Trois questions à Cosita Delvaux, présidente du CNUE
À la tête du Conseil des Notariats de l’Union européenne (CNUE) pour 2025, Cosita Delvaux, notaire luxembourgeoise, porte une vision ambitieuse et inclusive pour l’avenir du notariat européen.
Étant la première femme élue présidente du CNUE, quelle est votre vision pour l’avenir de l’organisation ?
Cosita Delvaux (C.D.) : Être la première femme élue présidente du CNUE est à la fois un honneur et une responsabilité. En même temps, force est de constater que mon élection illustre l’évolution de notre profession. De plus en plus de femmes choisissent une carrière dans le notariat. Dans plusieurs pays, elles représentent même la majorité des notaires et occupent des postes décisionnels. Je suis convaincue du rôle sociétal du notariat sur ces questions. Chaque jour, ce sont plusieurs milliers de citoyens qui consultent nos études. Nous sommes en première ligne pour observer que les enjeux liés à l’égalité des genres se manifestent également dans des domaines tels que les relations familiales, l’accès à la propriété, ou encore les choix professionnels.
Comment comptez-vous encourager cela au sein du notariat européen ?
Nous préparons actuellement la publication, prévue pour mars 2025, d’un guide européen intitulé « Renforcer l’égalité des genres ». Ce guide, conçu en partenariat avec l’Union Internationale du Notariat (UINL), vise à promouvoir l’éducation juridique et financière des femmes afin de lutter contre la violence économique, une forme d’abus insidieuse qui limite l’autonomie et prive les victimes de leur indépendance et de leur liberté de choix. Grâce aux conseils pratiques et à des informations pédagogiques, le notariat européen entend jouer un rôle proactif pour favoriser l’autonomisation des femmes, réduire les inégalités structurelles et encourager l’inclusion ainsi que la diversité.
Vous avez mis l’accent sur la protection transfrontalière des adultes comme priorité pour votre mandat. Pourriez-vous expliquer les défis spécifiques que vous voyez dans ce domaine et comment le CNUE compte les aborder ?
C.D. : La protection des adultes est une question cruciale pour l’Europe d’aujourd’hui. Avec une population vieillissante et une mobilité croissante, de nombreuses familles sont confrontées à des situations complexes en raison de règles et de procédures différentes selon les pays. C’est dans ce contexte que nous suivons de près les négociations en cours sur le paquet législatif présenté par la Commission européenne en mai 2023. Il vise à faciliter tant la détermination des juridictions compétentes dans les États membres et la loi applicable que la reconnaissance et l’exécution des mesures de protection prises dans un autre État membre. L’initiative va également dans le sens d’une numérisation accrue des procédures, par la création de registres nationaux et leur interconnexion. Enfin, l’introduction d’un certificat européen permettra aux représentants de prouver plus facilement leurs pouvoirs et de faire valoir leurs droits dans un autre État membre de l’UE.
Dans le cadre du CNUE, nous examinerons les options pratiques pour améliorer la gestion des mandats de protection future, notamment en encourageant la création de registres par les chambres notariales là où ils n’existent pas encore et en explorant la faisabilité de l’interconnexion des registres existants. Ces registres permettraient une meilleure vérification des procurations et de leur validité, tant au niveau national qu’international, offrant ainsi une sécurité juridique renforcée.
Certes, 2025 ne verra pas la création d’un registre européen des procurations, mais elle doit marquer une étape vers une compréhension commune de ce que nous pourrons construire ensemble.
Interview parue en version longue sur le site ADD, le 14 janvier 2025