3 questions à Vivien Streiff sur les nouveaux droits réels
D&P : Quels sont les intérêts du droit réel de jouissance spéciale ?
V. S. : Le droit réel de jouissance spéciale modernise les techniques de démembrement car il permet à une personne d’acheter pour un coût strictement adapté un droit correspondant à une jouissance librement composée pour la durée dont elle a besoin tout en sachant que ce droit sera transmis à ses héritiers si elle décède avant. Par exemple, une personne achète pour une durée de quinze ans une place de parking pour une utilisation du lundi au vendredi de 9h à 19h, si elle décède avant la fin de ces quinze ans, son droit sera transmis à ses héritiers. De même, s’il n’en a plus l’utilité avant la fin de la période, il pourra lui-même revendre ce droit. Je précise cependant que le droit réel de jouissance spéciale n’a pas vocation à se substituer à la propriété ou à la location, c’est un outil qui viendra en plus. Il faut avoir une vision prospective car il y a de la place pour autre chose que la propriété. En effet, la société valorise de plus en plus l’usage qui tend désormais à devenir dans bien des domaines un modèle alternatif à la propriété.
D&P : Comment les notaires intègrent-ils les nouveaux droits réels de jouissance spéciale dans leur pratique ?
V. S. : Les notaires ne peuvent pratiquer au quotidien que s’ils sont certains de ne pas faire des conventions critiquables. Aujourd’hui, notamment depuis le deuxième arrêt de la Cour de cassation « Maison de Poésie » de septembre 2016, nous avons beaucoup plus de faciliter pour appréhender ce droit bien qu’il reste quelques zones d’ombres. Mais suffisamment de réponses ont été données par la Cour de cassation. En particulier, le droit réel de jouissance spéciale est un droit distinct du droit d’usage et d’habitation ce qui nous permet de le composer en toute liberté. C’est d’ailleurs le sens du vœu que nous avions formulé lors du congrès de Nantes.
D&P : Quel est l’enjeu pour le notariat ?
V. S. : L’enjeu pour le notariat est considérable. Il s’agit de développer ce droit dans le respect de l’ordre public en général et de l’ordre public des baux en particulier. Les notaires pourront moduler les usages et désormais tout est possible sous réserve de disposer d’une bonne expertise. En outre, et là est l’essentiel, le droit réel de jouissance spéciale permettra à l’avenir au propriétaire de valoriser au mieux toutes les richesses de son immeuble.
Propos recueillis par Clémentine Delzanno
Interview publiée dans Droit & patrimoine l'Hebdo 2017, n° 1086 (30 janvier 2017)