IA générative et professions du droit : l’écart qui se creuse
La Commission des lois du Sénat a publié, le 18 décembre 2024, un rapport d’information sur ce sujet, constatant principalement le décalage technologique croissant entre les professions réglementées, déjà avancées sur le sujet, et les magistrats et personnels de juridictions. Les rapporteurs, Christophe-André Frassa et Marie-Pierre de la Gontrie formulent 20 propositions pour une application conforme à la réglementation et aux principes déontologiques des professions concernées.
Dressant le constat de l’avancée rapide de la technologie, les rapporteurs constatent que l’IA générative se déploie rapidement et que legaltechs et éditeurs juridiques proposent des offres riches et variées. Adoptant une approche holistique, le rapport s’attache à examiner à la fois les risques et les opportunités offertes par ce nouvel outil, à la fois pour le secteur purement privé, pour les professions réglementées et pour les métiers du secteur publics : magistrats, greffiers et personnels des juridictions. Il constate que le décalage entre les différents secteurs, notamment dû au sous-investissement de l’État dans l’équipement informatique des fonctionnaires pourrait causer une fracture au sein des professions, qui entraînerait une inégalité des parties devant la Justice. Insistant sur la formation et la nécessaire mise en place d’une politique publique structurée, le rapport propose les pistes de réflexion suivantes, qui posent question dans tous les domaines.
Encadrer et démocratiser
Le rapport propose de poser enfin une définition légale de la consultation juridique, réclamée de longue date par les professionnels du droit. Cela apparaît comme le prélude indispensable à la généralisation des outils d’IA. Par ailleurs, la formation et l’information des utilisateurs sont aussi un impératif, pour inculquer le caractère indispensable de la vérification du résultat. À cet égard, les rapporteurs considèrent que cette tâche de vérification des résultats pourrait être confiée, au sein des cabinets, aux assistants juridiques. Les rapporteurs estiment qu’il est souhaitable de mutualiser le coût des abonnements aux outils d’IA au niveau des ordres ou des chambres, afin que l’ensemble des professionnels y aient accès. Des chartes éthiques devraient également être élaborées pour chaque profession et déclinées au niveau local, ainsi qu’un référent IA, nommé au sein de chaque chambre, ordre professionnel ou juridiction. Il est également formulé le vœu (pieux) que les juridictions judiciaires et administratives soient « mises à niveau » en matière d’équipement informatique, d’automatisation. Au chapitre formation, il est demandé aux écoles de droit de souscrire des abonnements aux outils d’IA générative développés dans le secteur à destination des étudiants, afin qu’ils ne travaillent pas sur des outils généralistes. Le rapport incite également à la mise en place d’une certification ou d’un label public à destination des legaltechs ou des éditeurs juridiques qui emploient l’IA générative. Notons également la nécessité, selon le rapport, de procéder à l’anonymisation non seulement des noms des parties, mais aussi de ceux des magistrats et greffiers dans les décisions mises à disposition en open data. Cette proposition tranche une question controversée dans le milieu de l’édition juridique, certains éditeurs réfléchissant à la possibilité de constituer des bases de données liées à des fonctionnaires nommément identifiés.
Rapport du Sénat : https://www.senat.fr/rap/r24-216/r24-216-syn.pdf