 91-13.418) ou révisé (Cass. 3e civ., 15 mai 1991, n° 89-20.847) ne relèvent pas des règles statutaires mais du bail (Cass. 3e civ., 29 avr. 2002, n° 01-01.809 ; Cass. 3e civ., 10 mars 2004, n° 02-14.998).
Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, P+B+R+I, nos 15-16.826 et 15-16.827, P+B+R+I
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1077, 14 novembre 2016