3 questions au président de l'Union internationale du notariat
D&P : Comment se porte le notariat dans le monde ?
J. M. L. : Le notariat, et plus généralement le système juridique de droit continental, est en expansion constante. Aujourd’hui, nous comptons 87 notariats-membres, tous ayant mis leur diversité au service d’un projet d’avenir commun, au service des citoyens et de l’État partout dans le monde. Le notariat mondial doit relever les défis de la numérisation et de la coexistence avec les systèmes juridiques de Common Law, sans dénaturer son essence et en respectant la diversité de chacun. Le système de notariat de type latin s’adapte constamment aux nécessités de la société et des citoyens auxquels il rend service. Celles-ci sont les mêmes partout dans le monde et requièrent un rythme beaucoup plus frénétique dans des lieux plutôt que dans d’autres. Le notariat, sans cesser d’être fidèle aux valeurs et à la fonction qui le définissent, utilise les nouvelles technologies comme instrument pour s’adapter à ces nécessités.
D&P : Lors de votre prise de fonction, vous avez fait part de votre souhait d’élargir les missions des notaires au service des citoyens. À quelles missions pensez-vous ?
J. M. L. : Nos sociétés modernes doivent affronter de nouveaux phénomènes (nouvelles technologies, marchés émergents, etc.) et en conséquence, elles sont en demande croissante de sécurité. C’est à cette demande que doit répondre le notaire du 21e siècle. Le notaire est le juriste de proximité par excellence. Il est le point de liaison entre le citoyen et l’État. Nous devons intensifier la collaboration avec les administrations publiques et le pouvoir judiciaire pour renforcer notre utilité sociale, notamment en termes de lutte contre le blanchiment d’argent. Il faut souligner aussi le rôle de conseiller particulier du notaire dans des matières qui ont trait à la sphère plus personnelle de l’usager, comme les successions mais aussi le droit de la famille et la capacité personnelle. Je pense aux mandats de protection future en cas de perte de capacité, pour la nomination de tuteurs, pour les traitements palliatifs en cas de maladie grave et irréversible, pour la donation d’organes, le « ventre à louer », etc.
D&P : Vous avez par ailleurs fait part de votre volonté de défendre l’acte notarié. De quelle manière et pourquoi ?
J. M. L. : Ce qui distingue notre métier de celui d’autres praticiens du droit est, sans aucun doute, son caractère de conseiller juridique de haute qualité, son caractère public et la qualité du document notarial. L’acte notarié permet de réguler les intérêts personnels, familiaux et patrimoniaux. En cela, il constitue un outil de liberté individuelle. Or la difficulté réside dans sa valorisation en tant que fondement de la justice préventive car, on n’en réalise pas toujours sa valeur immédiate mais on en prend conscience lorsqu’il fait défaut. Aussi, nous devons promouvoir l’acte notarié en rappelant qu’outre ses qualités intrinsèques (date certaine, force exécutoire, force probante), il est le garant de la sécurité juridique par la présence du notaire, tiers de confiance, qui s’assure du consentement éclairé et dument informé des cocontractants et de leur capacité juridique. Enfin, nous devons assurer le développement de l’acte notarié dans un environnement numérique.
Propos recueillis par Clémentine Delzanno
Interview publiée dans Droit & patrimoine l'Hebdo 2016, n° 1080 (5 déc. 2016)