L’acquisition par le propriétaire du fonds dominant de parcelles issues de la division du fonds servant éteint la servitude grevant ces parcelles
Par Cécile Le Gallou, Maître de conférences HDR, Université de Toulouse I Capitole
Le propriétaire d’un terrain le divise en deux lots et institue une servitude non aedificandi sur le premier au profit du second. Bien plus tard, le premier lot est divisé en cinq parcelles appartenant désormais à cinq propriétaires différents ; mais l’un d’eux a également acquis le second lot. Le propriétaire du second lot (et de deux parcelles issues de la division du premier lot) souhaite construire sur son terrain, et notamment sur la partie inconstructible ; les trois autres propriétaires, se prévalant de la servitude, s’y opposent. Le propriétaire désireux de construire les assigne alors pour faire reconnaître l’extinction de la servitude grevant ses deux parcelles. La cour d’appel rejette sa demande au motif que, pour l’application de l’article 705 du Code civil, rien ne doit altérer l’unicité de propriétaire entre le fonds qui doit la servitude et celui auquel elle profite et que le propriétaire ne remplissait pas la condition de réunion en une seule main du fonds qui doit la servitude avec celui auquel elle profite. Mais, au visa des articles 637 et 705 du Code civil, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en affirmant que « l’acquisition par le propriétaire du fonds dominant de parcelles issues de la division du fonds servant éteint la servitude grevant ces parcelles ».Observations : Une servitude est une charge imposée sur un fonds pour l’usage et l’utilité d’un autre fonds appartenant à un propriétaire différent (C. civ., art. 637 ; pour une copropriété, v. Cass. 3e civ., 30 juin 2004, n° 03-11.562). Lorsque les deux fonds sont réunis en une seule main, la servitude s’éteint (C. civ., art. 705). Mais si le fonds servant est divisé et acquis par divers propriétaires et si une (voire plusieurs) parcelles ainsi créées sont la propriété du propriétaire du fonds dominant, la servitude est-elle pareillement éteinte ? La réponse est positive. Encore faut-il qu’il s’agisse d’un vrai droit de propriété et non de la seule nue-propriété (Cass. 3e civ., 17 avr. 1996, n° 94-16.873).
Cass . 3e civ., 8 sept. 2016, n° 15-20.371, P+B
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1070, 26 septembre 2016