La détention des clés de la porte d’entrée d’un immeuble indivis est constitutive d’une jouissance privative et exclusive
Par Cécile Le Gallou, Maître de conférences HDR, Université de Toulouse I Capitole
À son décès, un homme laisse pour lui succéder son épouse et leurs deux enfants. Peu après, la veuve assigne en partage de la succession son fils ainsi que le mari et le fils de sa fille décédée entretemps. Elle décède à son tour en cours de procédure. Dans ce contexte, les difficultés opposent désormais le fils à son beau-frère et à son neveu : il leur réclame le paiement d’une indemnité d’occupation privative pour l’immeuble indivis et des dommages-intérêts pour lui et au titre de sa mère prédécédée. La cour d’appel rejette chaque demande car il ne prouve pas l’exclusivité de l’immeuble par le beau-frère et le neveu (tout au plus ceux-ci s’étaient-ils opposés à lui remettre, en personne, la clé de l’unique porte d’entrée de l’immeuble) et car il ne peut exercer les droits de sa défunte mère que si elle avait eu l’intention, de son vivant, d’exercer l’action indemnitaire. Double cassation des juges du droit : au visa de l’article 815-9 du Code civil, la Cour de cassation censure les juges d’appel car « la jouissance privative d’un immeuble indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose », tel est le cas de « la détention des clés de la porte d’entrée de l’immeuble, en ce qu’elle permettait [aux beau-frère et neveu] d’avoir seuls la libre disposition du bien indivis » ; au visa des articles 1382 et 731 du Code civil, elle rappelle que « le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers », peu importe que l’auteur ait entendu réclamer le bénéfice de l’action.Observations : La jouissance privative résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose (Cass. 1re civ., 8 juill. 2009, n° 08-16.554). Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des droits et actions du défunt (C. civ., art. 724, al. 1er ; Cass. 1re civ., 25 oct. 2005, n° 04-06.045 : action indemnitaire pour cause d’amiante).
Cass. 1re civ. 31 mars 2016, n° 15-10.748, P+B
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1052 18 avril 2016