Trois questions à… François-Pierre Lani & Émilie Bacq
Paru dans Droit & Patrimoine Hebdo - N°1145 - 14 mai 2018
Par Olivier HIELLE
Dans le cadre du chantier de la justice relatif à l’amélioration et la simplification de la procédure civile, Jean-Michel Hayat, Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, a partagé son souhait de voir appliquer la procédure de l’arrêt pilote en France. Trois questions à… François-Pierre Lani & Émilie Bacq, avocats chez Derriennic Associés.
Que prévoit la procédure de l’arrêt pilote en l’état ?
La procédure de l’arrêt pilote, qui a été créée pour la première fois par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans un arrêt du 22 juin 2004 (affaire Broniowski c/ Pologne) et codifié à l’article 61 du règlement permet à la Cour d’identifier, dans le cadre d’une affaire, un problème qui pourrait concerner de nombreuses personnes et inviter l’Etat concerné à prendre les mesures nécessaires pour éviter d’autres recours devant la Cour et donc d’autres condamnations.
En quoi la proposition du Président Hayat est-elle différente de la procédure européenne ?
Cette procédure pourrait être appliquée lorsque plusieurs demandes concernent un même défendeur et une situation identique. Dans ce cas, le juge pourrait décider de traiter une première affaire en priorité, sursoir à statuer pour les demandes identiques provenant d’un demandeur différent et faire ensuite connaitre la solution aux différents demandeurs pour les inciter à transiger ou faire appel à la médiation. À la différence de l’action de groupe, la décision ne sera pas directement appliquée aux affaires mises en suspens. Devant la CEDH, les États sont invités à prendre des mesures générales de redressement concernant tous les individus. En France, cette procédure permettrait d’inciter les parties à résoudre leur différend amiablement et en cas d’échec de la médiation, le juge saisi pourrait facilement s’appuyer sur une solution déjà connue.
La procédure de l’arrêt pilote à la française changerait-elle la pratique des professionnels ?
Cette procédure aurait pour but de simplifier les procédures et éviter les contentieux de masse. Les parties seraient donc plus facilement amenées à transiger au regard de l’arrêt rendu par le juge.
Elle ne changerait pas pour autant la pratique des professionnels. Ils ont déjà pour habitude de transiger dans de nombreuses affaires, mais cela leur permettrait de mettre en pratique d’autres modes alternatifs de règlement qui sont actuellement très peu utilisés tels que la médiation et surtout d’avoir une solution connue permettant de transiger plus rapidement. Il est certain que l’application de cette procédure en droit interne serait utile afin de désengorger les tribunaux et d’éviter aux parties d’engager des procédures longues et couteuses. Cette proposition va dans le sens de la pratique actuelle qui est de réduire le nombre de contentieux.