Rapport de L’Observatoire européen de la fiscalité dresse le bilan de 10 ans de politique fiscale.
Le rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité, laboratoire de recherche indépendant, créé en 2011 par l’École d’économie de Paris est une synthèse du travail mené par plus de 100 chercheurs du monde entier, souvent en partenariat avec les administrations fiscales. C’est la première fois, depuis sa création, que l’Observatoire prend en compte des données fiscales issues des initiatives politiques prises durant la dernière décennie, à savoir les rapports pays par pays des activités des entreprises multinationales et l’échange automatique d’informations bancaires. Le rapport ne s’intéresse pas seulement à la fraude fiscale au sens strict, mais à l’ensemble des pratiques, légales ou non, qui diminuent les recettes gouvernementales et accroissent les inégalités.
Quelles évolutions ?
Le rapport dresse trois constats principaux. En premier lieu, il estime qu’en 10 ans, l’évasion fiscale offshore a été divisée par trois, notamment grâce à l’échange automatique d’informations bancaires. Toutefois, 1 000 mds$ ont été encore délocalisés vers les paradis fiscaux en 2022, soit l’équivalent de 35 % de l’ensemble des bénéfices enregistrés par les entreprises multinationales en dehors de leur pays d’origine.
En second lieu, il apparaît que la mesure consistant à prévoir un taux d’imposition minimum mondial de 15 % sur les multinationales, qui avait suscité de grands espoirs en 2021, a échoué. Cette mesure avait pour objectif d’augmenter les recettes fiscales des entreprises à l’échelle mondiale de près de 10 %, mais un nombre croissant de failles a divisé par deux les recettes envisagées. Il apparaît notamment que la mise en place de cette mesure a davantage incité les entreprises multinationales à déplacer leur production vers des pays à très faible fiscalité, incitant les paradis fiscaux à continuer de proposer des taux d’imposition inférieurs à 15 %.
Enfin, l’évasion fiscale, y compris par le biais d’opérations d’optimisation fiscale situées dans une zone grise à la limite de la légalité, se produit de plus en plus au niveau national. Les milliardaires du monde entier ont ainsi réussi à limiter leur taux d’imposition effectif de 0 à 0,5 % de leur patrimoine, en raison de l’utilisation fréquente de sociétés-écrans pour échapper à l’impôt sur le revenu.
Les solutions pour endiguer l’évasion fiscale
Affirmant que l’évasion fiscale n’est pas une fatalité, mais un choix politique, le rapport préconise six solutions pour endiguer le phénomène, insistant sur le fait qu’une action coordonnée des États demeure la meilleure option, mais que certaines actions unilatérales efficaces peuvent aussi être menées. Le rapport préconise l’instauration d’un impôt minimum mondial sur les milliardaires, équivalant à 2 % de leur patrimoine, qui pourrait générer près de 250 mds$ de recettes. Une somme équivalente pourrait également être levée grâce à un impôt minimum mondial renforcé sur les entreprises multinationales qui atteindrait 25 %. Il est aussi suggéré de mettre en place des mécanismes pour taxer les personnes fortunées qui ont été résidents à long terme dans un pays et ont choisi de s’installer dans un paradis fiscal, mais aussi de mettre en œuvre des mesures unilatérales pour collecter une partie des déficits fiscaux des sociétés multinationales et des milliardaires en cas d’échec des accords mondiaux sur ces questions. Il est aussi recommandé de créer un registre mondial des actifs afin de lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale et de renforcer l’application des règles de substance économique et anti-abus.