Trois questions à Frédéric Abitbol
Dans un arrêt du 7 juillet 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que l ’association de garantie des salaires (AGS) devait verser aux employés les sommes prévues en garantie des salaires sur simple présentation par le mandataire ou le liquidateur d’un relevé des créances des salariés de l’entreprise. Analyse.
À quelles difficultés pratiques étaient confrontés les mandataires et les liquidateurs judiciaires pour le paiement des créances salariales et dans quelles proportions ?
Les difficultés de fonctionnement de l’AGS ont démarré fin 2019, et n’ont cessé de s’aggraver, jusqu’à rendre en effet incertain le message pouvant être passé aux salariés des entreprises en difficulté. Là où, historiquement, nous pouvions leur répondre en confiance, de la façon la plus simple, que tout le monde serait évidemment payé, dans la limite des plafonds de garantie, et qu’ils seraient payés très vite, le revirement de l’AGS avait conduit à un message désormais beaucoup plus trouble. L’avance de leurs salaires s’est trouvée soumise à un véritable arbitraire, engendrant des aléas évidemment délétères, non seulement pour les salariés qui se trouvaient déjà en situation de fragilité, mais également pour les entreprises en difficulté elles-mêmes. Si on ne peut pas assurer aux salariés qu’ils seront payés de leur dû, qu’ils le seront sans discussion, et qu’ils le seront en quelques jours, il est évidement que le climat social s’en ressent, au détriment de tous. Cette décision est donc, avant tout, une grande victoire pour les salariés.
L’exigence de contrôle a priori de l’insuffisance des fonds par les AGS était-elle fréquente, systématique ?
C’était une pratique relativement nouvelle, contraire à des décennies de bon fonctionnement de l’AGS. Nous avons constaté qu’elle tendait à se répandre, mais avec beaucoup de disparités selon les affaires et selon les régions. L’arbitraire régnait, conduisant à une situation objectivement illisible. Les théories récemment développées par l’AGS avaient déjà été censurées par de nombreuses décisions de justice, sans que cela suffise à faire respecter la loi. L’intervention de la Cour de cassation vient donc remettre bon ordre dans les procédures, et c’est une très bonne chose. Sur les procédures qui sont encore en cours, nous espérons que l’AGS renoncera à soutenir son argumentaire désormais définitivement invalidé, et avancera les fonds attendus par les salariés sans plus attendre.
Les relations des professionnels des procédures collectives avec les AGS
vont-elles s’apaiser ?
En dehors d’une bien malheureuse parenthèse de trois ans, les professions que je représente ont toujours entretenu des relations de travail professionnelles, efficaces et loyales avec l’AGS. Il n’y a pas de raison que la situation ne revienne pas enfin à la normale. C’est l’intérêt de tous que les contentieux cessent, et que chacun puisse recommencer à travailler normalement, à la place qui est la sienne, pour l’accompagnement des entreprises en difficulté et de leurs salariés.