3 questions au président de la Chambre nationale des huissiers de justice sur la profession de commissaire de justice
D&P : L’ordonnance présentée acte la fusion des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Est-ce une victoire pour vous ?
P. S. : On ne peut pas qualifier l’ordonnance de victoire car elle est simplement l’application d’un article de la loi Macron. En outre, il ne s’agit pas de la victoire d’une profession contre une autre. La fusion des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire n’entraînera pas l’absorption d’une profession par une autre mais la création d’une nouvelle profession. Cela permet de renforcer, notamment aux yeux de l’Europe mais aussi des justiciables, la cohérence de la présence d’un officier public et ministériel pour la phase exécutoire. La dénomination de commissaire de justice a été proposée par le gouvernement et nous l’interprétons comme un mélange des deux appellations. C’est un pari d’abandonner les termes « huissier de justice » et « commissaire-priseur judiciaire » car ceux-ci sont ancrés dans l’esprit du grand public mais s’agissant des huissiers de justice, cette nouvelle dénomination a le mérite de lui permettre de s’écarter de l’image qui lui colle à la peau et des clichés qui le réduisent trop souvent aux constats d’adultère et aux expulsions.
D&P : Des formations ou mises à niveau sont-elles nécessaires pour les huissiers de justice en prévision de cette fusion ?
P. S. : L’ordonnance prévoit une mise en œuvre progressive de la réforme. Les nouveaux entrants dans la profession recevront une formation spécifique ; quant aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires en exercice, ils devront suivre des formations s’ils veulent exercer la totalité des missions du commissaire de justice. En effet, le titre de commissaire de justice ne sera pas décerné automatiquement aux professionnels actuellement en exercice. Tous les détails de ces formations seront réglés par voie de décret, qui prendront en compte les activités déjà exercées par ces professionnels en exercice (comme par exemple, les ventes judiciaires).
D&P : Il est prévu que cette profession verra le jour en 2022 et sera exclusive de toute autre à compter du 1er juillet 2026. Pourquoi ces délais sont-ils nécessaires ?
P. S. : Le commissaire de justice commencera formellement à exister à partir du 1er juillet 2022 mais il y aura encore des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires jusqu’au 1er juillet 2026. Cette transition progressive, même si nous aurions préféré un délai plus bref, est nécessaire notamment pour les professionnels qui souhaitent prendre leur retraite et ne pas devenir commissaire de justice. En outre, si nous voulons que cette fusion soit acceptée par les professionnels, nous devons l’accompagner. La fusion commencera donc par la fusion des deux chambres nationales en une Chambre nationale des commissaires de justice le 1er janvier 2019. Il y aura aussi un travail commun pour arriver à une fusion des chambres régionales au 1er juillet 2022.
Propos recueillis par Clémentine Delzanno
Interview publiée dans Droit & patrimoine l'hebdo 2016, n° 1059 (6 juin 2016)
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