Donation-partage : quelles stratégies ?
Cette année-là vit s’abattre sur la donation-partage « comme un ouragan », selon le mot d’un auteur. Selon un processus naturel, en quelques mois, la tempête tropicale s’est transformée en cyclone.
La tempête fut provoquée par le premier arrêt, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 6 mars 2013 (n° 11-21.892). Le message délivré par la Cour régulatrice était déjà clair : « quelle qu’en ait été la qualification donnée par les parties, l’acte litigieux, qui n’attribuait que des droits indivis à cinq des gratifiés, n’avait pu, à leur égard, opérer un partage, de sorte qu’à défaut de répartition ultérieure de biens divis par les ascendants, cet acte s’analysait en une donation entre vifs ayant eu pour effet de faire sortir les biens du patrimoine des donateurs et de créer une indivision conventionnelle entre les donataires à laquelle il pouvait être mis fin dans les conditions prévues par l’article 1873-3 du Code civil ». L’explicitation du visa était tout aussi limpide : « attendu qu’il n’y a de donation-partage que dans la mesure où l’ascendant effectue une répartition matérielle de ses biens entre ses descendants ». Mais le contexte spécifique dans lequel le message fut délivré a pu faire douter certains de l’exacte portée de la décision, tandis que l’opération, en l’espèce, entrait, selon la volonté du disposant, dans les prévisions de l’article 1076 alinéa 2 (« La donation et le partage peuvent être faits par actes séparés »…) et que l’assignation en partage de l’indivision était intervenue après le décès d’un donataire et avant toute conclusion du second acte.
Le cyclone s’abattit huit mois après. La portée de l’arrêt du 20 novembre 2013 (Cass. 1re civ., 20 nov. 2013, n° 12-25.681) n’est plus, en effet, affectée par le contexte factuel et l’attendu de principe, sous le visa de l’article 1075 du Code civil, reprenant presque mot pour mot celui contenu dans l’arrêt de mars, en ressort avec plus d’éclat encore.
Selon une chronologie inversée, la dépression succéda au cyclone…
Cette brutale remise en cause d’une pratique profondément ancrée dans les mœurs notariales appelait une prompte réaction. Il fallait laver le passé et repenser l’avenir.
L’abattement fut de courte durée ; l’imagination et la créativité reprirent vite leurs droits, le Droit.
Ce sont leurs fruits, mûris dans la pensée de praticiens composant le groupe Patrimoine au sein de l’étude Cheuvreux, qui sont ici offerts aux lecteurs de Droit & Patrimoine.
Hervé Lécuyer,
Professeur à l’Université Paris II (Panthéon-Assas)
SommaireAvant-propos sur l’évolution de la notion de donation-partage
Par Xavier Boutiron
Constat de la situation depuis les arrêts de 2013
Par Jean-François Bidault
Corriger le passé
Par Karine Marquez
Anticiper les futures donations « -partages »
Par Karine Marquez et Xavier Boutiron
La donation avec stipulation d’une clause de rapport forfaitaire
Par Christophe Vernières
La mise en société : une fausse bonne idée ?
Par Xavier Boutiron
Paru in Dr. & Patr. 2016, n° 254, p. 33 (janvier 2016), Dossier Donation-partage : quelles stratégies ?