Rétrospective du mois de février 2015
2 – Justification de loi
Lors des débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des tarifs de certaines professions juridiques réglementées, le ministre de l’Économie (photo) précise que le projet de loi Activité n’a pas pour objectif « de stigmatiser des professionnels du droit qui (…) accomplissent un travail important pour la sécurité juridique ». Emmanuel Macron relève par ailleurs que « la réforme hollandaise souvent citée en référence par le Conseil supérieur du notariat (…) n’a rien à voir avec celle-ci » car « c’était une réforme d’ouverture complète des tarifs et de déréglementation des tarifs ». Et de préciser que la réforme portée par le gouvernement français « n’est pas une réforme de déréglementation des tarifs des notaires, des huissiers, des commissaires-priseurs judiciaires » qui sont « toutes » des professions « aussi importantes les unes que les autres ».
12 – Marché des fusions-acquisitions
Un rapport sur les tendances du marché mondial des fusions-acquisitions en 2015 est publié par Clifford Chance. Il relève notamment que « l’année 2014 a connu l’activité la plus forte en fusions-acquisitions mondiales avec une valeur totale des transactions dépassant des niveaux jamais vus depuis la crise financière de 2007 ». L’étude note par ailleurs que les objectifs des États sont contradictoires en termes de politique fiscale car d’un côté, « les États s’attaquent aux schémas d’évasion fiscale en modifiant leurs législations fiscales internes et internationales et en introduisant des recours contre d’autres États et les contribuables » ; et d’un autre côté, « les États se livrent à une compétition pour rendre leur fiscalité plus attractive et encourager les investissements entrants ». Or pour Clifford Chance, « la structuration des transactions nécessite plus que jamais de s’assurer que des avantages fiscaux seront bien accordés ».
12 – Sur les rescrits fiscaux
Le Parlement européen crée, pour une durée initiale de six mois, une commission spéciale chargée d’examiner les « rescrits fiscaux et les autres mesures de nature ou d’effets similaires » des États membres de l’Union européenne et de proposer des recommandations pour l’avenir. Pourquoi ? La mise en place de cette commission spéciale est due à « une série d’enquêtes lancées par la Commission européenne sur les rescrits fiscaux d’entreprises multinationales basées au Luxembourg, en Irlande, en Belgique et aux Pays-Bas », explique le Parlement européen dans un communiqué. En pratique, cette commission devra notamment examiner « les pratiques relatives aux rescrits fiscaux à compter du 1er janvier 1991 » et « la manière dont la Commission européenne traite les aides d’État dans les pays de l’UE » mais aussi chercher « à déterminer l’impact négatif de la planification fiscale agressive sur les finances publiques ».
17 – Simplification du droit
La loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures est publiée au Journal officiel (L. n° 2015-177, 16 févr. 2015). Ce texte habilite notamment le gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance, celle-ci devant être prise dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi. Par ailleurs, cette loi précise les modalités selon lesquelles les personnes sourdes, muettes ou ne parlant pas français peuvent tester sous la forme authentique. Il est ainsi par exemple prévu que « lorsque le testateur ne peut s’exprimer en langue française, la dictée et la lecture peuvent être accomplies par un interprète que le testateur choisit sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ou sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d’appel ».
18 – Relations avocats – experts-comptables
Dans un communiqué, la Confédération nationale des avocats « dénonce une dérive préoccupante [avec le projet de loi Activité, ndlr], destinée à satisfaire les prétentions expansionnistes des experts-comptables qui ambitionnent de promettre plus qu’ils ne peuvent tenir et surtout plus qu’ils ne peuvent garantir ». En ce sens, le syndicat indique avoir « constat[é] que l’Assemblée nationale et le gouvernement viennent de rompre l’équilibre entre ces deux professions (…) en permettant aux experts-comptables de se livrer à des travaux “d’ordre statistique, économique, administratif, social et fiscal” auprès de clients pour lesquels ils n’effectuent aucune mission comptable [et] en introduisant au profit des experts-comptables, la faculté de rédiger des actes sous seing privé ».
25 – Une réforme pour les contrats
Le projet d’ordonnance « de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations » est présenté en conseil des ministres, quelques jours après la parution de la loi de modernisation et de simplification du droit contenant l’habilitation (v. ci-dessus). « Le droit des contrats doit rester consensuel », précise la garde des Sceaux lors de la conférence de presse qui s’ensuit. « Mais on doit veiller aussi à protéger la partie la plus vulnérable ». Christiane Taubira se montre optimiste sur le respect du délai de 12 mois pour publier l’ordonnance. « Nous irons vite car le président de la République veut aller vite ». Le texte fera bien l’objet d’un projet de loi de ratification spécifique, avant la fin du 1er semestre 2016.
Par Eugénie Blanc, journaliste
Les événements du mois de février 2015
Clash juristes d’entreprises - avocats
Grosses tensions. Le 5 février, dans un premier communiqué, l’Association française des juristes d’entreprise et le Cercle Montesquieu ont « dénonc[é] l’opposition du Conseil national des barreaux à l’indispensable modernisation de l’exercice du droit en entreprise afin de renforcer la compétitivité des opérateurs économiques français et la promotion du droit et de ses professionnels en France et dans la mondialisation ». Puis le 10 février, à la suite « du refus sans justification sérieuse de l’Assemblée nationale de reconnaître la confidentialité aux juristes d’entreprise succédant à la suppression sans davantage de motifs objectifs du statut d’avocat en entreprise », les deux associations ont déclaré avoir « acté que le CNB avait préféré exiger du gouvernement qu’il accepte d’affaiblir le droit français, la compétitivité des entreprises et l’avenir des étudiants en droit ». Et elles ont annoncé qu’« en conséquence », elles demandaient « à l’ensemble de leurs membres (…) d’écrire aux avocats avec lesquels ils travaillent afin qu’ils confirment expressément par écrit leur soutien à la reconnaissance de l’indépendance des juristes d’entreprise et du principe de confidentialité de leurs avis et correspondances. Cette confirmation préalable serait associée au budget estimé à plus de 1,3 Md€ qui est chaque année confié à des avocats en France par les seules équipes juridiques locales des entreprises ».
Juristes d’entreprise bis
L’Union des jeunes avocats a réagi le 12 février à cette annonce de l’AFJE et du Cercle Montesquieu qui « s’apparente à un chantage » et qui « révèle une conception toute particulière des valeurs cardinales de la profession d’avocat comme de l’intérêt des entreprises qui les emploient ». L’association de jeunes avocats a indiqué « considérer qu’il est intolérable d’exiger comme préalable à l’attribution d’une mission de conseil ou de défense qu’un avocat fasse allégeance aux revendications professionnelles de ses clients ». Et elle a appelé les avocats « à ne pas obtempérer ». Silence radio du côté du Conseil national des barreaux.
Article publié dans Dr. & patr. 2015, n° 245, p. 20