Trois questions à Pascale Farey Da Rin, associée en droit fiscal des entreprises, cabinet Fidal
Le cabinet d’avocats Fidal, en partenariat avec la Tax Tech Algonomia et l’Augmented Law Institute de l’EDHEC Business School ont publié une étude sur le niveau de maturité numérique des directions fiscales. Synthèse des enseignements essentiels de ce document.
Quel était l’objet de cette étude ?
Elle visait à tester le niveau de maturité digitale des directions fiscales et, au passage, d’évangéliser les grands groupes que nous avons interrogés à l’occasion de cette étude. Il apparaît que si pour 77 % des personnes interrogées, la digitalisation des fonctions fiscales est quelque chose d’important, les directions fiscales ont souvent d’autres sujets prioritaires à gérer au quotidien. Beaucoup ont conscience des enjeux cruciaux liés à la digitalisation, du gain de temps qu’elle permet et de la fiabilité de la data et de l’information qu’elle procure, mais les consignes des directions générales en font souvent un sujet secondaire par manque de temps ou de moyens.
Quels sont les freins à la numérisation ?
Les coûts financiers liés à la numérisation paraissent trop importants aux directions générales, même s’ils sont en réalité amortis assez rapidement. En outre, implémenter les outils et former les collaborateurs prend du temps. Par habitude ou par défiance, les employés ont tendance à préférer ce qu’ils maitrisent et à vouloir conserver leur bon vieux tableur sans en maitriser d’ailleurs toutes les fonctionnalités. L’étude constate qu’en réalité, en dépit des bonnes intentions de tous, le niveau de numérisation est, somme toute, assez faible, surtout si l’on compare aux directions financières et comptables, beaucoup plus avancées. L’administration fiscale, qui a emprunté la voie digitale depuis quelques années impose, de facto aux contribuables d’avoir recours à la digitalisation, et ce mouvement va encore se renforcer, notamment avec les obligations liées à la facturation électronique mais aussi avec les codes de conduite édictés par l’OCDE, en particulier avec le corpus de règles dites Pilier 2 qui vont également en ce sens. Les directions vont devoir se numériser à marche forcée.
Dans ce contexte, quel est le rôle de l’avocat en droit fiscal ?
Le rôle de l’avocat est de rassurer, en expliquant que si certaines matières son amenées à disparaître, d’autres, au contraire vont émerger et que l’on pourra se focaliser sur les tâches à forte valeur ajoutée plutôt que sur des tâches très administratives qui ne sont pas créatives de richesse. Il s’agit essentiellement d’une redistribution des fonctions, d’un redéploiement de l’énergie et non d’une disparition pure et simple de l’humain. Certes des aménagements devront être opérés. Par exemple, si on considère le métier d’avocat fiscaliste, il faudra en redessiner les contours pour intégrer la place du digital et repenser la formation initiale du fiscaliste pour qu’il soit capable, par exemple, de maîtriser certains documents fiscaux qui lui échapperont au profit de l’outil digital. Il s’agit d’un repositionnement. L’avocat devra également veiller à faire comprendre que la digitalisation fragilise la sécurité laissant plus de prise à des cyber attaques pour que le groupe intègre le paramètre cybersécurité en même temps qu’il déploiera son process digital. L’avocat sera aussi force de proposition en amont pour accompagner la stratégie digitale du groupe de façon pertinente, soit en formatant l’organisation pré existante non optimale au plan juridique et fiscal avant de l’intégrer dans un socle digital, soit aussi en identifiant ou en priorisant les besoins de l’entreprise en termes d’outil digital.