3 questions au président du CNUE sur la coopération renforcée en matière de régimes patrimoniaux
D&P : Que pensez-vous de cette proposition de décision ?
P. P. : La proposition de coopération renforcée présentée par la Commission européenne fait suite au blocage constaté en décembre dernier de la part de certains États membres, comme la Hongrie et la Pologne. Nous soutenons la volonté de la Commission de sortir de cette impasse et d’aller désormais de l’avant avec 17 États membres qui représentent, et c’est loin d’être négligeable, 67 % de la population totale de l’Union européenne. D’autant plus que la porte reste ouverte pour les pays qui souhaiteraient rejoindre la coopération dans le futur.
D&P : Comment s’articulent les deux propositions de règlements avec le règlement Successions ?
P. P. : L’Europe compte de plus en plus de couples plurinationaux ou de couples résidant dans plusieurs pays au cours de leur vie commune : 16 millions selon les chiffres avancés par la Commission. Aujourd’hui, il peut leur être très difficile de savoir quelles sont les juridictions compétentes et les législations applicables à leur situation et à leurs biens.
Avec ces règlements, la juridiction compétente pour traiter d’une succession sera dans la plupart des cas la même que celle en charge des questions connexes relatives au régime matrimonial ou au partenariat enregistré. De plus, les couples auront la possibilité de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial ou à leur partenariat enregistré. Ainsi, au moment du règlement de la succession d’un des conjoints ou partenaires, la détermination du partage entre les différents héritiers sera facilitée.
D&P : Sous l’effet de ces textes, comment la pratique de la profession de notaires est-elle amenée à évoluer ?
P. P. : Ces textes suivent l’essor constant, au niveau européen, de l’autonomie de la volonté en droit de la famille. Les citoyens attendront des notaires un avis toujours plus éclairé sur le droit européen et les différents droits nationaux. C’est une opportunité pour renforcer notre rôle de conseillers auprès des familles ; conseillers les accompagnants tout au long des étapes cruciales de leur vie. Toutefois, cela ne se fera pas sans un investissement de fond de notre part. Par exemple, le choix de la loi applicable ne pourra être conseillé sans connaissance du contenu des droits entre lesquels il faut choisir. De plus en plus, nous aurons l’obligation de suivre les évolutions du droit international privé et du droit européen. Une tâche ardue, je le conçois, mais pas insurmontable.
Propos recueillis par Clémentine Delzanno
Interview publiée dans Droit & patrimoine l'hebdo 2016, n° 1046 (7 mars 2016)