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La redéfinition de l’entreprise - La Tribune de Jean-Pierre Bertrel

Par DROIT&PATRIMOINE

Le président Emmanuel Macron souhaite « redéfinir l’entreprise qui ne serait plus seulement une association d’actionnaires mais verrait son but élargi aux intérêts des partenaires que sont les salariés ».

Revisitant la belle invention gaulliste de la participation, il veut que « les salariés aient leur juste part » de la création de valeur. Lui faisant écho, Nicolas Hulot indique qu’il prépare une réforme destinée à « faire évoluer l›objet social de l›entreprise, qui ne peut plus être le simple profit, sans considération aucune pour les femmes et les hommes qui y travaillent, sans regard sur les dégâts environnementaux ».

L’exécutif annonce une redéfinition de l’entreprise mais les juristes auront compris que c’est d’une redéfinition de la société, habit juridique de l’entreprise, dont il s’agit et plus particulièrement de son but et/ou de son objet fixés par les articles 1832 et 1833 du Code civil. Cette réforme renvoie aux débats sur la nature de la société et sur l’intérêt social, ce concept majeur du droit des sociétés. Chacun se souvient des joutes doctrinales pour savoir si la société est un contrat, une institution ou un mixte des deux et ce que doit être son intérêt.

Le droit des affaires français a un socle institutionnel mais le vent de libéralisme qui a soufflé sur le monde dans les années 1980-1990 a contribué à une impressionnante montée en puissance de la thèse de la « société contrat ». Des auteurs américains (Hansmann et Kraakman) avaient même cru que cette thèse donnant la priorité à l’intérêt des actionnaires s’était imposée de façon universelle et que son sacre annonçait la fin de l’histoire du droit des sociétés. Ils se sont trompés.

La financiarisation excessive de l’économie qui en résulte entraîne un nouveau mouvement de balancier de cette histoire, en sens inverse. L’annonce de la prise en compte de l’intérêt des salariés ainsi que de considérations environnementales à l’occasion de la réécriture prochaine des articles 1832 et/ou 1833 du Code civil confirme un retour en force dans notre pays de la thèse de la « société institution ».

Il va s’agir d’une réforme historique qui aura en pratique des conséquences importantes car elle va notamment impacter la notion d’intérêt social. Or cette dernière est au cœur des préoccupations quotidiennes des praticiens du droit des affaires, l’intérêt social étant l’incontournable boussole de leurs clients, dirigeants de sociétés et associés.

Jean-Pierre Bertrel, professeur de droit des affaires à ESCP Europe, Associé de Jureconseil
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