La déclaration de créance avant publication de l’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net rompt l’égalité des créanciers
Par Cécile Le Gallou, Maître de conférences HDR, Université de Toulouse I Capitole
Une femme, condamnée à payer une somme d’argent, décède sans l’avoir payée. Informé du décès, le créancier signifie le jugement au notaire chargé de la succession. Deux mois après, la fille de la défunte accepte la succession à concurrence de l’actif net, puis, le greffe du tribunal procède à la publication au Bodacc de cette acceptation et de son élection de domicile chez le notaire. Mais la cour d’appel déclare la créance éteinte au motif que la déclaration de créance a été réalisée avant la déclaration par l’héritière de l’acceptation de succession et avant l’élection de domicile. Le créancier soutient au contraire qu’il importe peu que la déclaration de créance intervienne avant la publicité nationale de la déclaration par l’héritier ; et la notification au domicile élu de la succession du jugement constatant la créance du créancier vaudrait déclaration de créance. La Cour de cassation rejette ces arguments : après avoir rappelé les dispositions des articles 788, 792 et 796 du Code civil, elle considère que le créancier avait « signifié le jugement avant que l’acceptation à concurrence de l’actif net ait été régulièrement portée à la connaissance de l’ensemble des créanciers par une publication au BODACC ». Elle ajoute que « cette signification, effectuée en méconnaissance de la procédure spécifique instituée en la matière, aurait pour effet de faire bénéficier ce créancier d’une priorité de paiement illégitime par rupture d’égalité devant la loi » de sorte que « la créance était éteinte ».Observations : Lorsque la succession est acceptée à concurrence de l’actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession, indiqué dans la déclaration d’acceptation de l’héritier. Le délai de déclaration des créances soumises à cette formalité (15 mois) court à compter de la publicité nationale de la déclaration d’acceptation (C. civ., art. 788 et 792). Les créanciers sont désintéressés dans l’ordre des déclarations (C. civ., art. 796).
Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-10.799, P+B+I
Publié in Droit & Patrimoine l’Hebdo, n° 1051, 11 avril 2016