LA POLITIQUE RÉPRESSIVE DU PARQUET NATIONAL FINANCIER EN MATIÈRE FISCALE
En tant que réponse à l’incivisme fiscal, la politique répressive est la ligne de conduite que les pouvoirs publics suivent pour éradiquer le phénomène de la déviance fiscale (1). Plus précisément, la politique d’application de la norme répressive correspond au programme d’action établi par les autorités sanctionnatrices mettant en oeuvre les moyens légaux contre l’incivisme fiscal. Par leur décision de poursuivre ou non l’auteur du manquement, le choix de l’intensité des peines requises ou encore de recourir à des mécanismes répressifs consentis, les procureurs de la République développent une politique pénale fiscale exprimée lors des audiences solennelles et des réquisitions d’audience, dans les instructions écrites aux enquêteurs, voire dans leurs publications. Traduction concrète des choix faits au niveau gouvernemental (2), leur politique pénale – dont la légitimité descendante est légalisée (3) – peut parfois diverger de celle adoptée par le législateur dans le but d’infliger « la bonne punition ». Pa rmi ces autor ités jud icia i res répressives fiscales, u ne ret ient pa r t icu l ièrement l’at tent ion : le Parquet national financier (PNF). Créé à la fin de l’année 2013 (4) suite aux recommandations de l’OCDE et au x révélat ion s de l’a f fa i re « Cahuzac », ce parquet à compétence nationale est spécialisé dans les infractions les plus complexes en matière économiq ue et financière, notamment cel les portant attei nte au x fi nances pu bl iq ues.
Autonome en raison de la spécificité de son action, il exerce une compétence d’attribution visant, pour la matière fiscale q ui représente 43 % des dossiers traités (5), tous les délits d’escroquerie sur la TVA, de fraude des articles 1741 et 1743 du code général des impôts (CGI) réal isée en bande organ isée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° du II de l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales (LPF), ou encore du blanchiment de ces délits (6). Il poursuit aussi les facilitateurs de ces délits. Jugé e c on s t it ut ion nel le (7), sa compétence est ainsi concurrente à celle des parquets locaux et des juridictions spécialisées pour les délits fiscaux « d’une grande complexité » (8). Concrètement, une circulaire ministérielle du 4 octobre 2021 (9) définit la politique du PNF en l’axant prioritairement sur les f raudes « sophistiquées » commises par les personnes physiques – notamment celles susceptibles de provoquer un fort retentissement ou cel les l iées à des révélations d’ampleur appelant une réponse harmonisée sur le territoire – et « de haute technicité et de grande ampleur » commises par des personnes morales.
Ayant démontré la pertinence de son action et de sa compétence en matière de délits fiscaux (10), le PNF est devenu l’interlocuteur judiciaire privilégié des directions nationales de contrôle fiscal de la direction générale des finances pu bl iq ues (DGFiP) et des services enquêteurs à compétence nationale intégrant des officiers fiscaux judiciaires (11). Il garantit en outre une entraide pénale internationale optimale dans la lutte contre la fraude fiscale (12). Si l’importance de son existence ne fait plus réellement débat (13), s’intéresser à sa politique répressive en matière fiscale recèle un double intérêt. Sur le plan théorique, il s’agit d’apprécier son emploi des dispositifs légaux. Certains pouvant permettre de contourner des contraintes constitutionnelles, un contrôle de sa politique est nécessaire. Sur le plan pratique, l’étude de cette politique permet, dans une certaine mesure, d’anticiper ses choix dans le traitement répressif des manquements fiscaux. Quel que soit le prisme adopté, cette politique répressive apparaît guidée par la recherche de l’efficience de l’action répressive au stade tant de l’opportunité (I) que de l’exercice (II) des poursuites.