Trois questions à Audrey Belmont
Dans un arrêt rendu le 15 février 2024, la 2e chambre de la Cour de cassation a achevé de consacrer le droit de résiliation, par l’assureur, d’un contrat d’assurance collective complémentaire santé en cas de liquidation de l’employeur. Explications.
Cet arrêt était-il attendu ?
Oui, il résulte d’un long cheminement de la Cour de cassation, qui, étape par étape, achève de consacrer le droit de résiliation, par l’assureur, du contrat collectif complémentaire de prévoyance ou de frais de santé souscrit par l’employeur au bénéfice des salariés en cas de liquidation. Par cet arrêt, la Cour de cassation interprète les dispositions de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, qui prévoient la portabilité de cette couverture pendant un an en cas de rupture du contrat de travail ouvrant droit au chômage. Cette portabilité est cependant soumise à certaines conditions, dont celle que les garanties soient toujours en vigueur dans l’entreprise. Les juges du fond appliquaient cet article en cas de liquidation en considérant que la condition de garanties en vigueur était remplie à la date des licenciements, peu important la résiliation ultérieure du contrat, ce que les assureurs contestaient. La Cour de cassation juge que la portabilité des droits des salariés licenciés est liée aux garanties en vigueur dans l’entreprise, ce qui implique que le contrat d’assurance ne soit pas résilié, quelle que soit la date de cette résiliation. Dès lors, en cas de résiliation par l’assureur, même postérieurement à la date de licenciement des salariés, la portabilité disparaît.
Quels recours ont les salariés licenciés en pareil cas ?
Ils n’ont aucun recours contre l’assureur, ni au cas d’espèce, contre le liquidateur qui représente l’employeur en cas de liquidation. Ils peuvent seulement souscrire un contrat d’assurance à titre individuel, s’ils n’ont pas retrouvé un emploi qui leur permette d’être couverts par le régime mis en place par leur nouvel employeur ou s’ils ne peuvent pas bénéficier de la couverture de leur conjoint en qualité d’ayant-droit. On notera que bien évidemment, les prestations en cours de versement ne sont pas suspendues et les prestations différées, dont le fait générateur est survenu avant la résiliation, seront également versées.
Quel était le problème avec la portabilité en cas de liquidation ?
Le législateur, lorsqu’il a prévu la portabilité des garanties, a identifié dès le départ que ce dispositif allait poser un problème d’application dans les entreprises en liquidation judiciaire, mais la difficulté est qu’il n’est pas allé au bout de la démarche. Ainsi, il était prévu qu’un rapport sur le système de financement de cette portabilité soit déposé, mais cela n’a jamais été le cas et en réalité, ce sont les assureurs qui finançaient le système en cas de liquidation. Dans le cas d’une société qui subsiste, ce sont l’employeur et les salariés qui restent à l’effectif qui financent la portabilité des garanties, mais quand il n’y a plus personne ?
Pendant des années, les juges du fond ont fait prévaloir un objectif social sur la rigueur du texte. Il ne reste plus qu’à souhaiter que le législateur s’empare du sujet et termine le travail pour concilier l’intérêt des salariés et celui des assureurs.
Réf. : 2e civ., 15 févr. 2024, n° 22-16.132