Trois questions à Marc Sabaté
Un amendement gouvernemental au projet de loi de finances 2024 envisage de limiter le montant de l’exonération fiscale appliquée à la trésorerie d’une entreprise dans le cadre d’une opération de transmission familiale éligible au pacte Dutreil, à 15 % du montant de celle-ci. La réaction de Marc Sabaté.
En quoi le pacte Dutreil est-il menacé ?
Le pacte Dutreil existe depuis presque 20 ans et il n’a jamais été réformé, ou seulement en marge. Or il est très utilisé, car c’est un outil incontournable pour la transmission familiale des entreprises. Ces derniers temps, le nombre de pactes signés est en forte progression, ce qui a dû paraître suspect au législateur. Ainsi, bien qu’il n’envisage pas de supprimer complètement le dispositif, le gouvernement a annoncé qu’un amendement serait déposé au Sénat, au terme duquel les trésoreries des entreprises qui signent un pacte Dutreil se verraient appliquer une quote-part d’affectation à l’opération de transmission fixée arbitrairement à 15 %, le reste étant présumé « non affecté à l’activité de l’entreprise. » et donc ne bénéficiant pas des abattements Dutreil et soumis à l’appréciation discrétionnaire du contrôle fiscal.
Pourquoi cette réforme ne vous semble pas appropriée ?
En premier lieu, il n’est pas prévu d’évaluer la trésorerie des entreprises concernées par l’application du pacte Dutreil. Les services de Bercy ne sont pas capables d’évaluer quelle serait l’économie d’impôts qui serait réalisée si cette réforme venait à être appliquée. Il semble absurde, dans ces conditions, d’appliquer un abattement forfaitaire dans le cadre d’une opération de transmission, sans prendre en compte les particularités du dossier : l’activité de l’entreprise, la configuration familiale et d’autres choses encore. La transmission d’entreprise est une opération qui coûte cher et qui nécessite du cash, parfois pour désintéresser certains membres de la famille. Il faut donc une analyse approfondie et concertée avant d’appliquer une mesure forfaitaire aussi radicale. C’est d’autant plus dommage que le pacte Dutreil est désormais un outil très intégré dans la chaîne de transmission des entreprises en France et que les dirigeants ont besoin de stabilité et de sécurité juridique.
Que demandez-vous ?
Aux côtés de l’ensemble des associations de la CNCEF, et d’autres associations dont la position est identique, nous demandons le retrait de cette mesure qui, de notre point de vue, met un coup d’arrêt à tout un pan de l’organisation de la gestion patrimoniale de la transmission des entreprises familiales. Nous restons ouverts pour une analyse partagée des modalités d’emploi du pacte Dutreil et sa consolidation dans le cadre d’une concertation à ouvrir avec Bercy et les autres parties prenantes.