Concurrence - Le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des déclarations anonymes
Une société, qui conçoit, fabrique et commercialise des turbines à gaz destinées à la production d’énergie, fait l’objet d’une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), portant sur les clauses contractuelles, dont l’une dite « programme TPS », figurant dans les conditions générales d’achat (CGA), les contrats de fourniture de matériel, intitulés contrats SA, et les contrats de prestations de services types, dénommés MSA.
À la suite de l’enquête, le ministre chargé de l’Économie a, le 1er septembre 2015, assigné la société sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, en cessation de certaines pratiques et en paiement d’une amende civile. La société invoque alors la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense, ainsi que l’atteinte au principe de la loyauté et à l’équité des débats résultant de la production, par le ministre, de déclarations anonymisées au soutien de la démonstration de la condition de soumission ou tentative de soumission de ses cocontractants.
La cour d’appel ayant décidé que les auditions anonymisées versées aux débats par le ministre chargé de l’Économie ne portent pas atteinte à ses droits de la défense, la société forme un pourvoi. La chambre commerciale rend un arrêt de cassation au visa de l’article 6 § 1 et § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Elle juge qu’« 7. Il résulte de ce texte qu’au regard des exigences du procès équitable, le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des déclarations anonymes ». Or, en l’espèce, « 9. […] la cour d’appel s’est fondée, de façon déterminante, sur des déclarations recueillies anonymement pour estimer rapportée la preuve de l’existence d’une soumission des fournisseurs aux clauses contractuelles en cause ».
OBSERVATIONS.
Les sanctions prononcées en droit de la concurrence doivent respecter les garanties du procès équitable de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des déclarations anonymes (v., dans le cadre d’un licenciement, Soc., 4 juillet 2018, n °17-18241)
RÉF. : Cass. Com., 11 mai 2022, n° 19-22242, FS + B.