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"Faire évoluer la déontologie", entretien avec Yves Mahiu, président de la Conférence des bâtonniers

Par DROIT&PATRIMOINE

Le 1er janvier dernier, Yves Mahiu a succédé à Marc Bollet à la présidence de la Conférence des bâtonniers. Il nous présente ici son programme et revient sur les sujets d’actualité pour la profession, tels que l’avocat en entreprise, l’aide juridictionnelle ou encore l’extension de la postulation au niveau de la cour d’appel. Rencontre.

 

Droit & patrimoine : Quel est votre programme ?

Yves Mahiu : La Conférence des bâtonniers a pour mission naturelle de relayer les inquiétudes des bâtonniers, de mener leurs combats, de les assister dans leurs missions et d’offrir des services. Mais elle a aussi pour rôle de réfléchir et d’anticiper l’évolution de la profession. Actuellement, nous sommes confrontés à une révolution quasi copernicienne du rôle de l’avocat au sein de notre société et ce, pour trois raisons. D’abord, parce que l’uberisation du droit est à nos portes avec les nouvelles technologies. Ensuite, parce que d’autres professionnels n’hésitent pas à intervenir sur des domaines qui nous étaient traditionnellement réservés. Enfin, parce que nous sentons que le mouvement de la déjudiciarisation va à une marche galopante pour des raisons qui tiennent plus à la gestion de la pénurie de magistrats et de moyens que par la découverte que la médiation était véritablement le bon moyen de résoudre les conflits. Pour ces trois raisons, j’ai demandé à mon bureau de travailler sur l’évolution de la déontologie et l’évolution des Ordres.

 

D&P : Comment la déontologie de l’avocat peut-elle évoluer ?

> J’ai coutume de dire que la déontologie de l’avocat correspond à un dogme, celui de l’indépendance sans laquelle on ne peut garantir le secret professionnel et l’absence de conflit d’intérêt. L’évolution de notre déontologie dans le respect de ce dogme permettrait de conquérir des marchés nouveaux et d’intervenir sur des domaines d’activités qui nous sont jusqu’à maintenant interdits. Par exemple, les avocats n’ont pas le droit de faire des actes de commerce et par conséquent, ils ne peuvent pas effectuer de compromis de ventes immobilières. Or les consommateurs ne préféreraient-ils pas traiter avec un professionnel soumis à une déontologie exigeante et contrôlée plutôt qu’avec un professionnel travaillant la bride sur le cou ? Cette réflexion sur la déontologie est nécessaire car nous avons une courbe démographique d’avocats absolument galopante et le seul moyen de permettre aux avocats, qui ne sont pas des nantis, de vivre de leur industrie est d’augmenter le périmètre de leurs interventions.

 

D&P : Vous évoquiez également l’évolution des Ordres. Qu’entendez-vous par là ?

> La Conférence des bâtonniers ne va nullement vers l’Ordre national. Les Ordres sont légitimes et je mesure la légitimité aux taux de participation aux élections ordinales. Je fais le constat que les élections ordinales rencontrent des taux de participation de l’ordre de 80-85 %, or toutes les institutions de la profession ne peuvent pas en dire autant ! Pour qu’un conseil de l’Ordre et le bâtonnier conservent cette légitimité, il faut qu’ils remplissent leurs missions avec compétence et excellence. Aussi, j’ai demandé au bureau de la Conférence de réfléchir sur l’évolution des Ordres. Nos règles sont-elles pertinentes au regard de l’évolution de notre société démocratique ? Par exemple, une assemblée générale d’avocats convoquée statutairement peut émettre des vœux mais elle n’a aucun pouvoir de décision, est-ce démocratique ? De même, il est curieux que le bâtonnier préside le conseil de l’Ordre mais n’en fasse pas partie. Il est également étrange de voir que la profession se rajeunit considérablement mais que les jeunes avocats qui n’ont pas cinq ans d’expérience ne peuvent pas se présenter au conseil de l’Ordre et donc avoir de représentants.

Propos recueillis par Clémentine Delzanno

Retrouvez la suite de cet entretien dans le n° de février de Droit & Patrimoine (Dr. & Patr. 2016, n° 255, p. 10 et s.)
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