Trois questions à Jérôme Gavaudan
Paru dans Droit & Patrimoine n°1134 du 19 février 2018
Propos recueillis par Olivier HIELLE
La Conférence des Bâtonniers revient sur le mouvement du 15 février. Dans toute la France, les avocats se sont réunis pour montrer leur désaccord sur les conclusions des Chantiers de la Justice. Trois questions à Jérôme Gavaudan, président de la Conférence des Bâtonniers.
Regrettez-vous le manque d’unité entre vous et le CNB, qui a appelé à manifester à Bobigny ?
J’étais présent aux côtés de Madame le Président du CNB et de Madame le Bâtonnier de Bobigny. L’assemblée générale statutaire de la Conférence des Bâtonniers a été un fort moment d’unité et d’unanimité de la profession : pour la première fois dans son histoire, la Présidente du CNB et Madame le Bâtonnier de Paris ont été invitées à s’exprimer devant les bâtonniers de province. Chacun s’est félicité de la cohésion totale autour des chantiers de la Justice et des territoires.
D’autres mouvements ont été initiés en début de semaine en province, cela vous réjouit-il ?
La Conférence des Bâtonniers était à l’initiative de la manifestation de ce 15 février. L’ensemble des organisations syndicales et professionnelles des acteurs judiciaires s’y est associé. C’est un signe fort démontrant leur grande inquiétude à l’endroit de la réforme d’ampleur annoncée. Les bâtonniers ont été invités à se mobiliser et à adapter leur mouvement localement. Nous ne pouvons que nous féliciter que certains barreaux aient entendu se mobiliser plus largement mais nous les invitons à rester attentifs et réactifs aux annonces prochaines.
Quel message voudriez-vous faire passer pour mobiliser la profession et l’unifi er sur le sujet ?
Les chantiers de la justice annoncent un bouleversement de l’organisation judiciaire. Il est inacceptable dans le pays des droits de l’Homme qu’une telle réforme soit engagée sans une véritable concertation de tous les acteurs qui font la justice au quotidien. À ce jour, nous ignorons tout du projet de loi. Nous avons pris connaissance des 5 rapports de la Justice dont la Ministre nous a précisé qu’il s’agissait de « simples pistes de travail ». Nous y relevons une volonté de déjudiciarisation et si les juridictions ne semblent pas être supprimées, sur la forme, un transfert de compétences en fera disparaître certaines, sur le fond. Or, une juridiction qui ne serait pas de plein exercice conduirait les avocats à s’en éloigner pour un autre territoire, se traduisant par un désert judicaire mais également par une atteinte à la défense des libertés individuelles, les permanences pénales ne pouvant plus être assurées. Les juridictions concernées sont pourtant celles qui sont les plus performantes. Le critère d’effi cacité avancé pour la réforme doit tenir compte de ce constat.